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Moea Pereyre sur le front avec Nana sac plastique


TAHITI, le 4 juin 2020 - L’adoption du texte visant l’interdiction des sacs en plastique, le 14 mai dernier, est un début, selon Nana sac plastique. Ce collectif, porté notamment par Moea Pereyre, espère que le Pays ira plus loin, rapidement. Rencontre avec la militante, engagée depuis des années dans un combat pour l’environnement.

"Après l’interdiction des sacs à usages uniques, il est logique de s’attaquer aux contenants et couverts à usage unique, aux pailles, aux barquettes, au film étirable…", explique Moea Pereyre. "L’adoption du texte de loi est une première étape. C’est bien, car cela permet d’en parler, mais ce n’est pas encore assez !" Le texte de loi a été voté à l’assemblée de la Polynésie française le 14 mai dernier (Voir encadré).

Pour sensibiliser les résidents de Polynésie à sa démarche, Moea Pereyre agit au sein du collectif Nana sac plastique. "On se déplace de commerces en commerces, on va au marché le dimanche matin, on va dans les îles avec des alternatives", raconte-t-elle.

Elle dit travailler sur des messages positifs pour faire évoluer les mentalités. Elle veut toucher les gens, les consommateurs, car, en citant Coluche, elle rappelle "qu’il suffit de ne pas acheter pour ne pas que ça se vende". Pour elle, le consommateur a un véritable pouvoir.

Le collectif Nana sac plastique est né en 2017 d’une volonté d’agir. Il est soutenu moralement et financièrement pas l’association Tīa’i Fenua, qui signifie les gardiens de la Terre. "En fait, avec Moana Van Der Maesen et Manuia Bernardino, les deux autres piliers, on s’est rencontrés sur les réseaux sociaux", raconte Moea Pereyre.

Les trois internautes fréquentaient les mêmes réseaux, suivaient les mêmes associations, se retrouvaient sur les mêmes commentaires. "On avait les mêmes idées, les mêmes réflexes." Par exemple, ils n’utilisaient déjà plus de sacs plastique avant la création du collectif et consommaient local… "On se sentait un peu seuls, chacun de notre côté, on a fini par se voir et lancer ensemble des actions."

Inspirés par le mouvement No Plastic Bag, ils ont fondé le collectif, financé d’abord sur fond propre. Tout est allé très vite. Ils ont commencé par les actions de nettoyage, mais "on s’est aperçu que cela faisait réagir sur les réseaux sociaux, mais qu’il n’y avait pas de réaction du côté des pollueurs". Petit à petit, leurs actions ont évolué pour "accompagner le changement d’habitudes, retrouver les valeurs d’une vie simple".

À chacun son rythme

Le cheminement de Moea Pereyre a pris un certain temps. "Je suis née il y a 40 ans", reprend-elle. Elle a grandi en centre-ville à une période où il y avait encore "de l’avant et de l’après". L’avant, c’est la vie proche de l’environnement, de l’alimentation locale, des circuits courts. L’après, c’est la grande consommation, les produits manufacturés, les besoins créés de toute pièce.

Elle a été élevée par des grands-parents du monde d’avant, qui lu ont donné le goût de la vie simple. Ses parents, militants, lui ont appris à se battre pour ses valeurs et croyances. En 1995, à l’annonce de la reprise des essais nucléaires, elle était "sur le front". Elle dit même avoir "écrit une lettre à Jacques Chirac".

Elle a goûté à la société de consommation, mais elle a changé pour ses enfants. "Ce n’était pas possible qu’ils ne connaissent pas ce que j’ai moi-même connu". Le déclic a eu lieu à l’occasion d’une mutation. "J’ai été enseignante avant de devenir conseillère pédagogique, nous avons déménagé à la Presqu’île où j’ai retrouvé une vie simple. C’est très différent de la ville. À l’époque en plus, il n’y avait pas de fast-food, pas de grande surface, on faisait avec ce qu’il y avait."

Moea Pereyre et ses enfants se sont engagés sur le chemin du zéro déchet. Aujourd’hui, ils jettent l’équivalent d’un sac de croquettes pour chien par mois en moyenne. Ils achètent tout en seconde main, cherchent à réparer au lieu de jeter le mobilier ou l’électroménager. Ils consomment local à l’exception des pâtes, du riz, de l’huile et du beurre. Le citron remplace le déodorant, l’huile de coco le dentifrice.

À chaque nouvelle problématique, ils ont trouvé des solutions pour atteindre leurs objectifs. Reste maintenant à encourager d’autres qu’eux à emprunter le même chemin.

[Retrouvez son portrait en vidéo]urlblank:https://www.tahiti-infos.com/Moea-Pereyre-son-combat-contre-le-plastique_a191592.html

Contacts

FB : Nana sac plastique
[email protected]

Les objectifs de Nana sac plastique

Né en 2017, le collectif regroupe aujourd’hui des citoyens bénévoles, engagés et soucieux de réduire leur impact. Ses principaux objectifs sont la lutte contre l'utilisation du plastique à usage unique, la promotion d’alternatives durables et locales. Pour ce faire, le collectif agit auprès des scolaires, des entreprises, du grand public.

Vous pouvez soutenir le collectif :

- En signant la charte d’engagement à ne plus utiliser de sac plastique ou de plastique à usage unique, si vous êtes commerçant, restaurateur ou responsable d’une structure hôtelière ;
- En devenant membre ou bénévole sur le terrain pour ramasser les déchets, animer des ateliers tressage, couture, cuisine, compostage, tawashi (éponge japonaise)… qui encouragent à la fabrication et à la consommation locale ;
- En faisant un don ou en sponsorisant les actions du collectif.
 

Ce que dit la loi

Chaque année, 45 tonnes de sacs à poignées ou à bretelles et 335 tonnes de sacs recyclables et échangeables sont consommés au fenua. Depuis novembre 2017, le Pays dit vouloir légiférer. Trois ans plus tard, c’est chose faite. Le texte de loi a été adopté à l’assemblée de la Polynésie française, le 14 mai dernier. Il porte sur un projet de loi du Pays relatif aux dispositifs spécifiques applicables aux produits utilisant du plastique et portant diverses modifications du code de l'environnement.

À partir du 1er septembre, tous les sacs oxo-fragmentables (matières plastiques qui se décomposent en petits morceaux, non assimilables par les micro-organismes et non compostables), tous les sacs de caisse à poignées en plastique léger, c’est-à-dire de moins de 50 microns d’épaisseur, destinés à l’emballage de marchandises à la caisse des points de vente et tous les sacs à poignées en plastique léger (moins de 50 microns) destinés à l’emballage des fruits et légumes dans l’espace de vente seront interdits.

À compter du 1er juillet 2021, il est proposé d’étendre l’interdiction à tout type de sacs en plastique et tout type de sacs possédant une fenêtre en plastique, destinés à l’emballage de marchandises à la caisse des points de vente ou dans l’espace de vente. Une phase de concertation avec les professionnels concernés sera proposée, sachant qu’il existe trois fabricants de sacs en plastique et 227 importateurs.
Des amendes administratives sont prévues en cas de non-respect du dispositif, ainsi que des sanctions pénales (jusqu’à deux ans d’emprisonnement et presque 12 millions de Fcfp d’amende).
 


Rédigé par Delphine Barrais le Jeudi 4 Juin 2020 à 11:04 | Lu 1917 fois