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Marianne: refroidie par ses possibles liens avec le RN, la rédaction s'oppose au rachat par Stérin


JOEL SAGET / AFP
JOEL SAGET / AFP
Paris, France | AFP | jeudi 27/06/2024 - Coup de théâtre dans la vente de Marianne: rebutée par des articles de presse affirmant que le milliardaire Pierre-Edouard Stérin avait des liens avec le RN, la rédaction s'est finalement opposée à ce qu'il rachète le magazine, menaçant même de faire grève.

"Ce qui apparaissait comme un engagement idéologique individuel se révèle être une entreprise partisane", a estimé jeudi dans un communiqué la Société des rédacteurs de Marianne (SRM). La rédaction s'est donc "prononcée à l'unanimité (...) contre le rachat du magazine par Pierre-Edouard Stérin", à rebours d'un précédent vote le 21 juin.

Cette spectaculaire volte-face intervient au lendemain d'un article du Monde intitulé "Comment le milliardaire Pierre-Edouard Stérin place ses pions au RN". 

Dans cet article, le quotidien assure que plusieurs candidats LR-RN aux législatives sont issus de la "galaxie Stérin", en étant notamment liés au Fonds du bien commun, structure philanthropique créée par le milliardaire de 50 ans à la tête du fonds d'investissement Otium Capital.

Le Monde cite aussi un autre article du magazine Challenges, selon lequel M. Stérin et le numéro 2 d'Otium, François Durvye, ont racheté en novembre la propriété familiale des Le Pen à Rueil-Malmaison, via une société civile immobilière (SCI).

Selon Challenges, cette propriété, où vit toujours le fondateur du FN Jean-Marie Le Pen, a été vendue 2,5 millions d'euros.

- Catholique conservateur -

"Les derniers éléments portés à notre connaissance concernant Pierre-Edouard Stérin rendent les garanties d'indépendance obtenues par la rédaction insuffisantes pour exercer notre métier avec sérénité", a fait valoir la SRM. Selon elle, "la nature de l'offre de reprise s'en trouve définitivement altérée".

Le 21 juin, la rédaction avait décidé à 60,3% de ne pas s'opposer au rachat du titre par M. Stérin. Le propriétaire de Marianne, le groupe CMI du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, est en négociations exclusives depuis mi-mai avec M. Stérin pour cette cession.

Lors de son premier vote, la rédaction estimait avoir obtenu des avancées qui justifiaient de poursuivre les négociations sur "les garanties d'indépendance" proposées par M. Stérin, milliardaire catholique conservateur, et libéral sur le plan économique.

Dans le projet de M. Stérin, l'ancien ministre et entrepreneur Arnaud Montebourg était pressenti pour présider le futur conseil d'administration de l'hebdomadaire. Son profil de gauche souverainiste semblait correspondre à la ligne éditoriale de Marianne, dont la directrice de la rédaction est Natacha Polony.

Mais après le vote de jeudi, la rédaction demande à M. Kretinsky et à son représentant Denis Olivennes de "mettre fin au processus de négociation", qui était censé s'achever en fin de semaine.

- Challenger -
La rédaction juge nécessaire "de se mettre en quête de nouveaux acquéreurs en mesure d'assurer l'indépendance éditoriale de Marianne et la pérennité économique du titre", créé en 1997 par les journalistes Jean-François Kahn et Maurice Szafran.

"La rédaction est prête à user de tous les moyens à sa disposition pour obtenir satisfaction, dont la grève", insiste la SRM.

"On va parler avec la rédaction", a-t-on indiqué chez CMI France à l'AFP. 

Parallèlement aux négociations exclusives avec M. Stérin, un challenger a fait une autre offre de reprise pour Marianne: l'entrepreneur Jean-Martial Lefranc, 62 ans, qui a fait carrière dans les jeux vidéo et avait repris le groupe de presse jeunesse Fleurus en 2009.

M. Lefranc a formulé une nouvelle offre de 5 millions d'euros, allié à d'autres investisseurs, parmi lesquels Henri de Bodinat, Joan Beaufort, et Philippe Corrot (co-fondateur de l'entreprise de e-commerce Mirakl) qui a fait part d'un intérêt marqué.

"Nous avons formulé une nouvelle offre avec un tour de table solide. Nous souhaitons entrer en négociation officielle avec CMI France et rencontrer la rédaction dans les meilleurs délais", a indiqué à l'AFP l'entourage de M. Lefranc.

Le montant de cette offre est toutefois jugé insuffisant pour racheter et redresser Marianne, ont assuré à l'AFP des sources internes.

"Pour l'heure, aucune des offres de reprise présentées ne satisfait aux critères édictés par Denis Olivennes lors de sa visite à Marianne", souligne pour sa part la SRM dans son communiqué.

le Jeudi 27 Juin 2024 à 08:44 | Lu 395 fois