Tahiti, le 30 juillet 2023 - Avant son retour en Polynésie française ce lundi matin, Moetai Brotherson a accordé une interview à Tahiti Infos en Papouasie Nouvelle-Guinée, où il était présent avec la délégation du président de la République, Emmanuel Macron. Évolution statutaire, accords régionaux et discussions avec les chefs d’État du Pacifique étaient au programme.
Pourquoi avoir rejoint le président de la République dans son déplacement ?
“C'était l'occasion de rencontrer les cousins du Pacifique. Et l'opportunité de les rencontrer et d'échanger avec eux est toujours intéressante. De plus, au Vanuatu, il s'agissait d'être là pendant les préparatifs de la célébration de l'indépendance. Pour nous, c'est symboliquement important. Et ce déplacement est aussi l'occasion d'avoir des discussions avec eux en termes de coopérations économique, culturelle, et dans bien d'autres domaines. C'est encore plus important en ce moment, où se déclinent les différentes stratégies des grands pays dans la région, d'être présent lorsque ces discussions ont lieu. Hier (vendredi en Polynésie, NDLR), j'ai fait la visite guidée de Port Moresby (capitale de la Papouasie Nouvelle-Guinée) avec le Premier ministre James Marape. Nous sommes aussi allés ensemble à l'église puisque nous sommes tous les deux de la même confession religieuse. Aujourd'hui (samedi en Polynésie, NDLR), nous allons visiter des infrastructures, les universités et rencontrer des investisseurs papou qui seraient intéressés de venir faire des investissements chez nous.”
Faire partie de cette délégation permet effectivement de rencontrer les représentants de tous ces pays...
“Si j'avais eu envie de me déplacer en dehors de cette délégation, j'aurais été évidemment reçu par ces autorités, mais là, il s'agissait d'être au cœur des débats puisque nous avons assisté aux rencontres bilatérales, ce qui est assez inhabituel. Normalement, ces réunions se déroulent entre chefs d'État et aussi bien Louis Mapou (président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, NDLR), que moi-même, nous avons été invités à ces réunions au Vanuatu mais également en Papouasie Nouvelle-Guinée. C'est toujours intéressant.”
Au Vanuatu, Emmanuel Macron a déclaré qu'il “reconnait le ‘passé colonial’ de la France” et que c'est “une histoire d'accaparement des richesses et d'exploitation des populations”, “un passé de souffrance et d'aliénation”. Des mots qui font écho pour vous et qui rejoignent les propos du haut-commissaire devant la stèle de Faa'a le 29 juin dernier ?
“Ce sont des mots forts. Ce sont des mots, j'espère et je pense, qui traduisent un changement de mentalité au plus haut de l'État français. On n'est plus dans le déni de ce qui a pu être la face sombre de la colonisation. On est dans l'acceptation, parfois le pardon même. C'est un bon préambule à toutes discussions qu'on peut avoir en Océanie. Il faut d'abord reconnaître les erreurs du passé pour ensuite jeter les bases d'une autre relation. C'est ce que je pense que le président Macron a essayé de faire pendant son déplacement. En indiquant que la France n'avait pas l’intention, aujourd'hui, d'entrer en concurrence frontale avec les géants que sont les États-Unis et la Chine, il se positionne sur ce qui semble se dessiner dans le Pacifique comme la “third way”, la troisième voie. Elle pourrait être une voie d'équilibre et de partenariat.”
Pourquoi avoir rejoint le président de la République dans son déplacement ?
“C'était l'occasion de rencontrer les cousins du Pacifique. Et l'opportunité de les rencontrer et d'échanger avec eux est toujours intéressante. De plus, au Vanuatu, il s'agissait d'être là pendant les préparatifs de la célébration de l'indépendance. Pour nous, c'est symboliquement important. Et ce déplacement est aussi l'occasion d'avoir des discussions avec eux en termes de coopérations économique, culturelle, et dans bien d'autres domaines. C'est encore plus important en ce moment, où se déclinent les différentes stratégies des grands pays dans la région, d'être présent lorsque ces discussions ont lieu. Hier (vendredi en Polynésie, NDLR), j'ai fait la visite guidée de Port Moresby (capitale de la Papouasie Nouvelle-Guinée) avec le Premier ministre James Marape. Nous sommes aussi allés ensemble à l'église puisque nous sommes tous les deux de la même confession religieuse. Aujourd'hui (samedi en Polynésie, NDLR), nous allons visiter des infrastructures, les universités et rencontrer des investisseurs papou qui seraient intéressés de venir faire des investissements chez nous.”
Faire partie de cette délégation permet effectivement de rencontrer les représentants de tous ces pays...
“Si j'avais eu envie de me déplacer en dehors de cette délégation, j'aurais été évidemment reçu par ces autorités, mais là, il s'agissait d'être au cœur des débats puisque nous avons assisté aux rencontres bilatérales, ce qui est assez inhabituel. Normalement, ces réunions se déroulent entre chefs d'État et aussi bien Louis Mapou (président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, NDLR), que moi-même, nous avons été invités à ces réunions au Vanuatu mais également en Papouasie Nouvelle-Guinée. C'est toujours intéressant.”
“On n'est plus dans le déni de ce qui a pu être la face sombre de la colonisation”
Au Vanuatu, Emmanuel Macron a déclaré qu'il “reconnait le ‘passé colonial’ de la France” et que c'est “une histoire d'accaparement des richesses et d'exploitation des populations”, “un passé de souffrance et d'aliénation”. Des mots qui font écho pour vous et qui rejoignent les propos du haut-commissaire devant la stèle de Faa'a le 29 juin dernier ?
“Ce sont des mots forts. Ce sont des mots, j'espère et je pense, qui traduisent un changement de mentalité au plus haut de l'État français. On n'est plus dans le déni de ce qui a pu être la face sombre de la colonisation. On est dans l'acceptation, parfois le pardon même. C'est un bon préambule à toutes discussions qu'on peut avoir en Océanie. Il faut d'abord reconnaître les erreurs du passé pour ensuite jeter les bases d'une autre relation. C'est ce que je pense que le président Macron a essayé de faire pendant son déplacement. En indiquant que la France n'avait pas l’intention, aujourd'hui, d'entrer en concurrence frontale avec les géants que sont les États-Unis et la Chine, il se positionne sur ce qui semble se dessiner dans le Pacifique comme la “third way”, la troisième voie. Elle pourrait être une voie d'équilibre et de partenariat.”
Au sujet de la Chine, la question a été plus ou moins évoquée à chaque déplacement. En Nouvelle-Calédonie, il a mis en garde les indépendantistes contre l'éventuelle velléité “de choisir demain d'avoir une base chinoise” sur le Caillou. “Bon courage, ça ne s'appelle pas l'indépendance !”, leur a-t-il lancé. Quelle est votre avis et votre position sur cette posture de l'État ?
“Statutairement, nous n'avons pas la compétence des affaires étrangères. Nous avons les relations internationales, c'est différent. La Chine est un partenaire incontournable pour tous les pays du monde. La France y compris. On ne peut pas ne pas avoir de relations avec la Chine. En ce qui nous concerne en Polynésie, c'est d'autant moins souhaitable que nous avons un lien historique avec la Chine. Nos lointains ancêtres, pour partie, viennent de cette partie-là du monde. C'est ce qu'avait retracé l'épopée de O Tahiti Nui Freedom en 2010. La Chine n'est pas un pays avec lequel on s'interdit de discuter. Culturellement, il y a des choses formidables à faire. Au point de vue économique, il y a des opportunités à saisir. Simplement, il faut être prudent et ne pas faire n'importe quoi.”
Cela fait quand même deux fois que le président Macron tient des propos de cette nature dans un territoire français.
“Il y a un contexte ailleurs dans le Pacifique qui est différent de la Polynésie ou de la Nouvelle-Calédonie. Il y a une politique de la dette pratiquée par la Chine dans les pays du Pacifique. C'est visible et sensible aujourd'hui. Les mots du président de la République voulaient juste rappeler qu'il ne faut pas échanger un colonisateur pour un autre.”
Un nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie sera étudié en 2024. Est-ce que ce sera l'occasion pour la Polynésie française d'introduire un cavalier législatif pour faire aussi modifier notre statut ?
“Bien sûr. Nous en parlions déjà lors des élections législatives. C'est évident qu'il y aura cette réforme constitutionnelle qui est prévue à l'issue des accords pour la Nouvelle-Calédonie, et nous disions déjà à l'époque que la Polynésie, et d'autres collectivités d'outre-mer, essaieront de se glisser dans cette fenêtre pour faire entendre leurs désirs de changement de relation avec l'État. Certains veulent plus d'État, comme Mayotte. D'autres veulent mieux d'État, ou moins d'État. Les situations sont diverses. Il n'y a pas une solution qui répond à tout le monde. C'est à chaque territoire de se positionner dans sa relation à l'État. Ce n'est pas aux Polynésiens de dire à l'État ce qu'il faut pour la Guadeloupe.”
Le prochain voyage du ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, ainsi que la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, a-t-il été évoqué ? Le déplacement à Hao est-il toujours d'actualité ?
“Ils devraient être trois à venir, avec le nouveau ministre délégué aux Outre-mer, Philippe Vigier. Cela fait un mois que nous travaillons avec le haut-commissaire sur cette venue. Après, dans ce genre de visites, les itinéraires ont tendance à changer jusque la veille. On attend sereinement la venue de Gérald Darmanin avec qui j'ai eu de longues discussions quand je suis passé à Paris. J'ai eu l'occasion de rencontrer mon ex-collègue de l'Assemblée nationale, Philippe Vigier, en Papouasie Nouvelle-Guinée. On a discuté avant qu'il prenne l'avion pour le Sri Lanka. On se connaît bien. Il m'a assuré que sa porte était ouverte et a on a échangé nos numéros pour pouvoir parler d'homme à homme sur les sujets qui nous intéressent. Avec le président de la République, on a beaucoup échangé sur des sujets culturels, sur des sujets régionaux. J'ai essayé aussi de lui expliquer que la stratégie Indo-Pacifique de la France, elle ne pouvait pas se faire sans les territoires et leurs exécutifs. C'est une question de perspective. Depuis Paris, on ne peut pas voir le Pacifique aussi bien que nous, qui y vivons, que nous qui y échangeons tous les jours avec nos partenaires, nos frères, nos cousins. Il y a des façons de faire, il y a des façons d'agir, il y a des façons de parler dont on ne peut pas être au courant quand on est à l'Élysée ou à Matignon.”
“Statutairement, nous n'avons pas la compétence des affaires étrangères. Nous avons les relations internationales, c'est différent. La Chine est un partenaire incontournable pour tous les pays du monde. La France y compris. On ne peut pas ne pas avoir de relations avec la Chine. En ce qui nous concerne en Polynésie, c'est d'autant moins souhaitable que nous avons un lien historique avec la Chine. Nos lointains ancêtres, pour partie, viennent de cette partie-là du monde. C'est ce qu'avait retracé l'épopée de O Tahiti Nui Freedom en 2010. La Chine n'est pas un pays avec lequel on s'interdit de discuter. Culturellement, il y a des choses formidables à faire. Au point de vue économique, il y a des opportunités à saisir. Simplement, il faut être prudent et ne pas faire n'importe quoi.”
“Avec Philippe Vigier, on a échangé nos numéros pour pouvoir parler d'homme à homme sur les sujets qui nous intéressent”
Cela fait quand même deux fois que le président Macron tient des propos de cette nature dans un territoire français.
“Il y a un contexte ailleurs dans le Pacifique qui est différent de la Polynésie ou de la Nouvelle-Calédonie. Il y a une politique de la dette pratiquée par la Chine dans les pays du Pacifique. C'est visible et sensible aujourd'hui. Les mots du président de la République voulaient juste rappeler qu'il ne faut pas échanger un colonisateur pour un autre.”
Un nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie sera étudié en 2024. Est-ce que ce sera l'occasion pour la Polynésie française d'introduire un cavalier législatif pour faire aussi modifier notre statut ?
“Bien sûr. Nous en parlions déjà lors des élections législatives. C'est évident qu'il y aura cette réforme constitutionnelle qui est prévue à l'issue des accords pour la Nouvelle-Calédonie, et nous disions déjà à l'époque que la Polynésie, et d'autres collectivités d'outre-mer, essaieront de se glisser dans cette fenêtre pour faire entendre leurs désirs de changement de relation avec l'État. Certains veulent plus d'État, comme Mayotte. D'autres veulent mieux d'État, ou moins d'État. Les situations sont diverses. Il n'y a pas une solution qui répond à tout le monde. C'est à chaque territoire de se positionner dans sa relation à l'État. Ce n'est pas aux Polynésiens de dire à l'État ce qu'il faut pour la Guadeloupe.”
Le prochain voyage du ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, ainsi que la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, a-t-il été évoqué ? Le déplacement à Hao est-il toujours d'actualité ?
“Ils devraient être trois à venir, avec le nouveau ministre délégué aux Outre-mer, Philippe Vigier. Cela fait un mois que nous travaillons avec le haut-commissaire sur cette venue. Après, dans ce genre de visites, les itinéraires ont tendance à changer jusque la veille. On attend sereinement la venue de Gérald Darmanin avec qui j'ai eu de longues discussions quand je suis passé à Paris. J'ai eu l'occasion de rencontrer mon ex-collègue de l'Assemblée nationale, Philippe Vigier, en Papouasie Nouvelle-Guinée. On a discuté avant qu'il prenne l'avion pour le Sri Lanka. On se connaît bien. Il m'a assuré que sa porte était ouverte et a on a échangé nos numéros pour pouvoir parler d'homme à homme sur les sujets qui nous intéressent. Avec le président de la République, on a beaucoup échangé sur des sujets culturels, sur des sujets régionaux. J'ai essayé aussi de lui expliquer que la stratégie Indo-Pacifique de la France, elle ne pouvait pas se faire sans les territoires et leurs exécutifs. C'est une question de perspective. Depuis Paris, on ne peut pas voir le Pacifique aussi bien que nous, qui y vivons, que nous qui y échangeons tous les jours avec nos partenaires, nos frères, nos cousins. Il y a des façons de faire, il y a des façons d'agir, il y a des façons de parler dont on ne peut pas être au courant quand on est à l'Élysée ou à Matignon.”