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Mapua’ura : Agrégats, agressions et agacement


Le ministre de l'Equipement a interdit toute extraction tant que le problème d'indivision ne sera pas réglé.
Le ministre de l'Equipement a interdit toute extraction tant que le problème d'indivision ne sera pas réglé.
Tahiti, le 5 décembre 2022 - Le ministre de l’Équipement est clair, plus aucune autorisation d’extraction dans la vallée de Mapua’ura à Faaone ne sera octroyée tant que le problème d’indivision ne sera pas réglé. L’association A paruru e a faahotu ia Mapua’ura dénonce le fait que même sans autorisation, les entreprises poursuivent les extractions et qu’elle va continuer à les en empêcher. Mais pour le ministre le problème est plus “profond” car “ils veulent tous avoir leur part du gâteau”.    

Le tribunal administratif de Papeete a le 25 janvier dernier condamné la société RBK à une amende de 800 000 Fcfp, son gérant Rainui Dudes à 120 000 Fcfp d’amende et à 29 487 Fcfp pour les frais d'établissement du procès-verbal de contravention de grande voirie en raison d’extraction sans autorisation administrative sur le domaine fluvial dans la vallée de Mapua’ura à Faaone.  Il faut savoir que le prix unitaire du m3 d’agrégats est facturé 4 500 Fcfp à la Direction de l’équipement par les entreprises, prix considéré au passage par le tribunal administratif comme “totalement déconnecté des prix du marché”.  

Depuis, le ministre de l’Équipement René Temeharo est clair. Plus aucune autorisation d’extraction ne sera donneé aux sociétés qui exploitent cette vallée. Il rappelle que les associations ne cessent de se plaindre et que le Pays attend désormais que le partage des terres soit terminé. “Je leur ai dit d’aller jusqu’au bout de leur démarche au niveau de la justice pour ce qui est du partage et lorsque ce sera fait, on pourrait à nouveau octroyer des autorisations d’extraction car ils seront vraiment propriétaires”. Le ministre assure que le problème principal dans cette vallée est que les terres sont encore indivises et que cette situation crée des tensions entre les ayants-droits : “Certains se plaignent car on a donné une autorisation à un tel et pas à un tel. Et ils nous disent qu’ils profitent de nos terres. Tout cela est compliqué à gérer, raison pour laquelle plus personne n’est autorisé à faire d’extraction dans cette vallée. Au niveau de mes services, tout a été bloqué”.  

La servitude de passage bloquée 

Jeudi dernier, la vallée a été la scène d’agressions de la part d’un des extracteurs d’agrégats, Lucien Toofa, envers certains membres de l’association A paruru e a faahotu ia Mapua’ura, dont plusieurs propriétaires fonciers sont membres. Ces derniers voulaient interdire les camions des sociétés d’extraction de se rendre dans la vallée. “Non seulement il n’y a pas eu d’accord avec les propriétaires terriens et en plus ils n’ont pas d’autorisation d’extraction des instances administratives du Pays”, explique le président de l’association Anthony Tihoni. Finalement, ce sont eux qui se sont retrouvés bloqués puisque la famille Tiapari-Dudes leur a fermé l’accès et les membres de l’association ne pouvaient donc se rendre sur leurs terres situées plus au fond dans la vallée. Et ils ne pouvaient pas non plus se rendre sur la route de ceinture puisque la servitude avait aussi été bloquée au moyen de véhicules.  

Et pourtant, dans l’acte de vente signée en 2001, il est bien stipulé qu’“une servitude de passage réelle et perpétuelle sur le chemin” existe et se trouve sur la propriété de la société civile et qu’elle “pourra être exercée en tout temps et à toute heure par les propriétaires riverains de cette servitude, leurs employés et visiteurs, pour se rendre de leur propriété à la route de ceinture et en revenir, tant à pied qu’avec tout véhicule, étant précisé qu’il sera interdit d’entraver la libre circulation sur ces chemins et d’y entreposer quelque matériau que ce soit et de laisser en stationnement tout véhicule automobile”. 

Le président de l’association regrette que cette clause ne soit pas respectée par la famille Tiapari-Dudes.  “Le problème, c’est principalement l’accès et cela dure depuis longtemps (…). Ils ne respectent pas ce qu’il y a dans l’acte de vente. Aujourd’hui, les propriétaires reviennent sur leur terre et le problème c’est l’accès à la vallée et à leur propriétés”. “On est pris en otage” ajoute Pauline, une propriétaire terrienne. “On veut bloquer les entreprises qui viennent piller notre vallée, pas les riverains (…). Et elle dénonce le fait que la famille Tiapari- Dudes laisse passer les entreprises “moyennant de l’argent”.

“Ils veulent tous avoir leur part du gâteau”

Selon nos sources, ils sont plusieurs propriétaires à vouloir classer la vallée Mapua’ura en “zone industrielle” et plus précisément en zone de développement destiné à des activités dites tertiaires tout comme les extractions de matériaux au travers du Plan général d’aménagement. Une compétence qui relève de la commune. Interrogé à ce sujet, le tāvana Anthony Jamet affirme que des discussions concernant ce sujet ont bien eu lieu mais précise que les extractions restent tout de même de la compétence du Pays. “C'est le Pays qui décide fonction du droit de propriété de chacun, nous on émet juste un avis (…). En plus, c’est le Pays qui récolte la taxe d’extraction” dit-il. Le premier magistrat de Taiarapu Est ajoute que “tout le monde a des besoins de construction dont le Pays”. Il souligne d’ailleurs que ces problèmes datent depuis des années, “en tant que tāvana on intervient surtout en tant que médiateur pour essayer de calmer un peu le jeu”. “Il faudrait peut-être reconnaître les droits de chacun car tout le monde réclame son dû aujourd’hui”.

Le ministre de l’Équipement lui ne mâche pas ses mots : “Le fond du problème ce ne sont pas les extractions, c’est qu’ils veulent tous avoir leur part du gâteau. Et ceux qui n’ont pas le matériel accusent les autres de se servir sur leur terre pour se remplir les poches (…). Le problème est là, c’est une question de sous”. “Ils sont tous d’accord qu’on prenne des agrégats chez eux” ajoute le ministre de l’Équipement. 

Le président de l’association A paruru e a faahotu ia Mapua’ura Anthony Tihoni explique que si extraction il y a, “il faut trouver une entente et qu’on puisse le faire tous ensemble, et pas que chacun fasse ce qu’il a envie de faire, et tout cela dans la légalité bien sûr. Le problème qui se pose depuis de longues années, c’est que chacun veut tirer à lui la couverture et surtout monnayer tout cela”. Il précise tout de même qu’aux endroits où les extractions seront faites, les familles pourront utiliser leur terrain pour “cultiver” et pourquoi pas en faire “un site touristique tout en respectant l’environnement”. Mais voilà, nous cet imbroglio n'est pas prêt de s’arranger avec les appétits des uns et des autres, et l’association s’apprête déjà à intervenir la semaine prochaine si les entreprises retournent dans la vallée.   

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Lundi 5 Décembre 2022 à 14:40 | Lu 3812 fois