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Loi Morin recadrée : "Cette législation s’impose aujourd'hui au juge"


Jean-Yves Tallec, président du tribunal administratif de Polynésie française.
Jean-Yves Tallec, président du tribunal administratif de Polynésie française.
PAPEETE, 28 janvier 2019 - Les 10 demandes d’indemnisation de victimes présumées des essais nucléaires français examinées le 22 janvier dernier seront de nouveau évoquées en audience publique en mai, afin de prendre en considération les dispositions nouvelles inscrites dans la loi Morin, fin décembre, confirme Jean-Yves Tallec.

Dans le cadre de la loi dite Morin, du 5 janvier 2010, les victimes présumées des essais nucléaires français adressent leurs demandes d’indemnisation à une autorité administrative chargées de les instruire, le Comité d’indemnisation des victimes du nucléaire (Civen). En cas de rejet, ces demandeurs sont contraints de se tourner vers la justice administrative.

Sur les 8 premières années d’application de la loi, jusqu’au 31 décembre 2017, le tribunal administratif s’est prononcé, à Papeete, sur 23 requêtes qui concernaient 15 requérants différents, victimes présumées ou ayant droits. Sur ces 15 requérants, le tribunal avait pris des décisions accordant une indemnisation pour cinq d’entre eux, il avait pris trois décisions enjoignant l’administration de réexaminer la situation des intéressés, trois affaires se sont conclues par des non-lieux, puisqu’une satisfaction partielle ou totale était apportée aux demandes, trois dossiers ont été rejetés et une affaire s’est traduite par un désistement. De 2010 à fin 2017, "au plan strictement administratif, ces affaires ont été assez marginales en nombre", a constaté lundi Jean-Yves Tallec, le président du tribunal administratif de Polynésie française. Depuis le début de l’année 2018, le tribunal administratif a été saisi de 18 requêtes suite à de nouvelles décisions du Civen.
 
Quelle conséquence l’application de la nouvelle réglementation en vigueur dans le cadre de la loi Morin aura-t-elle sur les 10 dossiers examinés la semaine dernière par votre juridiction ?
Jean-Yves Tallec : Le tribunal avait inscrit au rôle de la dernière audience une dizaine d’affaires qui émanaient de requérants qui souhaitaient que les maladies dont ils souffrent soient reconnues comme imputables aux essais nucléaires. Ils contestaient des décisions prises par le Civen au cours de l’année 2018, qui rejetait leurs demandes. Ces affaires ont été examinées en audience publique la semaine dernière (mardi 22 janvier 2019, NDLR). Postérieurement à cette audience publique, le Civen a produit une une argumentation nouvelle, faisant état d’éléments de droit nouveaux qui n’avaient pas été discutés au cours de la procédure. A savoir : le Civen s’est prévalu de modifications législatives intervenues très récemment. (Voir ici  NDLR). Compte tenu de ce nouvel élément, bien sûr le tribunal ne pourra pas rendre sa décision dans les jours qui viennent, dès lors que ces nouveaux éléments doivent pouvoir être discutés au contradictoire. Les avocats des parties requérantes doivent pouvoir nous donner leurs réactions sur le sujet. Nous espérons, une fois que le débat aura pu avoir lieu, que ces affaires pourront être examinées sur le fond avant le mois de mai prochain. (…)
 
Le Civen a-t-il fait référence à ces textes après l’audience ?
(…) Ces affaires avaient été enrôlées avant le mois de décembre. Quand le Civen a produit dans ces écritures son mémoire en défense, ces nouveaux éléments n’existaient pas. L’article 4 de la loi Morin, tel qu’il résulte de cette modification issue du vote de la loi de finances n’était pas en application.
Cette législation s’impose aujourd’hui au juge. Il doit tenir compte de ce nouvel état du droit. Nous sommes en situation de plein contentieux, dans une procédure de demande d’indemnisation, et dans ce type de procédures il appartient au juge de prendre en compte l’état du droit existant à la date du jugement.

 
Les conclusions du rapporteur public sont-elles susceptibles de changer dans ce contexte ?
 En tout cas, elles peuvent évoluer à partir du moment où nous avons un élément nouveau qui n’avait pas été soulevé antérieurement.
 
Ne craignez-vous pas que cette nouvelle situation juridique provoque un flux accru de recours devant votre juridiction ?
Le nombre de dossier est déjà en augmentation sur la seule année 2018. Ensuite, tout dépendra de la manière avec laquelle le Civen applique la nouvelle réglementation.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 28 Janvier 2019 à 11:28 | Lu 1394 fois