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Manouche Lehartel : “La magie va opérer”


Tahiti, le 29 juin 2022 – Nommée en sa qualité d’experte en danse, Manouche Lehartel a été désignée pour présider le jury du Heiva i Tahiti 2022. Alors que le concours débute vendredi soir avec la cérémonie d’ouverture et les prestations des premiers groupes de chant et de danse, nous avons recueilli ses impressions sur les derniers préparatifs de cette nouvelle édition, qui s’annonce une fois encore envoûtante…
 

Tu es présidente du jury du Heiva i Tahiti 2022, comment en sont choisis les membres ?

“Je suis membre du jury du Heiva i Tahiti pour la 7e fois, et 3e fois en tant que présidente, après 2013 et 2014. Les membres du jury sont choisis par les chefs des groupes en compétition. Ceux des Himene Tumu proposent chacun trois experts en chants traditionnels : un spécialiste en Tarava Tahiti, un en Tarava Raromata’i et un en Tarava Tuha’a Pae. Ils proposent également un expert en langues vernaculaires. Les chefs des Pupu ‘Ori proposent chacun quant à eux quatre experts en danse, un expert en orchestration et un expert en langues vernaculaires. Sont retenus ceux qui obtiennent le plus de suffrages. Puis, après deux réunions de cohésion et de travail sur le règlement des concours, les neuf membres du jury élus par les chefs des groupes en concours élisent à leur tour leur président et leur vice-président. C’est ainsi que Dayna Tavaearii, experte en Himene Tumu et spécialiste du Tarava Raromata’i, a été nommée vice-présidente du jury que je préside.”
 
Après deux ans d’interruption due au Covid, quel est l’état d’esprit des groupes pour la reprise ?

“Les uns comme les autres sont sous pression et extrêmement motivés pour porter haut les couleurs du fenua, en donnant le meilleur d’eux-mêmes. Depuis février, les groupes de danse sont en ordre de bataille, donnant vie aux thèmes rédigés depuis un an par les auteurs et assemblant les éléments patiemment récoltés dans nos îles pour la confection des milliers de costumes. Les ra’atira sont sur tous les fronts, assurant la cohésion des expertises et des centaines d’artistes, à l’écoute des auteurs qui voient leurs œuvres prendre vie, rassurant les uns et les autres, encourageant et stimulant les diverses énergies et anticipant sur les besoins de fournitures diverses des costumeries. À la veille du Heiva, les orchestres répètent en aparté les concours de Pehe Tumu et de création, redoublant de créativité pour produire les sons des univers qu’ils ont imaginés.

De leur côté, les groupes de chants traditionnels, après avoir puisé les thèmes auprès des anciens de leurs communautés, se rassemblent dans leurs fare ‘amuira’a et peaufinent les himene tumu. Pour assurer la pérennité de l’art, les ra’atira opèrent un dosage savant entre personnes expérimentées et jeunes en phase d’initiation. L’exercice est complexe, il s’agit d’affirmer et rendre audibles les différentes strates des chants polyphoniques. Depuis février, tout autour de l’île, s’élèvent de-ci et de-là les chants qui reflètent l’âme du peuple polynésien dans sa diversité et son intemporalité.”
 
Et du côté du jury ?

“Depuis le 19 mars, les neuf experts nommés à cette fonction lisent et s’imprègnent du règlement des concours, s’exercent aux fiches de notation, guettent la livraison des thèmes et des fiches techniques des groupes, tout en partageant leurs connaissances. Tous sont au taquet, conscients du fait qu’ils ne pourront satisfaire toutes les ambitions légitimes car il n’y aura, le 13 juillet, lors de la remise des prix, qu’un seul gagnant dans chaque concours.”
 
Le règlement du Heiva a été retouché pendant cette période de coupure, qu’est-ce qui change cette année ?

“Ce sont des points de détails. Le public ne verra pas de différence notoire. Une des choses les plus importantes, c’est qu’on standardise les Heiva i Tahiti, avec huit soirées de concours au maximum, donc huit groupes de danse Hura Ava Tau, huit en Hura Tau et 16 pupu himene. Mais cette année, c’est caduc, car lorsque les inscriptions ont ouvert en septembre dernier, on était en pleine crise Covid. Donc de nombreux groupes qui avaient l’intention de se présenter ne l’ont pas fait.”
 
Les critères de notation ont-ils évolué ?

“Les critères sont toujours les mêmes. Les fiches de notation sont le résultat de 140 années d’expériences, on ne va pas les changer comme ça. Par contre, on les a simplifié car c’était devenu compliqué ces dernières années.”
 
À la veille du lancement du concours, y a-t-il des tendances ou des thématiques qui se dégagent pour cette année ?

“Comme d’habitude, les choix sont intimes et personnels à chaque groupe. Les pupu himene vont surtout parler des légendes de leurs îles ou de leurs communes. Les thèmes ne changent pas beaucoup des éditions précédentes. Mais je vous laisse les découvrir sur la scène de To’ata…”
 
Comment se passent les derniers préparatifs, pour les groupes et pour le jury ?

“À cette heure, tous les groupes en lice ont été auditionnés par le jury. Cette audition permet à chacun de mieux informer le jury. Les auteurs ont développé leur thème, les chefs de groupe ont exposé leur vision personnelle et intuitive du texte et expliqué leurs choix chorégraphiques, les chefs d’orchestre et de chœur ont démontré l’adaptation de leurs compositions aux séquences thématiques. Ces rencontres intimes ont aussi permis de démêler des incompréhensions, de rappeler des points du règlement et de répondre aux interrogations des artistes.

En soirée, les répétitions générales ont fait vibrer To’ata cette semaine. Et la magie a opéré ! Quelle fierté de contempler ces expressions artistiques traditionnelles mêlées de la créativité d’un peuple vivant dans son temps, quel émerveillement d’observer ces talents d’aujourd’hui valorisant ces connaissances et ces savoir-faire reçus en héritage, quel émerveillement d’entendre ces voix élever au firmament nos langues vernaculaires, quel bonheur de voir ces artistes magnifiques exprimer leur amour pour leur fenua et leur culture, quel privilège de vivre une fois encore le Heiva i Tahiti ! Te Fare Tauhiti Nui procède désormais à la décoration du site. Les techniciens, les artistes, les présentateurs et le jury se retrouvent ce jeudi 30 juin pour répéter la cérémonie du Rahiri. Et vendredi soir, à 18 heures, 3 500 spectateurs ont rendez-vous à To’ata, en lumière et en beauté pour l’ouverture du Heiva i Tahiti."
 

Programme du premier week-end

Le Heiva i Tahiti 2022, c’est cinq soirées de concours qui rassembleront dix formations en catégorie chant et neuf groupes de danse (dont six professionnels) sur la scène de Toa’ta, du 1er au 9 juillet. Suivront ensuite la soirée de remise des prix le mercredi 13 juillet, puis les deux soirées podiums les 15 et 16 juillet, regroupant les gagnants de chaque catégorie. Billets en vente à la Maison de la culture ou sur le site www.heiva.org.
 
Vendredi 1er juillet :
18h10 - Cérémonie d’ouverture, rāhiri et présentation de la soirée
19h15 - Tamari’i Tuha’a Pae no Mahina (chant Tārava Tuha’a Pae)
20h00 – Tamari’i Teahupo’o (chant Tārava Tahiti)
20h45 - Hitireva (danse Hura Tau)
 
Samedi 2 juillet :
18h00 - Présentation de la soirée
18h15 - Feti’a Ori Hei (danse Hura Ava Tau)
19h30 - Reo Papara (chant Tārava Tahiti)
 

Bio express

Manouche Lehartel, qui préside le jury du Heiva cette année, a été présidente du Musée de Tahiti et des Îles pendant 20 ans. Figure incontournable du monde de la danse, elle a dirigé le groupe Toa Reva et a été juge sur différents concours de danse locaux et internationaux. En 2012, elle a créé avec Tumata Robinson les ‘Ori Tahiti Nui Competitions, à destination des danseurs étrangers.

Rédigé par Lucie Ceccarelli le Mercredi 29 Juin 2022 à 17:44 | Lu 2614 fois