Au centre de la vieille ville, l’église protestante Christ Church datant de 1752. Au premier plan, les cyclo-pousse bariolés permettant de promener les touristes.
PAPEETE LE 29 AOÛT 2019 - Sous influence chinoise, portugaise, hollandaise, britannique, japonaise, enfin malaise depuis l’indépendance de ce pays, la cité de Malacca a longtemps été la porte d’entrée mais aussi le verrou entre océan Indien et vaste Pacifique. Le port, abandonné depuis longtemps compte tenu de la faible profondeur de ses eaux, est aujourd’hui l’incontournable destination touristique des habitants de Singapour, au sud, et de Kuala Lumpur, au nord.
Pour les Chinois, le port s’appelait Man-la-Chia. Pour les Arabes Malakat, pour les Français Malaque, pour les Hollandais Malaka, pour les Japonais Maracca, pour les Portugais Malaca, pour les Britanniques Malacca, pour les Italiens Melacha et enfin, depuis le 16 septembre 1963, date de l’indépendance de la Malaisie, Melaka, façon malaise.
Nous garderons son appellation portugaise de Malacca pour parcourir en images les rues de cette ville qui semble s’être assoupie sous et après la colonisation anglaise avant de connaître plus récemment, grâce à l’argent du pétrole de Malaisie et au tourisme de masse un second souffle.
Pour les Chinois, le port s’appelait Man-la-Chia. Pour les Arabes Malakat, pour les Français Malaque, pour les Hollandais Malaka, pour les Japonais Maracca, pour les Portugais Malaca, pour les Britanniques Malacca, pour les Italiens Melacha et enfin, depuis le 16 septembre 1963, date de l’indépendance de la Malaisie, Melaka, façon malaise.
Nous garderons son appellation portugaise de Malacca pour parcourir en images les rues de cette ville qui semble s’être assoupie sous et après la colonisation anglaise avant de connaître plus récemment, grâce à l’argent du pétrole de Malaisie et au tourisme de masse un second souffle.
Un emplacement stratégique
Au centre de Malacca, le Stadthuys, avec sa tour horloge ; ce fut le site névralgique du port à l’époque de la colonisation hollandaise ; le bâtiment est aujourd’hui un musée historique.
Malacca, située sur la rive orientale du détroit qui porte son nom, était l’incontournable trait d’union entre le commerce arabe et indien d’une part et celui de la Chine et du reste de l’Asie du Sud-Est. Le détroit en question mesure environ neuf cents kilomètres de long et demeure, aujourd’hui encore, l’un des principaux axes du commerce mondial, un tiers des containers transportés sur le globe transitant par ce long chenal ainsi que la moitié des pétroliers et autres méthaniers. Quatre pays parmi les plus peuplés de la planète dépendent directement de ce trafic : la Chine, l’Inde, le Japon et l’Indonésie.
Cette situation privilégiée ne date pas d’hier. On dit que c’est aux alentours de 1400 qu’un prince hindouiste fuyant Sumatra fonda la ville de Malacca. Les commerçants arabes comprirent très vite qu’il leur fallait, d’une manière ou d’une autre, contrôler ce port ; plutôt que de chercher à le prendre de force, ils firent tant et tant que le prince d’alors finit par se convertir à l’Islam, devenant un sultan régnant comme chef de guerre, mais aussi chef spirituel de ses sujets.
Cette situation privilégiée ne date pas d’hier. On dit que c’est aux alentours de 1400 qu’un prince hindouiste fuyant Sumatra fonda la ville de Malacca. Les commerçants arabes comprirent très vite qu’il leur fallait, d’une manière ou d’une autre, contrôler ce port ; plutôt que de chercher à le prendre de force, ils firent tant et tant que le prince d’alors finit par se convertir à l’Islam, devenant un sultan régnant comme chef de guerre, mais aussi chef spirituel de ses sujets.
Les Portugais s’emparent de la ville
A cette époque, dans la lointaine Europe, on était las de dépendre des négociants arabes pour se procurer des épices indispensables alors à la cuisine. Certes, Venise tirait de ce commerce sa fortune, mais la découverte par Vasco de Gama du passage entre océan Atlantique et océan Indien allait changer la donne.
Premier Européen à parvenir aux Indes par la voie maritime en 1498, de Gama ouvrit en grand les portes du commerce avec l’Orient à son pays. Mais pour les épices, il fallait aller plus loin que les rivages de l’Inde. Et Malacca était justement sur la route de l’Extrême-Orient et de ses richesses ; or les péages installés par le sultan de Malacca n’étaient pas pour plaire aux Lusitaniens. Ceux-ci ne s’embarrassèrent ni de finasseries ni de diplomatie : le sultan Mahmud Shah devait être ramené à la raison. En 1509 puis en 1511, deux expéditions portugaises permirent à Lisbonne de mettre la main sur la ville, grâce notamment à Diego Lopes de Sequeira et surtout à Alfonso de Albuquerque.
Exit le sultan, de 1511 à 1640, c’est le roi du Portugal qui régna par procuration sur Malacca et son détroit.
A l’autre bout de la planète, dès l’an 1500, le Portugal faisait également main basse sur le riche Brésil : double opération fructueuse pour ce petit pays propulsé au rang de première puissance mondiale.
Premier Européen à parvenir aux Indes par la voie maritime en 1498, de Gama ouvrit en grand les portes du commerce avec l’Orient à son pays. Mais pour les épices, il fallait aller plus loin que les rivages de l’Inde. Et Malacca était justement sur la route de l’Extrême-Orient et de ses richesses ; or les péages installés par le sultan de Malacca n’étaient pas pour plaire aux Lusitaniens. Ceux-ci ne s’embarrassèrent ni de finasseries ni de diplomatie : le sultan Mahmud Shah devait être ramené à la raison. En 1509 puis en 1511, deux expéditions portugaises permirent à Lisbonne de mettre la main sur la ville, grâce notamment à Diego Lopes de Sequeira et surtout à Alfonso de Albuquerque.
Exit le sultan, de 1511 à 1640, c’est le roi du Portugal qui régna par procuration sur Malacca et son détroit.
A l’autre bout de la planète, dès l’an 1500, le Portugal faisait également main basse sur le riche Brésil : double opération fructueuse pour ce petit pays propulsé au rang de première puissance mondiale.
Le plus grand port d’Orient
La Porta de Santiago de la forteresse portugaise A Famosa, l’une des rares ruines témoignant de la présence portugaise dans la cité portuaire.
A Malacca transitait la soie de Chine, le camphre de Bornéo, le bois de santal de Timor, les clous de girofle et les noix muscade des Moluques, la porcelaine du Japon, le riz de Java, l’ivoire et le poivre de Sumatra, le coton des Indes, le bois des forêts birmanes, le sucre des Philippines et enfin toutes les marchandises venues de l’Occident. Tous les navires déchargeaient leurs cargaisons au port, celles venant de l’est repartant ensuite vers l’ouest et vice-versa. Malacca mine d’or devint ainsi le plus grand et le plus riche port de tout l’Orient, sous la houlette des percepteurs portugais à qui rien n’échappait.
A trop contrôler, on ne s’attire pas que des amis. D’autres nations de la vieille Europe entendaient bien jouer leur partition sur le grand échiquier colonial et les Pays Bas n’étaient pas les derniers à revendiquer leur part du gâteau. De 1511 à 1640, les Portugais firent la loi à Malacca, mais l’affaiblissement du pays fut mis à profit par les Hollandais.
La flotte de guerre de la très puissante Compagnie des Indes orientales organisa un siège de la ville en 1640, durant lequel indigènes et Portugais en furent réduits à manger des chats, puis des rats, puis de la chair humaine avant une reddition sans conditions ou presque en janvier 1641.
A trop contrôler, on ne s’attire pas que des amis. D’autres nations de la vieille Europe entendaient bien jouer leur partition sur le grand échiquier colonial et les Pays Bas n’étaient pas les derniers à revendiquer leur part du gâteau. De 1511 à 1640, les Portugais firent la loi à Malacca, mais l’affaiblissement du pays fut mis à profit par les Hollandais.
La flotte de guerre de la très puissante Compagnie des Indes orientales organisa un siège de la ville en 1640, durant lequel indigènes et Portugais en furent réduits à manger des chats, puis des rats, puis de la chair humaine avant une reddition sans conditions ou presque en janvier 1641.
Hollandais et Britanniques
L’église de San Pedro fut la première église catholique bâtie grâce aux Portugais dans le détroit de Malacca. Elle est aujourd’hui très bien entretenue par la communauté catholique de la ville.
Exit les Lusitaniens, mais paradoxalement, l’implantation des Hollandais marqua un net déclin de la ville et du port, dans la mesure où une autre cité avait la préférence des nouveaux occupants, Batavia (devenue Djakarta) où la Compagnie néerlandaise des Indes orientales avait installé son siège dès 1619 (la fameuse VOC, Vereenigde Oostindie Compagnie en néerlandais).
La géopolitique commandait à la VOC de faire sauter le verrou que constituait Malacca, pas d’en faire sa capitale. Assurer la sécurité dans le détroit était bien suffisant pour les navires de commerce régulièrement menacés par des pirates malais. En 1795, les soubresauts des guerres de Napoléon en Europe font que les Anglais, pour devancer les Français, prennent momentanément le contrôle de Malacca. Sept gouverneurs s’y succèderont jusqu’en 1818. Le congrès de Vienne, en 1815, réorganisant le monde après les guerres napoléoniennes, restitue Malacca aux Hollandais qui nomme un gouverneur batave en 1818. Trois se succèdent jusqu’en 1826 : les Britanniques échangèrent alors avec les Pays-Bas Malacca et toutes les possessions néerlandaises au nord du détroit contre les possessions anglaises au sud de ce même détroit.
La perte d’importance de la ville ne fera alors que se confirmer et plus au sud, Singapour vit sa naissance en quelque sorte confirmée et confortée, les Britanniques se contentant d’administrer Malacca sans grandes ambitions, eu égard justement à la position privilégiée de Singapour (et au fait que le port de Malacca était en eaux peu profondes).
Ce fut d’abord la British East India Company qui géra la ville avant que celle-ci n’intègre les possessions de la couronne (sous l’appellation des Straigths Settlements, englobant les régions de Penang, Malacca et Singapour).
La géopolitique commandait à la VOC de faire sauter le verrou que constituait Malacca, pas d’en faire sa capitale. Assurer la sécurité dans le détroit était bien suffisant pour les navires de commerce régulièrement menacés par des pirates malais. En 1795, les soubresauts des guerres de Napoléon en Europe font que les Anglais, pour devancer les Français, prennent momentanément le contrôle de Malacca. Sept gouverneurs s’y succèderont jusqu’en 1818. Le congrès de Vienne, en 1815, réorganisant le monde après les guerres napoléoniennes, restitue Malacca aux Hollandais qui nomme un gouverneur batave en 1818. Trois se succèdent jusqu’en 1826 : les Britanniques échangèrent alors avec les Pays-Bas Malacca et toutes les possessions néerlandaises au nord du détroit contre les possessions anglaises au sud de ce même détroit.
La perte d’importance de la ville ne fera alors que se confirmer et plus au sud, Singapour vit sa naissance en quelque sorte confirmée et confortée, les Britanniques se contentant d’administrer Malacca sans grandes ambitions, eu égard justement à la position privilégiée de Singapour (et au fait que le port de Malacca était en eaux peu profondes).
Ce fut d’abord la British East India Company qui géra la ville avant que celle-ci n’intègre les possessions de la couronne (sous l’appellation des Straigths Settlements, englobant les régions de Penang, Malacca et Singapour).
Sous la férule nippone
Les ruines de l’église de la Mère-de-Dieu et la statue (plus récente) de Saint François Xavier qui vécut ici quelques années.
De 1942 à 1945, c’est sous la cruelle férule des Japonais que la ville fut administrée avant de devenir, en 1946, partie de la Malayan Union, puis à partir de février 1948, de la Federation of Malaya, avant d’intégrer, le 31 août 1957, l’Etat de Malaisie, devenu indépendant.
Le 15 avril 1989, compte tenu de l’intérêt de ses vestiges et de son histoire, Malacca fut déclarée cité historique par le gouvernement malais. Enfin, reconnaissance universelle, elle figure sur la liste des « World Heritage Sites » de l’Unesco depuis le 7 juillet 2008.
Malacca reçoit aujourd’hui plusieurs millions de touristes chaque année, l’ancien centre-ville concentrant l’essentiel des vestiges, la partie « rouge » étant la plus ancienne, celle qui remonte à l’occupation portugaise et hollandaise.
Le 15 avril 1989, compte tenu de l’intérêt de ses vestiges et de son histoire, Malacca fut déclarée cité historique par le gouvernement malais. Enfin, reconnaissance universelle, elle figure sur la liste des « World Heritage Sites » de l’Unesco depuis le 7 juillet 2008.
Malacca reçoit aujourd’hui plusieurs millions de touristes chaque année, l’ancien centre-ville concentrant l’essentiel des vestiges, la partie « rouge » étant la plus ancienne, celle qui remonte à l’occupation portugaise et hollandaise.
L’empreinte chinoise
Difficile de se plonger avec des faits précis dans le passé de Malacca : si sa fondation vers 1400 par un prince de Sumatra en fuite, Parameswara, semble acquise, il est clair que des pêcheurs et agriculteurs Bugis et Makassars vivaient déjà dans cette partie du détroit de Malacca. Parameswara développa le site au point d’en faire un point de passage obligé pour le commerce entre l’est et l’ouest du détroit. La Chine était alors la plus importante puissance utilisant Malacca pour son commerce.
L’empereur Zhu Di, plus connu sous son nom de Ming Yongle (règne : 17 juillet 1402-12 août 1424), avait organisé de 1405 à 1421 de nombreuses expéditions commerciales d’exploration en Asie et en Afrique. L’amiral Zhen He, eunuque d’origine musulmane, conduisit la grande flotte impériale notamment jusqu’à Malacca qui devint une plaque tournante du commerce entre l’Asie et l’Occident (en 28 ans, on dit que cet amiral visita une trentaine de pays).
A l’époque du sultan Mansur Shah (qui régna de 1456 à 1477), la dynastie Ming, désireuse d’asseoir ses intérêts sur Malacca, offrit la jeune et belle princesse Hang Li Po comme cinquième épouse au maître de la cité. Celui-ci lui accorda un statut spécial dans la mesure où elle adopta les us et coutumes locaux. La belle avait accepté ce nouveau statut, mais avait mis des conditions : l’empereur de Chine devait la laisser s’installer à Malacca avec une suite de cinq cents personnes, une immigration favorisée par Pékin qui y voyait un moyen de contrôle de la politique commerciale et surtout fiscale du sultan. Celui-ci fit don à ces nouveaux arrivants d’une colline de Malacca, aujourd’hui Bukit Cina. Quant au cimetière chinois de la cité portuaire, il compte plus de douze mille tombes, la plus ancienne datant de 1622.
L’empereur Zhu Di, plus connu sous son nom de Ming Yongle (règne : 17 juillet 1402-12 août 1424), avait organisé de 1405 à 1421 de nombreuses expéditions commerciales d’exploration en Asie et en Afrique. L’amiral Zhen He, eunuque d’origine musulmane, conduisit la grande flotte impériale notamment jusqu’à Malacca qui devint une plaque tournante du commerce entre l’Asie et l’Occident (en 28 ans, on dit que cet amiral visita une trentaine de pays).
A l’époque du sultan Mansur Shah (qui régna de 1456 à 1477), la dynastie Ming, désireuse d’asseoir ses intérêts sur Malacca, offrit la jeune et belle princesse Hang Li Po comme cinquième épouse au maître de la cité. Celui-ci lui accorda un statut spécial dans la mesure où elle adopta les us et coutumes locaux. La belle avait accepté ce nouveau statut, mais avait mis des conditions : l’empereur de Chine devait la laisser s’installer à Malacca avec une suite de cinq cents personnes, une immigration favorisée par Pékin qui y voyait un moyen de contrôle de la politique commerciale et surtout fiscale du sultan. Celui-ci fit don à ces nouveaux arrivants d’une colline de Malacca, aujourd’hui Bukit Cina. Quant au cimetière chinois de la cité portuaire, il compte plus de douze mille tombes, la plus ancienne datant de 1622.
Cheng Hoon Teng Temple, à une rue de la fameuse Jonker Street, devenue un attrape touristes fonctionnant de jour comme de nuit.