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Meurtre d'un bébé à la crèche: 30 ans de prison requis contre l'accusée


Crédit OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP
Crédit OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP
Lyon, France | AFP | jeudi 03/04/2025 - Trente ans de réclusion criminelle, dont 20 ans incompressibles, ont été requis jeudi à Lyon contre une employée de crèche qui, en 2022, a empoisonné un bébé dont elle avait la garde avec un produit caustique de type Destop.

Il y a une part "d'insondable, qui nous échappe" dans ce crime, a déclaré l'avocat général Baptiste Godreau, tout en estimant que l'accusée, Myriam Jaouen, avait agi "en parfaite conscience", un acte d'une "extrême gravité", par lequel elle a "lâchement retiré la vie à une enfant sans défense".

L'accusée, aujourd'hui âgée de 30 ans, a reconnu dès sa garde à vue avoir fait ingérer le liquide corrosif, un déboucheur de canalisation, à la petite Lisa, 11 mois, tout en niant toute intention de tuer. Elle a précisé au cours du procès, après avoir présenté plusieurs versions, avoir maintenu la tête de l'enfant et versé le produit directement dans sa bouche. Elle ne supportait plus, selon ses explications, les pleurs de la petite fille. 

"Huit minutes seule avec un enfant quand on est diplômée d'un CAP petite enfance, est-ce que c'est insurmontable ?", s'est interrogé M. Godreau, en référence au laps de temps au cours duquel s'est noué le drame.

Le magistrat a dénoncé la "lâcheté" de l'accusée, qui n'a pas appelé les secours, a fait disparaître la bouteille de déboucheur, a fini sa journée de travail puis est allée faire du shopping, apparemment indifférente à "l'agonie" de Lisa.

- "Pourquoi?" -

Une question "reste froidement sans réponse: pourquoi?", a lâché M. Godreau, ajoutant: "Quelle explication rationnelle à faire ingérer de l'acide sulfurique à une enfant ?" Il n'y en pas", a répondu Me Maylis Leduc, en charge de la "très lourde tâche" de défendre l'accusée avec sa consoeur Me Julia Coppard.

L'avocate y voit de la "violence pulsionnelle", ce qui "n'enlève en rien l'atrocité des actes". "Ce jour-là, je crois que Myriam est arrivée au bout de ce qu'elle pouvait donner, au maximum de ses capacités psychiques", a avancé Me Coppard, en reprenant les analyses des experts. Pas pour excuser, mais "pour comprendre".

Elle a aussi évoqué un "moment de bascule" pour une jeune employée dépassée par ce métier pour lequel elle n'a pas les compétences: "elle ne réfléchit plus, elle est déconnectée, elle passe à l'acte". 

L'avocate des parents de Lisa a regretté les réponses évasives de l'accusée. "La première personne qui doit se remettre en question (...), c'est Myriam Jaouen et elle ne le fait pas", a déploré Me Catherine Bourgade. "Au bout de trois jours, on n'en sait pas plus".

Les débats, auxquels Myriam Jaouen a assisté le dos souvent voûté mais sans manifester beaucoup d'émotion, ont mis en lumière sa personnalité fragile et ses capacités cognitives limitées. 

A l'époque du drame, atteinte d'une surdité partielle, elle vivait encore chez ses parents après une scolarité difficile et des expériences intermittentes dans le secteur de la petite enfance.

Elle est d'une "immaturité absolue", a pointé l'avocat général.

- "Pas un bébé Destop" -

Malgré ses failles et son manque d'expérience, Myriam Jaouen avait été embauchée par le groupe People & Baby qui gérait la micro-crèche Danton Rêve. Le 22 juin 2022, elle était seule à l'ouverture quand le père de Lisa est venu déposer le nourrisson, qui "ne pleurait pas" selon son témoignage poignant.

Quelques minutes plus tard, deux femmes amenant leurs fils ont trouvé l'employée en panique, et Lisa en train de vomir. Grièvement brûlée, elle est décédée en fin de matinée à l'hôpital.

Le drame a déclenché une série d'enquêtes administratives, parlementaires et journalistiques qui ont épinglé la course au rendement dans le secteur des crèches privées.

Très éprouvés, les parents de Lisa ont souhaité ramener le débat sur la responsabilité pénale du "monstre" qui a tué leur fille, dans deux témoignages où pointait l'émotion, mais aussi la colère.

"Je comprends la souffrance des parents, je comprends aussi leur colère", a soufflé Myriam Jaouen dans une dernière prise de parole avant que les jurés se retirent pour délibérer. "Je regrette tellement", a-t-elle martelé, assurant une dernière fois ne pas avoir voulu tuer Lisa.

le Jeudi 3 Avril 2025 à 06:58 | Lu 308 fois