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Non-lieu dans l'affaire du Ranelagh


Tahiti, le 7 mars 2022 – Le juge d'instruction en charge de l'information judiciaire ouverte pour “tentative d'escroquerie” et “faux et usage de faux” à l'encontre de Gaston Flosse et de son fils, Réginald, a rendu un non-lieu dans cette affaire le 4 mars dernier. Les deux hommes étaient soupçonnés d'avoir falsifié la comptabilité de la SCI par le biais de laquelle ils avaient acheté et revendu l'hôtel particulier rue du Ranelagh à Paris. Le parquet a d'ores et déjà fait appel de ce non-lieu.
 
Un peu plus de deux ans après les mises en examen de l'ancien président Gaston Flosse et de son fils Réginald pour “tentative d'escroquerie aux jugements” et “faux et usage de faux” dans l'affaire de l'hôtel du Ranelagh, le juge d'instruction en charge de l'affaire, Frédéric Vue, a rendu un non-lieu dans ce retentissant dossier le 4 mars dernier. Une ordonnance que Tahiti Infos a pu consulter.
 
Les prémices de cette affaire remontent à l'année 1994, au cours de laquelle Gaston Flosse, son fils Réginald et son ex-femme, Tonita, avaient constitué une société civile immobilière, la SCI Rikitea, dans le but d'acquérir un splendide hôtel particulier situé rue du Ranelagh. Ce bien, situé dans le XVIe arrondissement de Paris, avait été acheté pour la modique somme de 120 millions de Fcfp. Quinze ans après cette acquisition, en 2010, Réginald Flosse avait été nommé gérant de la SCI Rikitea en lieu et place de son père lors d'une assemblée générale. Et l'hôtel avait été revendu un an plus tard.
 
Mais le produit de cette vente avait à l'époque été saisi par le Trésor public dans l'attente de la décision de la Cour des comptes sur le volet financier de l'affaire des “emplois fictifs” pour laquelle Gaston Flosse avait été condamné à quatre ans de prison ferme. En qualité de gérant de la SCI, Réginald Flosse avait tenté à plusieurs reprises d'obtenir la mainlevée partielle du séquestre, en produisant notamment des éléments de comptabilité devant les juridictions nationales. Et c'est dans ce contexte que le 11 février 2015, le directeur des créances spéciales du Trésor public avait saisi le procureur de la République de Papeete pour l'aviser de ses “soupçons”quant à la possibilité que Réginald Flosse ait produit une comptabilité reconstituée, mais mensongère, afin de la produire dans les cadres de ses recours intentés pour récupérer une partie de l'argent de la vente de l'hôtel.
 
Sur la base de ce signalement, le parquet de Papeete avait décidé en 2017 d'ouvrir une enquête préliminaire pour “tentative d'escroquerie aux jugements” et “faux et usage de faux”. Et c'est ensuite en 2018 qu'une information judiciaire avait été ouverte et confiée à un juge d'instruction. Gaston Flosse et son fils avaient été mis en examen en décembre 2019, pendant que le comptable de la SCI, Patrick Chaine, et les avocats de Gaston et Tonita Flosse, Mes Quinquis et Dubois, avaient été placés sous statut de témoin assisté.
 
Lors de leurs interrogatoires devant le juge d'instruction, Gaston Flosse avait expliqué qu'il n'avait jamais tenu aucune comptabilité de la SCI. Réginald Flosse avait, pour sa part, indiqué qu'après être devenu gérant de la SCI en 2009, il avait tenté de “reconstituer la comptabilité sociale” de la société afin d'obtenir la mainlevée partielle du séquestre. L'expert-comptable de la Cour de cassation –mandaté pour une expertise dans ce dossier– avait quant à lui conclu que le rapport produit par le comptable de la SCI, Patrick Chaine, “comportait une réserve explicite en ce qu'il indiquait que tous les relevés bancaires n'avaient pu être retrouvés” et qu'il était donc “impossible de conclure que les comptes étaient sincères et donnaient une image fidèle des opérations de la SCI”.
 
“Pas d'intérêt particulier”
 
Dans son ordonnance de non-lieu rendue le 4 mars dernier, le juge d'instruction donne crédit à la bonne foi de Réginald Flosse en affirmant que “l'information judiciaire n'a pas permis d'établir, pour Réginald Flosse comme pour son père, une intention frauduleuse coupable, sauf à considérer que toute partie qui n'apporterait pas une preuve suffisante à une juridiction civile et qui se verrait nécessairement déboutée de ses demandes serait en infraction pénale”. Le magistrat relève donc que la “production aux instances civiles de la comptabilité partielle mais non faussée ne saurait pas sérieusement être considérée comme une manœuvre frauduleuse”.
 
Enfin, le magistrat instructeur conclut que cette production comptable n'était pas “le fait de Gaston Flosse, qui n'avait pas d'intérêt particulier à ce que son fils obtienne la mainlevée du séquestre sauf à considérer, sans début de preuve apporté par l'enquête puis l'information judiciaire, que le second avait l'intention de remettre les sommes qu'il aurait obtenues à son père dans un dessein organisé de dissimulation aux créances du premier”.
 
Si cette décision constitue un répit pour Gaston Flosse et son fils, il n'en demeure pas moins encore fragile, puisque le parquet a fait appel de l'ordonnance de non-lieu. Une audience devrait donc avoir prochainement lieu devant la chambre de l'instruction sur ce dossier.

“Le juge a reconnu la bonne foi de Réginald Flosse et de son père”

Me François Quinquis, avocat de Gaston Flosse.

On vous imagine satisfait de l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction dans cette affaire ?

“Bien sûr. Je ne peux qu'éprouver un vif sentiment de satisfaction dans la mesure où la justice est passée et le juge a reconnu que la bonne foi de Réginald Flosse était totale et, bien évidemment, celle de son père aussi. Ce que l'on peut regretter et comme le fait le juge d'instruction a mi-mots, c'est que lorsqu'une partie essaye de rapporter une preuve comme les tribunaux le lui demandent, et que cette preuve apparaît incomplète mais pas fausse, on n'hésite plus à déposer plainte au pénal avec la médiatisation que l'on sait et les trésors d'énergie qui sont déployés en vain.”

Vous-même ainsi que l'un de vos confrères aviez été placés sous le statut de témoin assisté dans le cadre de ce dossier. C'est un traitement que vous aviez tenu à dénoncer et que vous dénoncer d'ailleurs encore aujourd'hui ?

“Je le dénonce d'autant plus que preuve est faite de ce que cette mise en cause était totalement injustifiée. C'était une atteinte lamentable aux droits de la défense, et c'est ce contre quoi je m'étais insurgé à l'époque et contre lequel je m'insurge encore aujourd'hui.”

Rédigé par Garance Colbert le Mardi 8 Mars 2022 à 05:52 | Lu 3288 fois