Paris, France | AFP | mardi 14/12/2020 - Sasha et Lilie: deux petites filles, nées dans des corps de garçon, sont devenues en quelques semaines les visages d'une transidentité qui gagne en visibilité dans la société et se révèle très souvent dès l'enfance.
Dans le documentaire "Petite fille" de Sébastien Lifshitz, qui a fait un carton sur Arte, Sasha, née dans un corps de garçon, est filmée dans sa vie quotidienne, en famille, à 8 ans. A 4 ans déjà, explique sa mère, Sasha disait: "Quand je serai grande, je serai une fille".
Lors de sa première rencontre avec sa pédopsychiatre, elle raconte simplement être "une fille", née "garçon".
Lilie, petite fille de 8 ans aux boucles blondes, qui se prénommait Baptiste, a elle témoigné sur plusieurs plateaux de télévision à la rentrée: "J'ai dit un soir à maman: je suis une fille."
Sasha et Lilie sont loin d'être seules: Valérie (qui a requis l'anonymat) a créé le blog Ma fille veut être un garçon. Sa petite Marion "n'a jamais correspondu à l'image classique des filles", raconte-t-elle à l'AFP. A 6 ans, elle a interpellé ses parents: "Je voudrais qu'on m'appelle Max". Valérie se souvient de son "angoisse": "Qu'est-ce qu'on fait si on a un enfant trans? Est-ce que d'autres enfants disent ça?"
Marion a aujourd'hui 10 ans et il y a un an, elle a dit souhaiter prendre un traitement pour suspendre la puberté. "Avoir des seins, il n'en est pas question pour elle", raconte sa mère. Fille ou garçon: Marion est actuellement "moins binaire", "ce n'est plus aussi clair", explique Valérie, qui prendra rendez-vous avec des médecins spécialisés dès les premiers signes de la puberté.
"Mal-être"
"On parle de plus en plus des enfants trans", explique Clémence Zamora-Cruz, de l'association Au-delà du genre, qui accompagne une vingtaine de parents. "Mais souvent, les personnes trans âgées savaient depuis leur plus jeune âge. Elles n'en parlaient pas: elles avaient peur de révéler leur propre identité".
Béatrice Denaes le décrit dans son livre "Ce corps n'était pas le mien", publié en novembre. Cette ex-journaliste de Radio France s'est faite opérer en 2019: sa "seconde naissance". Elle a vécu pendant une soixantaine d'années sous son identité de naissance, Bruno, mais a su enfant qu'elle était "née dans le mauvais corps".
"Dans +Petite fille+, Sasha dit vouloir porter une robe. Je n'osais pas l'exprimer. Ce sentiment d'être une fille dans un corps masculin, je l'ai caché. J'ai tout intériorisé", explique à l'AFP Béatrice Denaes, qui se souvient de son "mal-être".
"Certains disent que c'est une lubie, une mode ou une maladie. Ce n'est pas le cas. Tout le travail qui a été fait il y a des décennies sur l'homosexualité, il faut le faire sur la transidentité", plaide Béatrice Denaes.
Il n'y a pas de chiffres sur le nombre de trans en France. Mais les salles de consultation spécialisée ne désemplissent pas.
Elliot Page
"Nous avons observé une augmentation notable du nombre de consultations +trans+ pour les enfants et adolescents depuis l'ouverture des consultations dédiées aux mineurs en France, en 2013", explique à l'AFP la pédopsychiatre Anne Bargiacchi, qui a notamment suivi Sasha et Marion, à l'hôpital Robert-Debré à Paris.
"Cela peut indiquer une augmentation du nombre d'enfants et d'adolescents dans la situation de Sasha (...) ou plus probablement une meilleure identification par les jeunes et leurs familles des réseaux de soins dédiés", précise le médecin.
"Cela peut aussi signifier que pour des jeunes qui ressentaient un mal-être +non étiqueté+, les ressources que l'on trouve dans les médias, et sur internet, sur les transidentités, les aident à mettre des mots sur ce qu'ils-elles ressentent", ajoute Anne Bargiacchi.
Pour le sociologue Arnaud Alessandrin, qui travaille depuis 2014 sur la transidentité, "le poids du tabou s'allège".
Les transgenres sont plus présents dans les médias, parfois via des célébrités. Début décembre, la star canadienne de "Juno", jusqu'alors connue comme Ellen Page, a annoncé s'appeler désormais Elliot Page.
"Les parents sont plus à même aujourd'hui d'accueillir les demandes de l'enfant, mais il ne faut pas passer sous silence le nombre de familles qui violentent encore les mineurs trans", met-il en garde.
Il a été contacté depuis septembre par 47 établissements scolaires, pour des questions sur des élèves trans. Ce chiffre augmente tous les ans, mais reste "marginal", souligne-t-il. "L'Education nationale est souvent pétrifiée face aux jeunes trans", estime Arnaud Alessandrin.
"+Comment faire respecter mon enfant à l'école?+, s'interrogent des parents avant la rentrée", abonde Clémence Zamora-Cruz. Il y a un risque important d'échec scolaire. "On sensibilise dans les écoles à la lutte contre le harcèlement. On leur rappelle la loi contre la transphobie".
En septembre, l'école de Lilie a accepté de l'appeler par son nouveau prénom. Après avoir bataillé, Sasha a elle aussi été acceptée comme fille.
Dans le documentaire "Petite fille" de Sébastien Lifshitz, qui a fait un carton sur Arte, Sasha, née dans un corps de garçon, est filmée dans sa vie quotidienne, en famille, à 8 ans. A 4 ans déjà, explique sa mère, Sasha disait: "Quand je serai grande, je serai une fille".
Lors de sa première rencontre avec sa pédopsychiatre, elle raconte simplement être "une fille", née "garçon".
Lilie, petite fille de 8 ans aux boucles blondes, qui se prénommait Baptiste, a elle témoigné sur plusieurs plateaux de télévision à la rentrée: "J'ai dit un soir à maman: je suis une fille."
Sasha et Lilie sont loin d'être seules: Valérie (qui a requis l'anonymat) a créé le blog Ma fille veut être un garçon. Sa petite Marion "n'a jamais correspondu à l'image classique des filles", raconte-t-elle à l'AFP. A 6 ans, elle a interpellé ses parents: "Je voudrais qu'on m'appelle Max". Valérie se souvient de son "angoisse": "Qu'est-ce qu'on fait si on a un enfant trans? Est-ce que d'autres enfants disent ça?"
Marion a aujourd'hui 10 ans et il y a un an, elle a dit souhaiter prendre un traitement pour suspendre la puberté. "Avoir des seins, il n'en est pas question pour elle", raconte sa mère. Fille ou garçon: Marion est actuellement "moins binaire", "ce n'est plus aussi clair", explique Valérie, qui prendra rendez-vous avec des médecins spécialisés dès les premiers signes de la puberté.
"Mal-être"
"On parle de plus en plus des enfants trans", explique Clémence Zamora-Cruz, de l'association Au-delà du genre, qui accompagne une vingtaine de parents. "Mais souvent, les personnes trans âgées savaient depuis leur plus jeune âge. Elles n'en parlaient pas: elles avaient peur de révéler leur propre identité".
Béatrice Denaes le décrit dans son livre "Ce corps n'était pas le mien", publié en novembre. Cette ex-journaliste de Radio France s'est faite opérer en 2019: sa "seconde naissance". Elle a vécu pendant une soixantaine d'années sous son identité de naissance, Bruno, mais a su enfant qu'elle était "née dans le mauvais corps".
"Dans +Petite fille+, Sasha dit vouloir porter une robe. Je n'osais pas l'exprimer. Ce sentiment d'être une fille dans un corps masculin, je l'ai caché. J'ai tout intériorisé", explique à l'AFP Béatrice Denaes, qui se souvient de son "mal-être".
"Certains disent que c'est une lubie, une mode ou une maladie. Ce n'est pas le cas. Tout le travail qui a été fait il y a des décennies sur l'homosexualité, il faut le faire sur la transidentité", plaide Béatrice Denaes.
Il n'y a pas de chiffres sur le nombre de trans en France. Mais les salles de consultation spécialisée ne désemplissent pas.
Elliot Page
"Nous avons observé une augmentation notable du nombre de consultations +trans+ pour les enfants et adolescents depuis l'ouverture des consultations dédiées aux mineurs en France, en 2013", explique à l'AFP la pédopsychiatre Anne Bargiacchi, qui a notamment suivi Sasha et Marion, à l'hôpital Robert-Debré à Paris.
"Cela peut indiquer une augmentation du nombre d'enfants et d'adolescents dans la situation de Sasha (...) ou plus probablement une meilleure identification par les jeunes et leurs familles des réseaux de soins dédiés", précise le médecin.
"Cela peut aussi signifier que pour des jeunes qui ressentaient un mal-être +non étiqueté+, les ressources que l'on trouve dans les médias, et sur internet, sur les transidentités, les aident à mettre des mots sur ce qu'ils-elles ressentent", ajoute Anne Bargiacchi.
Pour le sociologue Arnaud Alessandrin, qui travaille depuis 2014 sur la transidentité, "le poids du tabou s'allège".
Les transgenres sont plus présents dans les médias, parfois via des célébrités. Début décembre, la star canadienne de "Juno", jusqu'alors connue comme Ellen Page, a annoncé s'appeler désormais Elliot Page.
"Les parents sont plus à même aujourd'hui d'accueillir les demandes de l'enfant, mais il ne faut pas passer sous silence le nombre de familles qui violentent encore les mineurs trans", met-il en garde.
Il a été contacté depuis septembre par 47 établissements scolaires, pour des questions sur des élèves trans. Ce chiffre augmente tous les ans, mais reste "marginal", souligne-t-il. "L'Education nationale est souvent pétrifiée face aux jeunes trans", estime Arnaud Alessandrin.
"+Comment faire respecter mon enfant à l'école?+, s'interrogent des parents avant la rentrée", abonde Clémence Zamora-Cruz. Il y a un risque important d'échec scolaire. "On sensibilise dans les écoles à la lutte contre le harcèlement. On leur rappelle la loi contre la transphobie".
En septembre, l'école de Lilie a accepté de l'appeler par son nouveau prénom. Après avoir bataillé, Sasha a elle aussi été acceptée comme fille.