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Nouveau bras de fer en vue à la Taharu’u


Selon l'association Ia ora Taharu'u ces travaux d'aménagement seraient un prétexte pour le Pays pour se fournir les matières premières nécessaires à la réalisation des grands projets.
Selon l'association Ia ora Taharu'u ces travaux d'aménagement seraient un prétexte pour le Pays pour se fournir les matières premières nécessaires à la réalisation des grands projets.
PAPARA, le 2 mai 2019 - ​Le journal officiel a publié dans son édition du 26 avril un arrêté portant « déclaration d'utilité publique l'aménagement de la rivière Taharu'u (…) et la cessibilité de la parcelle de terre nécessaire à cette opération ». Des travaux d'aménagement doivent reprendre incessamment sous peu, même si le Pays n’avance encore aucune date. « Si le gouvernement persiste, nous mettrons en place un blocage », prévient déjà l’association Ia ora Taharu’u.

Du 21 janvier au 8 février dernier, deux enquêtes ont été ouvertes au service urbanisme de la mairie de Papara. Ces dernières portaient pour l'une sur la déclaration d'utilité publique pour l'aménagement de la rivière Taharu'u, pour l’autre sur une enquête en vue de délimiter exactement la parcelle de terre nécessaire à cette opération. En résumé le Pays souhaitait reprendre les travaux d'aménagement dans le lit de la rivière "pour diminuer le risque d'inondations dans un objectif de mise en sécurité des biens et des personnes."
 
Suite à ces enquêtes publiques, le 17 avril dernier, le conseil des ministres a indiqué dans son compte-rendu que, "la  nécessité de protéger les berges de la rivière étant établie, le Pays devant surveiller, gérer, entretenir et conserver son domaine public et notamment fluvial, la déclaration d’utilité publique va désormais suivre son cours. Celle-ci se fera également dans l’intérêt des riverains et en prenant en compte les remarques formulées lors des enquêtes publiques." Décision définitivement entérinée par un arrêté paru au journal officiel le 26 avril dernier.
 
Dans ces futurs travaux le Pays prévoit la révision du bassin dégraveur (lire encadré), sorte de piège à matériaux (cailloux, sable). Des "seuils à créneau", présentant des ouvertures de 8 mètres de large, seront également installés. Ils auront pour objectif de "maintenir les zones d’écoulements secondaires à l’amont qui sont favorables au développement des espèces naturelles", précise les documents présentés lors de l'enquête publique. Les matériaux retirés seront ensuite stockés en rive droite de la rivière sur un terrain.
 
Pour rappel, trois tronçons de travaux ont déjà été réalisés entre 2014 et 2016, et trois autres tronçons restent à faire. Le montant total des travaux d’aménagement de la rivière Taharu’u (hors foncier) est estimé à 1,765 milliard de franc.

"Hors de question de toucher à la Taharu'u"

"On s'inquiète des quantités faramineuses qui risquent d'être prélevées dans le lit de la rivière. C'est cela qui dérègle la rivière et qui crée l'érosion sur les berges", insiste Maire Grandin, trésorière de l'association Ia Ora Taharu'u opposée de longue date à ces travaux. Avant d'ajouter, "c’est ça qui met en danger les riverains. Si leur priorité était la sécurité des riverains, on trouverait un moyen plus sain et respectueux pour la rivière."
 
Selon l'association, ces travaux d'aménagement seraient un prétexte pour le Pays pour se fournir les matières premières nécessaires à la réalisation des grands projets. "On sait tous qu'il y a le projet du Village Tahitien. On se demande où est-ce qu'ils vont aller chercher les matériaux pour réaliser ces travaux", s'interroge Maire Grandin. "Pendant des années le Pays est allé taper dans la Punaru’u et on sait dans quel état elle est aujourd'hui. On espère être consulté pour avoir plus de détails sur le projet. Si le gouvernement persiste, nous mettrons en place un blocage. Il est hors de question de toucher à la Taharu'u. Les habitants qui habitent au bord de la rivière ont été traumatisés par les premiers travaux. Ils n'en peuvent plus."

Au ministère de l'Equipement, on explique que la reprise des travaux est pourtant « imminente » mais qu’aucune date n'a, pour le moment, été fixée.

Le bassin dégraveur de la discorde

Ce bassin dégraveur est pour l'association Ia Ora Taharuu l'une des principales sources du problème aujourd'hui.  Ce dispositif qui agit comme un barrage est censé piéger les matériaux (cailloux, sable). "Mais il a cédé en partie dès les premières pluies", comme l'a relaté Manoa Drollet dans une vidéo qu'il a réalisée et diffusée sur les réseaux sociaux en février dernier.  "Dès les premières crues, il y a eu inondation en amont et aux abords du bassin avec arrachement de la végétation et des berges. Heureusement que la berge coté Mataiea a cédé et emporté une partie du seuil (barrage). Ce qui a permis à la rivière de retourner dans son lit. Ce dispositif "bassin dégraveur" et surtout ces poteaux mis en travers du lit sont très dangereux, ils créent des inondations plus importantes et incontrôlables. En amont l'eau monte beaucoup plus haut sur les berges pour un débit équivalent."
Pascal Teriinatoofa, président de l'association, précise par ailleurs, "on a connu des crues auparavant. Mais les dernières qui se sont produites depuis l'installation du bassin dégraveur, je n'avais jamais vu ça. C'était la première fois que l'eau arrivait jusqu'au maison."


A noter que d'après le plan de prévention des risques (PPR) de la commune, 110 habitations sont concernées par un risque d’inondation. 17 habitations en zone rouge (aléa fort). 31 habitations en zone bleue (aléa moyen). 62 habitations en zone verte (aléa moyen à faible).

Le débat sur la Taharu'u se déplace au tribunal

En 2016 l'association Ia Ora Taharu'u a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision du ministre de l'Equipement de réaliser les travaux d'aménagement de la rivière Taharu'u. A l'époque l'association se plaignait déjà des opérations d'extractions opérées sur la rivière. Par un jugement rendu le 6 décembre de la même année, le tribunal avait rejeté la demande de l'association. Cette dernière avait ensuite décidé de faire appel de cette décision. Et le 24 avril dernier, la 6ème cour administrative d'appel de Paris a de nouveau rejeté la requête de l'association. Le tribunal a notamment estimé que "la demande de première instance, enregistrée le 8 avril 2016 était tardive et par suite irrecevable (…) l'association requérante a nécessairement eu connaissance de l'intervention de la décision de réaliser les travaux litigieux au plus tard à la date de publication, le 4 juillet 2014, du premier appel d'offres relatifs aux marchés passés en vue de la réalisation de ces travaux."

Rédigé par Désiré Teivao le Jeudi 2 Mai 2019 à 16:04 | Lu 1925 fois