Nouméa, France | AFP | mercredi 07/11/2018 - Le référendum sur l'indépendance en Nouvelle-Calédonie, marqué dimanche par la victoire des pro-Français, a jeté une lumière crue sur les clivages ethnique, géographique et socio-économique d'un archipel où l'émergence d'une communauté de destin est pourtant le projet politique depuis 20 ans.
"Pour ce qui est de la répartition des votes, c'est une continuité par rapport à 30 ans d'élections. Le vote indépendantiste correspond aux bureaux de vote où la population kanak est importante. Ce clivage est toujours d'actualité, à l'échelle du territoire, des provinces et des communes", note Pierre-Christophe Pantz, docteur en géopolitique.
Dans la province nord, à Hienghène, village dont était natif le leader kanak Jean-Marie Tjibaou, assassiné en 1989, l'indépendance remporte 94,7% des voix, tandis que sur la côte ouest à Farino, plus petite commune de l'archipel qui n'abrite aucune tribu kanak, 90,8% des électeurs ont choisi la France.
Ces chiffres dessinent une carte électorale aux frontières ethniques où toutes les régions kanak se sont prononcées pour l'indépendance, les autres à majorité non kanak (européens, wallisiens, asiatiques, etc.) pour la France.
"Le vote kanak est très communautaire, il y a un poids symbolique et culturel de la revendication indépendantiste, lié à l'histoire et à la lutte des +vieux+", note Pierre-Christophe Pantz.
Il note une "petite amélioration" du vote indépendantiste par rapport aux élections provinciales, mais "c'est essentiellement dû à la hausse de la mobilisation".
En province Nord, qui compte 70% de Kanak, 75,8% des électeurs ont voté pour le camp indépendantiste. Dans les îles Loyauté, à 98% kanak, 82,2% ont choisi l'indépendance. A l'inverse, en province Sud, où les Kanak ne représentent que 26% de la population, le vote pour le maintien dans la France monte à 73,7%.
En 1988, interrogé au lendemain de la signature des accords de Matignon sur sa vision à longue échéance de la Nouvelle-Calédonie, Jacques Lafleur, chef de file des loyalistes avait eu cette formule: "ce ne sera pas l'indépendance, mais avec tout le monde". A laquelle Jean-Marie Tjibaou avait répondu: "ce sera l'indépendance, mais avec tout le monde".
Trente ans plus tard, aucun des deux camps n'a su convaincre au-delà de son périmètre. "Il y a très peu de basculement d'un camp à l'autre, alors que c'était clairement le pari d'apporter du temps au temps, pour faire évoluer les réflexions. De ce point de vue, c'est un échec", souligne M. Pantz.
L'accord de Nouméa, signé dix ans après ceux de Matignon, avait pour ambition de faire émerger une communauté de destin, dans cette société marquée par la colonisation.
Pour Emmanuel Tjibaou, fils du leader indépendantiste, "le destin commun n'existe que par défaut, uniquement parce qu'on est sur la même île".
La politique de rééquilibrage a indéniablement changé le visage de la Calédonie, avec la construction de routes, hôpitaux, établissements scolaires, usines métallurgiques et la formation de cadres kanak.
Mais les élus locaux, majoritairement non indépendantistes au Congrés, n'ont pas réussi à réformer structurellement l'économie, basée sur un fonctionnement de comptoir, aux mains d'une poignée de grandes familles ou de groupes monopolistiques.
Représentant de la Nouvelle-Calédonie au Conseil économique, social et environnemental, Didier Guénant-Jeanson estime "qu'il n'y a pas de solution viable tant qu'on n'aura pas combattu les inégalités qui sont toujours intolérables".
Malgré ce vote clivé, le référendum révèle qu'à la marge, les lignes bougent.
Emmanuel Tjibaou en veut pour preuve qu'à Farino, forteresse loyaliste, 47 électeurs ont voté pour l'indépendance tandis que dans certaines communes rurales, il semble évident aux yeux de Charles Washetine, porte-parole du Palika (Parti de libération kanak), que des broussards, descendants de bagnards ou de colons, ont fait de même.
A l'inverse, dans les îles Loyauté, presqu'exclusivement peuplées de Kanak, plus de 17% des votants ont choisi le camp français.
Le sens dans lequel ces lignes pourraient bouger à l'avenir sera au coeur des débats, alors que deux nouveaux référendums d'autodétermination sont prévus d'ici 2022, selon l'accord de Nouméa.
"Pour ce qui est de la répartition des votes, c'est une continuité par rapport à 30 ans d'élections. Le vote indépendantiste correspond aux bureaux de vote où la population kanak est importante. Ce clivage est toujours d'actualité, à l'échelle du territoire, des provinces et des communes", note Pierre-Christophe Pantz, docteur en géopolitique.
Dans la province nord, à Hienghène, village dont était natif le leader kanak Jean-Marie Tjibaou, assassiné en 1989, l'indépendance remporte 94,7% des voix, tandis que sur la côte ouest à Farino, plus petite commune de l'archipel qui n'abrite aucune tribu kanak, 90,8% des électeurs ont choisi la France.
Ces chiffres dessinent une carte électorale aux frontières ethniques où toutes les régions kanak se sont prononcées pour l'indépendance, les autres à majorité non kanak (européens, wallisiens, asiatiques, etc.) pour la France.
"Le vote kanak est très communautaire, il y a un poids symbolique et culturel de la revendication indépendantiste, lié à l'histoire et à la lutte des +vieux+", note Pierre-Christophe Pantz.
Il note une "petite amélioration" du vote indépendantiste par rapport aux élections provinciales, mais "c'est essentiellement dû à la hausse de la mobilisation".
En province Nord, qui compte 70% de Kanak, 75,8% des électeurs ont voté pour le camp indépendantiste. Dans les îles Loyauté, à 98% kanak, 82,2% ont choisi l'indépendance. A l'inverse, en province Sud, où les Kanak ne représentent que 26% de la population, le vote pour le maintien dans la France monte à 73,7%.
En 1988, interrogé au lendemain de la signature des accords de Matignon sur sa vision à longue échéance de la Nouvelle-Calédonie, Jacques Lafleur, chef de file des loyalistes avait eu cette formule: "ce ne sera pas l'indépendance, mais avec tout le monde". A laquelle Jean-Marie Tjibaou avait répondu: "ce sera l'indépendance, mais avec tout le monde".
Trente ans plus tard, aucun des deux camps n'a su convaincre au-delà de son périmètre. "Il y a très peu de basculement d'un camp à l'autre, alors que c'était clairement le pari d'apporter du temps au temps, pour faire évoluer les réflexions. De ce point de vue, c'est un échec", souligne M. Pantz.
- Destin commun par défaut -
L'accord de Nouméa, signé dix ans après ceux de Matignon, avait pour ambition de faire émerger une communauté de destin, dans cette société marquée par la colonisation.
Pour Emmanuel Tjibaou, fils du leader indépendantiste, "le destin commun n'existe que par défaut, uniquement parce qu'on est sur la même île".
La politique de rééquilibrage a indéniablement changé le visage de la Calédonie, avec la construction de routes, hôpitaux, établissements scolaires, usines métallurgiques et la formation de cadres kanak.
Mais les élus locaux, majoritairement non indépendantistes au Congrés, n'ont pas réussi à réformer structurellement l'économie, basée sur un fonctionnement de comptoir, aux mains d'une poignée de grandes familles ou de groupes monopolistiques.
Représentant de la Nouvelle-Calédonie au Conseil économique, social et environnemental, Didier Guénant-Jeanson estime "qu'il n'y a pas de solution viable tant qu'on n'aura pas combattu les inégalités qui sont toujours intolérables".
Malgré ce vote clivé, le référendum révèle qu'à la marge, les lignes bougent.
Emmanuel Tjibaou en veut pour preuve qu'à Farino, forteresse loyaliste, 47 électeurs ont voté pour l'indépendance tandis que dans certaines communes rurales, il semble évident aux yeux de Charles Washetine, porte-parole du Palika (Parti de libération kanak), que des broussards, descendants de bagnards ou de colons, ont fait de même.
A l'inverse, dans les îles Loyauté, presqu'exclusivement peuplées de Kanak, plus de 17% des votants ont choisi le camp français.
Le sens dans lequel ces lignes pourraient bouger à l'avenir sera au coeur des débats, alors que deux nouveaux référendums d'autodétermination sont prévus d'ici 2022, selon l'accord de Nouméa.