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Lunettes: Afflelou contre les remboursements qui "poussent à la consommation"


Lunettes: Afflelou contre les remboursements qui "poussent à la consommation"
PARIS, 03 oct 2012 (AFP) - Alain Afflelou plaide pour le déremboursement de l'optique par la Sécurité sociale, et dénonce les effets pervers d'un système de prise en charge qui incite les mutuelles à pousser à l'achat de lunettes à prix élevé.

"Mal voir, ce n'est pas une maladie", affirme le médiatique opticien, longtemps accusé de casser les prix et dont la politique tarifaire agressive a contribué à faire des lunettes un bien de consommation comme un autre.

"La France est, avec je crois la Grèce, le dernier pays d'Europe et du monde occidental à rembourser les lunettes", souligne-t-il dans un entretien réalisé la semaine dernière avec l'AFP en faisant valoir que "partout (ailleurs), ce sont des assurances privées !"

Ailleurs, "les gens s'achètent des lunettes comme on s'achète des chaussures. On ne dit pas à la collectivité +il faut me payer des lunettes+" et in fine, "ils consomment autant, différemment, et les gens font attention à ce qu'ils achètent", avance M. Afflelou.

"Le prix moyen d'une paire de lunettes en France est le plus élevé" d'Europe, selon lui.

En France, les lunettes sont très faiblement remboursées par la Sécurité sociale. Selon les comptes nationaux de la santé 2011, la sécurité sociale prend en charge moins d'un douzième des coûts d'une paire de lunettes en moyenne.

Pour M. Afflelou, l'autre aspect néfaste de ce système vient du fait que les gens sont contraints d'attendre un rendez-vous chez un ophtalmologiste, dont la France manque, pour s'acheter des lunettes, ce qui bride l'achat.

Selon un sondage réalisé en octobre 2011 pour le syndicat national des ophtalmologistes de France (Snof), 82% des Français estiment pourtant que le passage chez l'opticien doit être impérativement précédé d'une prescription d'un ophtalmologiste.

"Un bien de consommation"

"On estime qu'il y a deux millions de personnes qui sont dans l'attente de se faire faire des lunettes en France, c'est l'équivalent de trois mois de consommation", affirme l'opticien.

D'après l'institut d'études GfK, il s'est vendu en France 10,8 millions de montures optiques et 5,1 millions de montures solaires en 2011, soit 15,9 millions de montures au total. Le marché de l'optique a représenté l'année dernière un chiffre d'affaires de 5,7 milliards d'euros.

Cette même année, le chiffre d'affaires des 700 magasins en France de la franchise Afflelou a représenté 603 millions d'euros.

Et en cas de déremboursement total par la sécurité sociale, Alain Afflelou, aujourd'hui actionnaire minoritaire (22%) de son groupe, mais encore président du conseil de surveillance, ne craint-il pas une baisse de la consommation ?

"Il y aurait un électrochoc pendant quelques mois, puis les gens recommenceraient à consommer", anticipe-t-il.

"Les lunettes, c'est un bien de consommation ô combien indispensable, utile et nécessaire", considère-t-il, "quand on voit l'argent que l'on dépense dans les choses inutiles (...), je n'imagine que parce que les lunettes ne seraient plus remboursées du tout, les gens ne consommeraient plus, ou consommeraient moins".

Les prestations des mutuelles ou assurances complémentaires, qui complètent aujourd'hui le remboursement de la Sécurité sociale, ne trouvent pas non plus grâce aux yeux de l'opticien, qui estime qu'elles "poussent à la consommation" de lunettes chères.

"A partir du moment où on vous dit que vous avez droit à 300 euros pour acheter une paire de lunettes, vous achetez une paire de lunettes à 300 euros", constate-t-il, "comme tout le monde fait ça, les mutuelles, les assurances augmentent !"

Sur cette question, la Fédération nationale des opticiens de France (FNOF), dont fait partie Alain Afflelou, se plaint au contraire de la pression des complémentaires de santé pour faire baisser les prix des lunettes.

Etienne Caniard, président de la Mutualité française, réfute également l'argument de M. Afflelou.

"C'est exactement l'inverse ! ce sont les opticiens qui disent: +combien vous rembourse votre mutuelle ?+ et qui vont au maximum", affirme-t-il.

La "courte vue" des complémentaires de santé dans le viseur des opticiens

Lunettes: Afflelou contre les remboursements qui "poussent à la consommation"
Les opticiens français ont placé dans leur viseur les complémentaires de santé qu'ils accusent, à l'occasion du Salon mondial de l'optique s'ouvrant jeudi, de "courte vue" en favorisant leurs intérêts financiers aux dépens des clients et de la production nationale de lunettes.

"En cette période de crise, il faut refuser la tentation d'aller vers une santé visuelle à deux vitesses", a prévenu mercredi Alain Gerbel, président de la Fédération nationale des opticiens de France (FNOF), à la veille de l'ouverture du Salon mondial de l'optique (Silmo), qui se tient à Villepinte jusqu'à dimanche.

Avec un marché qui stagne autour de 5 milliards d'euros pour les lunettes remboursées, la FNOF, qui regroupe plus de la moitié des 11.000 points de vente en France, pointe d'un doigt accusateur la "politique à courte vue" des organismes complémentaires d'assurance maladie (OCAM).

"Elles nous prennent pour de simples distributeurs et refusent de comprendre que nous sommes des professionnels de la santé", s'est plaint Jérôme Schertz, directeur général du réseau Luz, présent dans l'est de la France.

"Elles prônent la maîtrise comptable. Pour elles, l'individu n'existe pas, alors que nous, nous le rencontrons au quotidien", a renchéri M. Gerbel, qui accuse les OCAM "d'ébranler les principes fondateurs du métier d'opticien".

Les membres de la FNOF reprochent aux complémentaires de santé d'entraver le marché en "intervenant dans le choix du praticien", contraignant parfois le client à effectuer des dizaines de kilomètres et d'imposer des "prix prédéterminés" qui empêchent l'accès à des équipement adaptés aux besoins de l'acheteur.

"On ne peut pas se mettre n'importe quoi sur le nez", a expliqué M. Gerbel, agacé par les complémentaires de santé qui investissent "énormément" dans des publicités utilisant les lunettes comme produit d'appel et qui ensuite font pression pour réduire les coûts afin de maintenir leurs objectifs financiers.

Sollicitée par l'AFP, la Mutualité Française ne réagissait pas dans l'immédiat.

"L'appétit des financiers"

Pour sa part, Phillipe Peyrard, directeur général délégué du groupe Atol, a alerté "l'opinion publique" pour qu'elle prenne conscience que "la santé visuelle ne devrait pas être un bien de consommation qui aiguise l'appétit des financiers".

Il a revendiqué la liberté du choix du praticien, de l'équipement et celle aussi pour les clients d'un "reste à charge", en d'autres termes la possibilité pour une personne de mettre un complément de sa poche pour acquérir des lunettes plus chères que le montant remboursé.

Pour lui, avec leurs pratiques, les OCAM ne "sacrifient" pas seulement la vue des Français en ne leur donnant pas l'accès à des lunettes adaptées. Leur pression sur les coûts des équipements, selon lui, favorise aussi l'importation de lunettes "low cost", produites en Chine qui concurrencent l'industrie française.

"Le coût de revient des lunettes fabriquées en Chine est évidemment moins élevé que celui de celles fabriquées en France. En les favorisant, les complémentaires de santé provoquent des pertes d'emplois en France", a-t-il assuré.

Un sondage Ifop, réalisé pour Atol et publié à l'occasion du Silmo, a révélé que 81% des Français "approuvent l'idée selon laquelle les mutuelles devraient rembourser d'avantage les produits fabriqués en France".

Selon ce sondage, 90% des Français préfèrent passer par un opticien, contre 10% qui considèrent "sans risque" l'achat sur internet. M. Gerbel, pour sa part, s'est déclaré convaincu que les ventes de lunettes par internet "ne constituent pas un enjeu". Selon lui, elles ne représentent que 0,1% du marché.

Rédigé par AFP le Mercredi 3 Octobre 2012 à 05:57 | Lu 1026 fois