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Mercadal sous le feu des critiques à l'assemblée


Tahiti, le 30 décembre 2024 – Ultime séance ce lundi à l'assemblée pour adopter en urgence plusieurs textes dont les aides aux sinistrés du Vanuatu et de Mayotte. Mais c'est surtout le ministre de la Santé qui était en première ligne pour répondre aux interventions des élus de l'opposition comme de la majorité qui attendent toujours des réformes en profondeur. Cerise sur le gâteau, la convention santé État/Pays qui ne fait qu'être prorogée d'un an sans inclure la prise en charge par l'État des évasans et des molécules onéreuses comme l'avait assuré Cédric Mercadal.

 
Si tous les textes présentés par le ministre de la Santé ont largement été approuvés par les élus de l'assemblée, ce lundi, c'est davantage par nécessité que par conviction. Sur les deux premiers projets de loi du Pays présentés par Cédric Mercadal, même la présidente Tavini de la commission Santé à l'assemblée, Rachel Florès, a émis des réserves allant dans le sens de celles relevées par les élus du Tapura et de A here ia Porinetia (Ahip). Concernant le maintien de la cotisation exceptionnelle pour contribuer à l'équilibre de l'assurance-maladie du régime des salariés, les élus de la majorité comme de l'opposition s'inquiètent de voir l'exception devenir la règle et s'inscrire dans la pérennité. “Il n'y a que le provisoire qui dure”, a ainsi réagi Nuihau Laurey (Ahip) qui rappelle que ce dispositif mis en place en 2019 ne devait se limiter qu'à quatre exercices dans l'attente d'une réforme plus globale de notre protection sociale généralisée. Même son de cloche de la part d'Édouard Fritch (Tapura), mais aussi de Rachel Florès qui a appelé le gouvernement à “faire preuve de vigilance” pour que cela “ne devienne pas une solution permanente déguisée”. “Le gouvernement doit nous garantir que des réformes systémiques seront mises en place dans les délais annoncés”, a-t-elle insisté.
 
Manque d'anticipation
 
Concernant la prime exceptionnelle de 23 500 francs versée en une seule fois aux retraités de la tranche A et étendue à ceux qui touchent le moni rū'au, les pensions de reversion et de veuvage, là encore, les élus n'ont pas été tendres avec le ministre de la Santé. L'opposition Tapura et Ahip lui ont reproché d'avoir opté pour une solution ponctuelle plutôt que d'agir sur le long terme en réévaluant les pensions de retraite à hauteur de 2%. Et l'élue du Tavini, Rachel Florès, est également allée dans ce sens. “Cette mesure, en dépit de ses bonnes intentions, pourrait être perçue comme une solution provisoire”, a-t-elle alerté, regrettant au passage que cette prime ne soit versée qu'au mois de mars prochain contrastant ainsi avec l'urgence invoquée dans l'exposé des motifs du texte. “Pourquoi avoir attendu la fin de l'année pour soumettre ce texte ?”, s'est-elle encore étonnée, pointant du doigt le “manque d'anticipation” du gouvernement.
 
Pour Édouard Fritch, cette aide ponctuelle est même injuste car elle met sur un même pied d'égalité les retraités qui ont travaillé, et donc cotisé toute leur vie, avec ceux qui touchent le minimum vieillesse (moni rū'au). C'est “un manque de considération et de justice sociale”, a-t-il claqué. Pour le ministre, c'était au contraire la meilleure option, notamment pour aider les “petits cotisants qui ont travaillé 40 ans au Smig qui était bien inférieur au Smig d'aujourd'hui”.
 
La réforme de la retraite est nécessaire
 
Comme pour le premier projet de loi du Pays, Cédric Mercadal a fortement été invité à accélérer la cadence pour proposer une réforme globale des retraites. “Oui, la réforme des retraites est nécessaire”, a admis le ministre de la Santé qui la promet pour 2026. “Les discours ne suffisent plus”, s'est agacée Nicole Sanquer qui est montée au créneau à plusieurs reprises pour rappeler au ministre qu'il était en place depuis bientôt deux ans et qu'il était temps d'arrêter de procrastiner. L'élue Ahip, également députée, a surtout dénoncé le “double langage” de Cédric Mercadal concernant la convention santé État/Pays qu'il était censé renégocier à Paris. Or, elle n'a pas bougé d'un iota et est simplement prorogée d'un an. “Tout au long de l'année, le ministre nous avait plutôt rassurés sur ses rencontres avec l'État, et (nous disait) qu'une nouvelle convention allait être présentée en 2025. Aujourd'hui, on ne voit rien de nouveau, toujours les mêmes montants”, a fustigé Nicole Sanquer qui, à l'instar de la sénatrice Lana Tetuanui, regrette que le ministre de la Santé n'ait pas associé les parlementaires pour défendre cette convention.
 
“Il y a quelqu'un qui ment”
 
Convention qui devait intégrer la prise en charge des évasans et des molécules onéreuses. Mais c'est justement ce qui a coincé à Paris, Cédric Mercadal parlant de “ligne rouge” difficile à négocier dans le contexte métropolitain où le gouvernement central est tombé et où les interlocuteurs ont changé. “C'est un argument que je n'entends pas”, a réagi la députée Nicole Sanquer qui a rappelé que pendant un an, entre juin 2023 et juin 2024, “il y avait un gouvernement stable”.
 
Ayant assisté à l'examen de la loi de Finances à Paris, elle s'est également étonnée qu'“aucune ligne spécifique concernant cette convention” n'y figure. “Ça veut dire qu'ils ne se sont pas compris, ou qu'il y a quelqu'un qui ment.” Il n'en demeure pas moins que ces trois textes ont été adoptés. Les deux premiers pour ne pas pénaliser la CPS qui a déjà intégré dans le budget qu'elle a voté le maintien de la cotisation exceptionnelle pour la branche maladie du régime des salariés (RGS) et la prime exceptionnelle et unique aux retraités. Et la convention pour acter sa prolongation jusqu'au 31 décembre 2025.
 
Le ministre de la Santé Cédric Mercadal a du pain sur la planche. Et il sait déjà que son projet de loi sur les nouvelles règles d'affiliation au régime des non-salariés (RNS) est très loin de faire l'unanimité auprès de la société civile comme des élus de l'assemblée. Rendez-vous l'année prochaine.
 

Rédigé par Stéphanie Delorme le Lundi 30 Décembre 2024 à 16:15 | Lu 3990 fois