Pointe-à-Pitre, France | AFP | jeudi 25/05/2017 - En Guadeloupe, les commémorations de l'esclavage du mois de mai se doublent d'un autre "devoir de mémoire" : le massacre de manifestants par les forces de l'ordre en mai 1967 à Pointe-à-Pitre, des événements encore tabous sur lesquels nombreux tentent de faire la lumière.
Il y a tout juste cinquante ans, dans un contexte de décolonisation et de difficultés économiques dues à la crise de l'industrie sucrière, la Guadeloupe est aux prises avec des mouvements sociaux et indépendantistes.
Le 27 mai 1967, une grève des ouvriers du bâtiment dégénère en émeutes à Pointe-à-Pitre, réprimées dans le sang par les autorités. Si le nombre de morts officiel est de huit personnes, de nombreux chiffres circulent, notamment celui de 87, rapporté par un journaliste de la bouche de l'ancien secrétaire d'Etat aux Outre-mer Georges Lemoine. Pour autant, aucune preuve n'atteste ses dires.
Cinquante ans plus tard, la lumière n'est toujours pas faite sur le nombre de morts, ni même la chaîne des responsabilités ou l'identification des donneurs d'ordres.
En 2016, le rapport d'une commission indépendante présidée par l'historien Benjamin Stora, mise en place à la demande du gouvernement de Manuel Valls, a tenté d'éclaircir certains points.
"Les historiens de la commission ont eu accès aux archives, rappelle Jean-Pierre Sainton, historien enseignant-chercheur à l'université des Antilles à l'AFP. Dans leur rapport, ils indiquent qu'aucune archive n'a été constituée".
En effet, le rapport Stora affirme que les archives ont "dès le départ été constituées en omettant de rapporter ce qui s'était effectivement passé".
Malgré tout, le cinquantième anniversaire pourrait amener certaines archives à être déclassifiées, comme les minutes et les rapports d'instruction des procès des indépendantistes arrêtés suite aux émeutes.
"Certaines archives resteront pourtant sous scellés encore 50 ans", regrette l'historien, qui souligne que "de très nombreux Guadeloupéens ont vécu" ces événements, "sans jamais en parler".
Il y a tout juste cinquante ans, dans un contexte de décolonisation et de difficultés économiques dues à la crise de l'industrie sucrière, la Guadeloupe est aux prises avec des mouvements sociaux et indépendantistes.
Le 27 mai 1967, une grève des ouvriers du bâtiment dégénère en émeutes à Pointe-à-Pitre, réprimées dans le sang par les autorités. Si le nombre de morts officiel est de huit personnes, de nombreux chiffres circulent, notamment celui de 87, rapporté par un journaliste de la bouche de l'ancien secrétaire d'Etat aux Outre-mer Georges Lemoine. Pour autant, aucune preuve n'atteste ses dires.
Cinquante ans plus tard, la lumière n'est toujours pas faite sur le nombre de morts, ni même la chaîne des responsabilités ou l'identification des donneurs d'ordres.
En 2016, le rapport d'une commission indépendante présidée par l'historien Benjamin Stora, mise en place à la demande du gouvernement de Manuel Valls, a tenté d'éclaircir certains points.
"Les historiens de la commission ont eu accès aux archives, rappelle Jean-Pierre Sainton, historien enseignant-chercheur à l'université des Antilles à l'AFP. Dans leur rapport, ils indiquent qu'aucune archive n'a été constituée".
En effet, le rapport Stora affirme que les archives ont "dès le départ été constituées en omettant de rapporter ce qui s'était effectivement passé".
Malgré tout, le cinquantième anniversaire pourrait amener certaines archives à être déclassifiées, comme les minutes et les rapports d'instruction des procès des indépendantistes arrêtés suite aux émeutes.
"Certaines archives resteront pourtant sous scellés encore 50 ans", regrette l'historien, qui souligne que "de très nombreux Guadeloupéens ont vécu" ces événements, "sans jamais en parler".
- "Libérer la parole"-
Alors, les associations de citoyens, des collectifs et les syndicats renforcent leur pression pour enfin savoir la vérité et "libérer la parole".
En début d'année, le Carnaval a été placé sous le signe de cette commémoration. Une pétition exigeant l'ouverture des archives, la vérité, la reconnaissance des préjudices et les réparations pour les familles est aussi en circulation.
L'Etat a également été assigné en justice par le mouvement et l'audition devrait avoir lieu vendredi -mais pourrait être une nouvelle fois renvoyée.
"Depuis 2005, l'intersyndicale dépose des requêtes en justice", indique Elie Domota, secrétaire général de l'Union Générale des Travailleurs de Guadeloupe, syndicat impliqué dans le mouvement. "La République a tué, le traumatisme est violent", affirme-t-il.
Lui ne croit pas à des révélations des autorités et compte sur le réveil de la parole populaire. "Nombre de familles ont eu des membres disparus ou tués et secrètement enterrés lors de ces événements, mais cela reste tabou" explique-t-il. "La seule façon de reconstituer ce morceau d'histoire serait que les gens se mettent à raconter".
Pour ce faire, beaucoup de monde s'y met : artistes, musées, militants. "On tente d'éveiller la curiosité et la parole au travers de nos manifestations culturelles", confie Cynthia Phibel, responsable de la programmation du Mémorial ACTe.
Par ailleurs, des jeunes travaillent sur des films, des livres, et tentent de faire parler leurs familles sur cette douloureuse période, dont le rapport Stora souligne la "persistance émotionnelle".
La parole pourrait bien commencer à s'ouvrir. "A chaque rencontre autour de cette thématique, des gens viennent témoigner pour la première fois, et publiquement", indique Celio Siber, un des fondateurs du collectif "Doubout pou mé 67", qui organise tout le week-end en Guadeloupe (et à Paris) des conférences, défilés, et rassemblements.
Pour le jeune homme, l'émulation autour de ces événements, "c'est comme une thérapie de groupe que ferait la Guadeloupe".
asa/caz/ic/nm
En début d'année, le Carnaval a été placé sous le signe de cette commémoration. Une pétition exigeant l'ouverture des archives, la vérité, la reconnaissance des préjudices et les réparations pour les familles est aussi en circulation.
L'Etat a également été assigné en justice par le mouvement et l'audition devrait avoir lieu vendredi -mais pourrait être une nouvelle fois renvoyée.
"Depuis 2005, l'intersyndicale dépose des requêtes en justice", indique Elie Domota, secrétaire général de l'Union Générale des Travailleurs de Guadeloupe, syndicat impliqué dans le mouvement. "La République a tué, le traumatisme est violent", affirme-t-il.
Lui ne croit pas à des révélations des autorités et compte sur le réveil de la parole populaire. "Nombre de familles ont eu des membres disparus ou tués et secrètement enterrés lors de ces événements, mais cela reste tabou" explique-t-il. "La seule façon de reconstituer ce morceau d'histoire serait que les gens se mettent à raconter".
Pour ce faire, beaucoup de monde s'y met : artistes, musées, militants. "On tente d'éveiller la curiosité et la parole au travers de nos manifestations culturelles", confie Cynthia Phibel, responsable de la programmation du Mémorial ACTe.
Par ailleurs, des jeunes travaillent sur des films, des livres, et tentent de faire parler leurs familles sur cette douloureuse période, dont le rapport Stora souligne la "persistance émotionnelle".
La parole pourrait bien commencer à s'ouvrir. "A chaque rencontre autour de cette thématique, des gens viennent témoigner pour la première fois, et publiquement", indique Celio Siber, un des fondateurs du collectif "Doubout pou mé 67", qui organise tout le week-end en Guadeloupe (et à Paris) des conférences, défilés, et rassemblements.
Pour le jeune homme, l'émulation autour de ces événements, "c'est comme une thérapie de groupe que ferait la Guadeloupe".
asa/caz/ic/nm