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Loi fiscale : à peine adoptée, déjà attaquée


Tahiti, le 13 décembre 2023 - La loi fiscale version “propre”, la seconde présentée par le gouvernement, a été adoptée ce mercredi après-midi par les 38 voix de la majorité. Les élus de l'opposition Tapura et Ahip ont participé aux débats mais n'ont pas participé au vote, pointant du doigt l'irrégularité, pour ne pas dire l'illégalité de la procédure. Ils vont donc déposer un recours au Conseil d'État.
 
C'était prévisible. Après le feuilleton ubuesque de la commission des Finances qui a dû s'y reprendre à deux fois (le 21 novembre et le 1er décembre) pour adopter la loi fiscale du gouvernement, le Tapura et Ahip envisageaient déjà de déposer un recours contre ce texte, ou plutôt contre le procédé employé. Mais il fallait attendre que ladite loi soit votée en séance plénière avant de pouvoir saisir la justice. C'est aujourd'hui chose faite puisque les 38 élus de la majorité Tavini ont adopté ce mercredi après-midi cette fameuse loi fiscale tant controversée.
 
Controversée sur le fond...
 
Controversée sur le fond – pour ceux qui n'auraient pas suivi – par la majorité elle-même et le président de l'assemblée Tony Géros qui n'étaient pas d'accord avec deux mesures phares du gouvernement : la taxe sur l'immobilier et la fin des avantages fiscaux pour les véhicules hybrides et électriques. Résultat des courses, on efface tout et on recommence. En faisant fi du règlement intérieur. Nouvelle commission le 1er décembre comme si les onze heures de débat lors de celle du 21 novembre n'avaient jamais eu lieu et que les amendements adoptés s'étaient envolés. Or, ce texte a bien été examiné et voté... sauf les deux articles qui fâchent qui, eux, ont été rejetés, à l'unanimité.
 
Et sur la forme...
 
Controversée sur la forme aussi par les élus de l'opposition cette fois, qui ont d'emblée annoncé qu'ils participeraient aux débats mais pas au vote de ce texte. Car ils voient dans cette manière de faire une dérive dangereuse des prérogatives que s'octroie le président de Tarahoi qui marche sur la démocratie en s'asseyant sur le règlement intérieur de l'assemblée. Un règlement intérieur qui est censé être un garde-fou pour protéger la minorité mais que le président Géros modifie à l'envi et brandit selon ce qui l’arrange.

“Il y a une manière de s'asseoir sur le règlement intérieur qui, pour nous, n'est pas un bon signe en début de mandature”, s'inquiète Nuihau Laurey (Ahip) qui ajoute que “le président de l'assemblée a décidé de modifier le règlement intérieur et avant même que ce nouveau règlement intérieur ne soit adopté (ce texte est programmé à la séance de ce lundi 18 décembre, NDLR), il décide de le mettre en œuvre. Donc il y a une manière de faire qui pose problème.”
 
Au Conseil d'État de trancher
 
C'est donc désormais le Conseil d'État qui devra trancher, comme nous l'a confirmé Nuihau Laurey : “On va déposer un recours sur le fond et sur la forme. Sur la forme, on a eu une commission qui a duré 11 heures et qui a conduit au vote d'un texte, à l'adoption de certains amendements et à l'abrogation de certains articles. Ensuite, compte tenu des pe'ape'a qu'il y a au sein de la majorité, le président de l'assemblée a cru bon de reprendre le texte, de le ‘désamender’ et de présenter, comme il dit, un texte ‘propre’ en séance, ce qui n'est absolument pas prévu par le règlement intérieur.” Quant au fond, il l'a dit et répété, le représentant Ahip trouve cette loi “anti-économique, antisociale”.
 
“Ce n'est pas ça, la démocratie !”
 
Même son de cloche du côté du Tapura, Tepuaraurii Teriitahi estimant que cette manœuvre de Tony Géros visait surtout à “sauver les apparences et montrer une majorité unie et solidaire avec son gouvernement”.
 
Mais cela revient à dire que ces “11 heures de débat” lors de la première commission sont “réduites à néant et bafouées... comme si ça n'avait jamais existé”. Or, “on ne peut pas laisser faire les choses parce que ça reviendrait à dire que lorsqu'une commission ne convient pas au président de l'assemblée, il peut la refaire et balayer toutes les décisions prises... Ce n'est pas ça, la démocratie !”, a-t-elle insisté, confirmant que le Tapura se réservait également “le droit de mener une action en justice” devant le Conseil d'État. “Rien n'est finalisé mais on va faire concrétiser et faire ça ensemble avec A here ia Porinetia.”
 
Un recours qui n'est pas suspensif mais...
 
Déposer un recours contre une loi fiscale n'est pas suspensif, ce qui veut dire que cette loi fiscale, adoptée par les 38 élus de la majorité, pourra bien être promulguée et appliquée. En revanche, si elle venait à être retoquée par le Conseil d'État, il y aurait un effet rétroactif des dispositifs mis en place par ce texte. Le gouvernement devrait alors revenir devant l'assemblée avec un collectif budgétaire pour corriger sa copie et réaménager son budget en conséquence. Si les délais de recours ont parfois pu être très longs, ils se sont raccourcis et une décision pourrait tomber assez rapidement. “D'ici trois mois”, espère Nuihau Laurey qui va “essayer d'être extrêmement précis dans l'exposé de ce recours qui sera déposé”.
 
Depuis la reprise de séance à 14h30, les élus étudient le projet de budget primitif pour l'année 2024.
 

Rédigé par Stéphanie Delorme le Mercredi 13 Décembre 2023 à 18:03 | Lu 4190 fois