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Mandat de dépôt pour le “promoteur” véreux


Tahiti, le 23 janvier 2024 - Un retraité de 62 ans, déjà condamné à de multiples reprises, a été jugé pour abus de confiance par le tribunal correctionnel mardi et condamné à deux ans de prison assortis d'un mandat de dépôt. Il était reproché à ce multirécidiviste d'avoir détourné 125 millions de francs, une somme remise par des gens qui souhaitaient acquérir des terrains à Taha'a par le biais de la SCI qu'il avait créée. 
 
Déjà condamné plusieurs fois pour des faits d'abus de confiance et d'escroquerie, un retraité de 62 ans a de nouveau comparu devant le tribunal correctionnel mardi pour répondre d'un nouvel abus de confiance commis en janvier 2014 à Uturoa. C'est à la faveur d'un courrier adressé au procureur de la République que l'enquête avait démarré. Il était ressorti des investigations que le prévenu avait créé une Société civile immobilière (SCI) pour acquérir un terrain agricole de 182 hectares à Taha'a. Il n'avait pas investi un franc dans ce projet mais des dizaines de personnes avaient en revanche acheté des parts sociales de la SCI pour un montant évalué à 280 millions de francs, dont 125 millions de francs – incluant 78 millions retirés en numéraire – se sont, depuis, évaporés dans la nature. 
 
Alors qu'il comparaissait auprès de l'ancienne gérante de paille de la société qui était également poursuivie pour abus de confiance, le retraité a peiné à expliquer pourquoi il s'attribuait 20% de commission dans les transactions alors même qu'il avait, à l'époque, l'interdiction de gérer une entreprise et qu'il n'apparaissait nulle part dans cette société. Une mesure d'interdiction relative à une précédente condamnation pour abus de confiance tel que le président du tribunal a pris soin de préciser. 
 
Une “caricature”
 
 
En présence de plusieurs des parties civiles de cette affaire, leur avocat, Me Smaïn Bennouar, a ensuite dénoncé lors de sa plaidoirie une “caricature de l'abus de confiance à tous les niveaux”. “Je représente des personnes qui attendent avec impatience de connaître la décision de la justice, certaines d'entre elles lui ont remis toutes leurs économies”, a-t-il ainsi rappelé avant d'affirmer que le “fil conducteur” de la vie du prévenu était d'“arnaquer les gens”. “C'est un beau parleur qui est animé par ses vieux démons et il est bien connu que le meilleur moyen de résister à la tentation est d'y céder”, a poursuivi Me Bennouar avant d'expliquer qu'il n'avait jamais plaidé dans un dossier qui atteint un “tel niveau d'ignominie”. 
 
Même constat pour le procureur de la République selon lequel cette affaire n'est ni plus ni moins qu'un “véritable cas d'école d'abus de confiance” commis au préjudice d'une “trentaine de personnes” pour un montant de “125 millions de francs si l'on retient les dépenses injustifiées” ou, “a minima”, pour les 78 millions de francs retirés en espèces par le prévenu. Concernant le parcours judiciaire de ce dernier, le représentant du ministère public a ensuite asséné que le retraité a “l'art d'embrouiller les gens” depuis une vingtaine d'années et a rappelé que dans cette affaire, il n'avait “rendu aucun compte”, étant par ailleurs incapable de justifier de l'utilisation des fonds. Quatre ans de prison dont un an ferme ont été requis contre le sexagénaire et deux ans de sursis à l'encontre de la gérante de paille de la SCI sans laquelle “rien n'aurait été possible”. 
 
Les “compétences” du “promoteur”
 
Face aux antécédents de son client et à ces nouvelles accusations d'abus de confiance, Me Dominique Antz a évoqué un “homme difficile à cerner”. Après avoir rappelé que la prévention visait un préjudice les 78 millions retirés en espèces et pas plus, l'avocat a assuré que son client souffrait du “côté désorganisé” de son projet. Me Antz a soutenu que ce numéraire avait été utilisé pour payer les travaux à Taha'a où “tout se paie en cash”. Alors que le président du tribunal avait fait remarquer au prévenu qu'il n'avait jamais engagé un seul franc dans la SCI, son avocat a expliqué qu'il était un “promoteur” et que les “promoteurs n'engagent pas des fonds mais leurs compétences”. 
 
Après en avoir délibéré, le tribunal a condamné le retraité à deux ans de prison assortis d'un mandat de dépôt, il devra également indemniser les parties civiles du préjudice subi, soit un montant de 125 millions de francs. La gérante de paille a, quant à elle, écopé d'un an de prison avec sursis. 

Rédigé par Garance Colbert le Mardi 23 Janvier 2024 à 17:25 | Lu 10700 fois