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Margot Hillion, son énergie pour un fenua durable


TAHITI, le 12 octobre 2022 - Elle porte un projet ambitieux depuis plusieurs mois qui est sur le point de se concrétiser. Margot Hillion souhaite monter un atelier coopératif à Moorea. Un atelier coopératif est l’équivalent d’une ressourcerie, c’est-à-dire un espace pour récupérer et valoriser ou recycler des produits en fin de vie du territoire mais aussi pour accompagner, former et insérer des jeunes de l’île.

Elle est parisienne, formée à la communication et dotée d’une expérience de guide naturaliste en Afrique du Sud. Portée par la volonté de partager son expérience, Margot Hillion met à profit ses connaissances pour accompagner les entreprises du territoire dans le respect de l’environnement. Cette résidente de Moorea va encore plus loin dans son engagement pour la planète : elle est sur le point de concrétiser un projet qui lui est cher. Celui d’ouvrir un atelier coopératif à Moorea.

Aux origines d’Atlantide

Elle a baptisé son projet Atlantide, l’atelier recup’ du fenua. “C’est une image. L’idée est de recréer un monde perdu, de restaurer tout ce qui a été détruit mais qui peut être valorisé”, éclaire-t-elle. En tout premier lieu, elle a constaté que dans les lagons du Pacifique, mais parfois aussi en pleine mer, des dizaines d’épaves de bateaux étaient abandonnées, polluant les eaux et, à travers elles, les hommes. Sur terre, elle a vu que gisaient (et gisent encore !) du mobilier, de l’électroménager, des appareils informatiques ou de télécommunication, vieillissant et inutilisables.

Cela s’explique sans doute par le fait que les encombrants coûtent trop cher à gérer. Comment faire, alors, pour débarrasser les lieux de ces déchets, comment faire pour avoir un impact positif sur l’environnement tout en dynamisant l’emploi et le commerce local ? En leur offrant une deuxième vie ! Et en créant pour cela une association qui puisse localiser, récupérer puis valoriser les encombrants. C’est ainsi qu’est né le projet d’atelier de récupération de Margot Hillion. À propos des épaves, qui sont le point de départ d’Atlantide, elle détaille : “La Direction polynésienne des affaires maritimes, à qui nous nous sommes adressés pour savoir s’il était possible de récupérer les bateaux abandonnés, nous a donné un accord sous condition. Il nous fallait un lieu.

Margot hillion vient tout juste d’obtenir un terrain par l’intermédiaire de la mairie. Celui-ci se trouve à Moorea, en bas de la déchetterie, et s’étend sur 11 000 mètres carrés.
Margot hillion vient tout juste d’obtenir un terrain par l’intermédiaire de la mairie. Celui-ci se trouve à Moorea, en bas de la déchetterie, et s’étend sur 11 000 mètres carrés.
Un concept sur mesure

Qu’est-ce qu’Atlantide ? "Une sorte de ressourcerie", répond Margot Hillion. Une ressourcerie est une structure qui gère la récupération, la valorisation et la revente de biens dans un territoire donné. Elle a également un rôle de sensibilisation et d’éducation à l’environnement. Elle peut jouer un rôle dans l’insertion par l’activité économique, ce qui ajoute une dimension sociale. À Moorea, dans l’atelier, des entreprises éliront domicile comme Mooz Réparette par exemple. Il y aura des outils, de l’espace pour assurer des formations mais aussi réparer, recycler et valoriser les épaves de bateau, l’électroménager, le mobilier, les carcasses d’avion… “Tout sera gratuit, car l’objectif est aussi d’occuper les jeunes de Moorea et de participer à la réinsertion.”

Construire un fenua durable

Margot Hillion a fondé une association il y a plus d’un an pour formaliser son projet. Elle a travaillé sur des plans avec une agence d’architectes spécialisée dans la construction éco-environnementale. Elle avance en effet entourée de professionnels qui partagent ses valeurs, à savoir construire un fenua durable. Elle a budgétisé et pris contact avec un constructeur. Elle cherche maintenant des fonds pour mener à bien son projet et rêve de trouver un mécène. Elle vient tout juste d’obtenir un terrain par l’intermédiaire de la mairie. Celui-ci se trouve à Moorea, en bas de la déchetterie, et s’étend sur 11 000 mètres carrés. “En échange, nous avons promis d’intégrer à l’atelier le recyclage des déchets verts. Ce qui est une très grosse problématique que nous n’avions pas prise en compte.” Les plans sont remis en cause, mais Margot Hillion reste motivée. “Il nous faut travailler sur une nouvelle version du projet, de nouveaux montants, et sans doute repousser le début du chantier. Des mois d’administratif s’annoncent.”

En attendant, elle a commencé à rassembler une petite communauté autour d’elle et a mis en place les ateliers by Atlantide sur Moorea en 2022, s’installant temporairement au Food & CookLab ou bien à l’InterContinental dans les locaux de Te mana o te moana. Plusieurs sessions ont été organisées autour du développement durable pour apprendre à valoriser et protéger les ressources locales de manière ludique et conviviale. Les ateliers sont en veille et reprendront dans deux ou trois semaines. Margot Hillion s’est également rendue à Bora Bora pour s’inspirer en visitant diverses installations déjà fonctionnelles. En parallèle, elle avance sur la réalisation d’une émission de télévision inspirée par le programme français Tous ensemble. Celui-ci suit une action de solidarité envers une famille dans le besoin ou pour aider des personnes à réaliser des projets. “Nous réhabiliterons une maison une fois par mois avec des artisans locaux et des jeunes à réinsérer”, annonce Margot Hillion. Elle va également lancer les "expéditions Atlantide" qui consisteront à localiser et analyser les épaves dans les îles Sous-le-Vent, dans un premier temps.

Donner du sens à la communication

Originaire de la région parisienne où elle naît en 1992, Margot Hillion a toujours envisagé de s’orienter dans la communication et le marketing. “Mon père était directeur marketing, il a par exemple développé la stratégie de grandes marques comme Canderel ou Fanta. Ma mère travaillait dans une agence cinématographique, j’ai baigné dans ce monde.” Elle est alors particulièrement touchée par la puissance de la vidéo. Un outil avec lequel “on peut réussir à faire pleurer quelqu’un en une minute ! ” Elle s’inscrit à l’École supérieure de la publicité suivant des études par alternance. “Et puis je me suis un peu perdue dans les agences parisiennes”, avoue-t-elle. En 2016-2017, elle est embauchée en tant que chef de projet dans une entreprise. “Mais tout cela n’était pas assez humain pour moi.”

Elle quitte tout. Elle s'en va en Afrique du Sud dans une réserve, plus précisément à Bloemfontein, près de Cape Town. Elle suit une formation pour devenir guide dans le centre Cheetah Experience. Là, des visiteurs vont à la rencontre d’espèces en voie de disparition. Cheetah Experience élève les animaux et recueille ceux qui, aux alentours, ont besoin d’être secourus. Le centre les protège et mène tout un programme de sensibilisation auprès des visiteurs. “On parlait d’environnement, de biodiversité, de braconnage à un public varié.” En effet, certains visiteurs, mal renseignés, se présentaient en espérant pouvoir chasser et rapporter des trophées. “Je me suis rendu compte, grâce à cette expérience, que je voulais utiliser la communication pour des choses de valeur, ou tout du moins qui avaient de la valeur à mes yeux.”

Alors, Margot Hillion s’inscrit pour deux ans au Columbia College, à Chicago, pour suivre un master. L’établissement est connu pour sa stratégie de développement de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). “On y fait beaucoup de socio et de psychologie, c’était très humain.” Margot Hillion cite cet exemple : “Au lieu d’utiliser la manipulation pour vendre le dernier smartphone à la mode, on l’utilise pour faire avancer le tri des déchets.”

Après sa formation, Margot Hillion rentre en France et trouve un poste dans une agence de communication qu’elle quitte au bout d’un an. Elle ne correspondait pas à ses attentes. Un ami biologiste, installé à Moorea, lui parle de la Polynésie. En 2017, elle décide de tenter sa chance au fenua. “J’ai envoyé mon CV dans diverses agences de communication de Tahiti, j’ai été prise dans l’une d’elles, je suis arrivée un mois plus tard.” Mais au bout de quatre mois, coup dur. Elle est licenciée. “Avec le recul, cela a été mon plus grand bonheur.”

Accompagner les entreprises locales

Margot Hillion vit pendant un an à Tahiti. “Je me suis vite aperçue que les gens qui avaient besoin d’accompagnement se trouvaient en fait à Moorea.” En 2018, elle pose ses valises sur l’île Sœur où elle ouvre son agence de communication, Polynesia Project. Celle-ci suit les “boîtes locales, les initiatives écolo”, détaille Margot Hillion qui donne des conseils en communication (réseaux, événements) mais aussi en développement et en stratégie. Elle aide les entrepreneurs à monter leur business plan pour lever des fonds. Polynesia Project et Atlantide, l’atelier récup du fenua, font sens. Ils participent à une dynamique globale sur le territoire. “Je vois que de plus en plus d’entreprises sont soucieuses de RSE”, se réjouit Margot Hillion. Le mouvement est récent, probablement lié au Covid et ses impacts, mais prégnant.


Contacts

FB : Atlantide, l’atelier recup’ du fenua
[email protected]

Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 12 Octobre 2022 à 19:16 | Lu 2356 fois