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Moruroa e tatou veut rapatrier la table ronde au fenua


Tahiti, le 21 avril 2021 - L'association Moruroa e tatou et l'Église protestante ma'ohi ne participeront pas à la table ronde sur le nucléaire annoncée par le président Édouard Fritch si elle se déroule en métropole. Ils demandent qu'elle soit organisée au fenua, où ont eu lieu les 193 essais nucléaires. Les deux entités demandent également à l'État de prendre à sa charge tous les cancers détectés en Polynésie.
 
L'association Moruroa e tatou et l'Église protestante ma'ohi ont invité les médias à une conférence de presse mercredi matin au foyer des jeunes filles à Paofai. Plusieurs sujets à l'ordre du jour, tels que l'indemnisation des victimes et de leurs familles, la manifestation du 2 juillet prochain en commémoration du premier tir nucléaire ou encore la table ronde sur le nucléaire baptisée “reko tika” et organisée à la fin du mois de juin à Paris. Table ronde pour laquelle le président du Pays Édouard Fritch devrait se déplacer avec une délégation de 20 à 30 personnes représentant toutes les forces vives institutionnelles, civiles et religieuses du fenua.
 

“Nous n'y participerons pas si cela a lieu en métropole”

L'association ainsi que l'Église protestante ma'ohi demandent à ce que cette table ronde ait lieu en Polynésie. “Nous n'y participerons pas si cela a lieu en métropole. On ne comprend pas, les essais ont eu lieu ici, et c'est en France que la réparation va se faire ?”, assure le vice-président de Moruroa e tatou, Mitema Tapati. Il affirme ne pas savoir quels seront les sujets débattus lors de cette table ronde surtout, ajoute-t-il, après les révélations en mars dernier de l'enquête réalisée par le média Disclose. “Que rajouter de plus, si ce n'est que nous demandons juste à l'État français, de regarder, d'accepter, et d'assumer”.
 
Mitema Tapati estime que seuls ceux qui se sont levés contre le nucléaire et qui continuent à le faire doivent participer à cette table ronde. “Je ne comprends pas trop que Tamarii Moruroa ou les autres confessions religieuses soient invitées à y participer, car lorsqu'on fait des manifestations, ils ne sont jamais présents. Et lorsqu'ils s'agit d'aller en France, ils seront présents. C'est juste pour aller se balader alors ?”. Mitema Tapati qui précise à ce propos qu'à l'heure actuelle aucune invitation ne leur a été envoyée

“Tous les cancers devraient être pris en charge par la France”

Le pasteur rappelle que, pour l'instant, seuls 23 cancers radio-induits sont reconnus par le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen) pour pouvoir prétendre à une indemnisation “même si cela reste compliquée et difficile pour les familles”. Pour rappel, dans son rapport d’activité de 2020, le Civen précise avoir versé 144 indemnisations aux victimes polynésiennes, algériennes ou anciens militaires, ou à leurs ayants droit.
 
Forts des révélations de Disclose, l'association Moruroa e tatou ainsi que l'Église protestante ma'ohi considèrent donc “qu'il est temps peut-être que l'État français prenne en charge tous les cancers dont notre peuple est malade. Tous les cancers devraient être pris en charge par la France”, assure Mitema Tapati. “C'est aussi un moyen pour l'État de remercier le peuple ma'ohi grâce à qui la France est aujourd'hui la troisième puissance mondiale nucléaire (...). Il faut arrêter avec cette liste des 23 cancers”.

“Cette table ronde ne doit pas être conduite par la France”

L'association et l'église demandent enfin à l'État français que “cette table ronde ne soit pas conduite par la France”. Le vice-président de l'association de vétérans des travailleurs des essais nucléaires affirme en effet que, dans ce dossier, la France est “coupable” et la Polynésie “victime”. “Et pourquoi ce serait au coupable de mener les débats ? On a l'impression que c'est nous qui allons être jugés par ceux qui nous ont fait du mal”.
 
Mitema Tapati craint qu'à cette réunion ne soient invités que les spécialistes choisis par l'État. "Qu'en est-il des spécialistes qui existent de par le monde ? Ceux de l'Onu par exemple ? Ils n'ont sûrement pas été conviés à cette table ronde”, regrette-t-il. “Nous demandons que l'Onu y participe et puisse être le garant, et le coordonateur de cette table ronde”. Ce sera, dit-il, pour l'association une preuve que cette table ronde soit indépendante dans le cas contraire “nous serons toujours sur le banc des accusés et eux auront toujours raison”.

Une manifestation le 2 juillet

L'association Moruroa e tatou et l'Église protestante ma'ohi invitent les anciens travailleurs de Moruroa et les familles à un rassemblement ce samedi, à 8 heures, à l'Église protestante ma'ohi de Arue pour préparer au mieux la manifestation du 2 juillet prochain. Quant à la manifestation du 17 juillet organisée par le Tavini pour dénoncer les 193 crimes commis par l’État français”, le vice-président de l'association Moruroa e tatou assure que “plus il y a de manifestation et mieux c'est pour le fenua”. Il souligne tout de même que celle du 2 juillet reste de mise. “Il serait bien que l'on soit unis dans ces manifestations”. L'occasion pour le pasteur de relancer la demande faite au gouvernement pour que le 2 juillet soit considéré comme un jour férié. “Il faut aussi que l'on soit tous unis pour cette demande, pour que le 2 juillet soit la journée du Maohi. Le 29 juin cela signifie quoi ? Les groupes politiques sont en désaccords quant à cette date, alors rejoignons nous sur la date du 2 juillet”.
 

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Mercredi 21 Avril 2021 à 20:28 | Lu 1758 fois