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Les temps de parole pour les territoriales, le casse-tête des médias audiovisuels


© capture d'écran Polynésie La 1ère
© capture d'écran Polynésie La 1ère
Tahiti, le 23 mars 2023 – Dans le cadre de la campagne pour les élections territoriales, les médias audiovisuels sont tenus de respecter les temps de parole pour chaque liste. Des temps de parole qui sont soumis à leur propre appréciation et qui sont un véritable casse-tête pour les rédactions. Et qui laissent souvent les candidats insatisfaits.
 
“C'est compliqué !” Le respect du temps de parole pour les listes qui se présentent aux élections territoriales n'est pas chose aisée pour les médias audiovisuels qui sont soumis aux règles de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). Il convient tout d'abord de différencier la campagne audiovisuelle officielle de la campagne de droit commun. Le temps de parole pour la première est encadré par le code électoral sous le contrôle de l'Arcom qui mobilise des équipes de France Télévisions pour la réalisation des clips qui seront diffusés sur Polynésie La 1ère à partir du 3 avril. Un temps de parole défini est à répartir entre les candidats et sa répartition se base sur les déclarations de rattachement faites par les 57 élus sortants de l'assemblée de la Polynésie. Ils annoncent au haut-commissariat quelle liste ils soutiennent, sachant qu'ils ne sont pas tenus de le faire. L'Arcom répartit ensuite les temps de parole en distinguant les listes qui ont obtenu au moins un soutien et celles qui n'en ont pas. Ce temps de parole de 3 heures maximum en télévision et autant en radio destiné aux listes figurant au sein du premier groupe est partagé au prorata du nombre de déclarations de soutien. Celles qui n'en ont reçu aucune vont, quant à elles, se partager une durée de 30 minutes maximum en télévision, idem en radio. Ainsi, “la décision de l'Arcom pour les listes présentées par les partis et groupements politiques est de 1h23’20’’ pour le Tapura, 23’20’’ pour A Here ia Porinetia, 20’ pour le Tavini et 13’20’’ pour Ia Ora te Nuna'a", indique Pascal Devillers, président du comité territorial audiovisuel de Polynésie française, service déconcentré de l'Arcom au fenua. Les autres listes – Amuitahira'a, Hau Maohi et Heiura-Les Verts – disposent de 4 minutes chacune.

Principe d'équité

Pour la campagne dite de droit commun, c'est là que les choses se compliquent. Les médias audiovisuels doivent appliquer le principe d'équité. Celui-ci est défini par trois critères : la représentation à l'assemblée de la Polynésie française, les résultats aux élections les plus récentes, en l'occurrence les élections législatives, et, en l'absence de sondages au fenua, la dynamique de la campagne (meetings, manifestations publiques, communication, etc.). Ce sont donc les médias eux-mêmes qui apprécient la représentativité de chaque liste et définissent les temps de parole. Pour les rédactions des médias audiovisuels, l'exercice est périlleux et particulièrement stressant.  “C'est infernal”, dit-on au sein de la rédaction de TNTV. “L'Arcom reste très floue. Les textes ne sont pas clairs, chacun y met ce qu'il veut.” L'Arcom, qui admet volontiers le caractère “très subjectif” de ce principe d'équité. “C'est effectivement un vrai casse-tête pour les télévisions”, reconnaît Pascal Devillers. “Parce que l'équité est très difficile à apprécier. Chacun doit avoir une part qui correspond à son poids. Elles ont réussi à trouver une solution qui est conforme à ce principe, il est vrai un peu flou.” Polynésie La 1ère a choisi d'accorder l'égalité de temps de parole dans ses journaux et L'invité café, et l'équité lors des débats. “Pour les débats, on donne 35% de temps de parole au Tapura, 27% au Tavini, 13% au Amuitahira'a et à A Here ia Porinetia, 9% à Ia Ora te Nuna'a et 3% pour Hau Ma'ohi et Heiura-Les Verts”, explique Teiva Roe, rédacteur en chef adjoint à Polynésie La 1ère, en charge du décompte des temps de parole pour la télé et la radio. À TNTV, “on est autour de 37% pour le Tapura, autour de 26% pour le Tavini, autour de 14% pour le A Here ia Porinetia, autour de 10% pour Ia Ora te Nuna'a et les autres, les petits, sont autour de 6%”. “Autour de”, car les temps de parole, déjà subjectifs, peuvent de surcroît être amenés à évoluer au fur et à mesure de la campagne en raison du critère du "dynamisme" de la campagne.
 
Ce principe de l'équité, qui est donc difficile à apprécier pour les rédactions, ne fait pas non plus toujours des heureux. "Les partis ne comprennent pas comment sont calculés les temps, ils ne comprennent pas que ce soient les chaînes qui estiment le poids de chacun", dit-on à la rédaction de TNTV. Et c'est le cas notamment de Teva Rohfritsch, tête de liste de Ia Ora te Nuna'a, qui au sortir du débat télévisé de lundi soir sur Polynésie La 1ère, a fait part sur les réseaux sociaux de son insatisfaction. “Nous étions priés de parler 5 minutes maximum sur une heure, soit moins longtemps que ne dure le maquillage avant le plateau !”, s'est insurgé le leader de la liste jaune.“On a l'habitude, à chaque élection, c'est toujours le même débat !”, réagit Teiva Roe, de Polynésie La 1ère. “Pour toutes les élections, c'est la règle de l'équité qui est appliquée, sauf pour l'élection présidentielle où c'est l'égalité stricte. Il faut qu'on réexplique systématiquement cette règle-là, qui n'est pas toujours comprise, notamment par les petites formations politiques qui sont désavantagées par rapport aux grosses formations.

Chrono en main

Une fois les temps de parole définis, l'autre casse-tête des médias audiovisuel, c'est de les faire respecter. C'est donc chrono en main que les rédactions calculent chaque jour ces temps de parole des différentes listes sur leurs antennes. Un travail “assez chronophage” mais aussi stressant pour les journalistes sur le terrain. “Dans les reportages, tout est calculé. Les durées ne sont pas les mêmes parce que tout doit être équitable. C'est une tension particulière à la rédaction. C'est compliqué parce qu'il faut faire attention à tout, tout calculer. Il faut que ce soit hyper cadré”, souligne-t-on à TNTV. Du côté de Polynésie La 1ère, on relative un peu plus. “Le plus important pour nous, c'est qu'il y ait une distinction entre les formations qui ont un poids politique important, c'est-à-dire le Tapura et le Tavini, et puis les autres. On n'est pas à la seconde près comme pour l'élection présidentielle”, indique Teiva Roe. “À la fin de l'élection, il faut que l'équité soit respectée, ce n'est pas au jour le jour. Je fais des relevés quotidiens pour m'assurer qu'on est toujours dans les clous, mais après, ça s'apprécie de manière globale. Il y a toujours possibilité de rectifier”. À noter enfin que TNTV, Polynésie La 1ère télé et radio, mais aussi Radio 1, Radio Tefana, Tiare FM et Api FM sont tenus, depuis le 6 mars, d'envoyer un relevé hebdomadaire des temps de parole à l'Arcom. “On vérifie que tout cela est conforme et on les accompagne”, conclut le président du comité territorial audiovisuel de Polynésie française.

Rédigé par Anne-Laure Guffroy le Jeudi 23 Mars 2023 à 19:21 | Lu 1446 fois