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Les rêves posthumes de Raina Chaussoy


TAHITI, le 14 janvier 2023 - À l'occasion de la sortie de l'ouvrage Rêveries Océaniennes, qui est une compilation des œuvres de Raina Chaussoy accompagnées de textes poétiques de Bernard Rigo, la bibliothèque de l'Université de Polynésie française propose une exposition. Les œuvres de Raina Chaussoy, des dessins au fusain, pastel et charbon, sont en accès libre depuis mercredi soir.

Elle était psychologue clinicienne, chercheuse et artiste-peintre reconnue. Mais Raina Chaussoy a perdu la vie en 2018. Elle a tragiquement disparue lors d’un accident de moto dans sa trentième année. “Elle avait un talent dingue”, commente Bernard Rigo, professeur en anthropologie, en philosophie, en langues et cultures océaniennes. Il est un ancien collègue de Raina Chaussoy avec qui il partageait la passion de la moto, “malheureusement”, de la philosophie et de l’Océanie. “Elle était Polynésienne jusqu’au bout des ongles.”

Pour rendre hommage à cette femme, née à Raiatea, une exposition a lieu en ce moment à la bibliothèque universitaire. Celle-ci coïncide avec la sortie de l’ouvrage Rêveries Océaniennes co-édité par Au Vent des îles et les Presses Universitaires de Nouvelle-Calédonie. Ce livre étant une compilation des œuvres de Raina Chaussoy accompagnées des textes poétiques de Bernard Rigo.

Une vingtaine de dessins originaux réalisés à partir de fusain, pastels et charbons, sont fixés sur les murs du couloir de la bibliothèque. Ils sont donc en accès libre. En préambule, un cadre présente Raina Chaussoy. Les textes de Bernard Rigo défilent sur un écran, associés aux dessins qui correspondent.
Bernard Rigo dit du drame qui a emporté Raina Chaussoy qu’il est “scandaleux”. Ses idées, tant sur le plan de la recherche que sur le plan artistique, “ne pouvaient pas disparaître”. Le départ des deux événements rendant actuellement hommage à la psychologue et artiste vient de là. “On ne pouvait pas priver les gens de ce que Raina avait à donner. Il fallait que le public ait accès à son regard, à ses pensées, à ce trait remarquablement précis, presque chirurgical”.


Précision et délicatesse extrême

Ses dessins ne donnent pas à voir la réalité directement, ils résonnent, ils ont “une profondeur”, “une intériorité”, selon Bernard Rigo. “Ils montrent ce que l’on ne veut pas voir du réel.” Raina Chaussoy était une voix de l’Océanie, une personne qui compte “et cela me semblait important que les jeunes voient sa générosité, sa vision tournée vers les autres". Pour lui, les dessins de Raina Chaussoy "disent quelque chose de l’Océanie qui échappe au temps ; ils frappent par leur précision, leur délicatesse extrême : nous ne sommes jamais dans la carte postale, le folklore ou la simplification.” Il ajoute que Raina faisait le lien avec tous les héritages du Pacifique. “L’acuité de son regard, le rapport sensuel et affectif à ces îles nous livrent en même temps la chair de ces visages toujours particuliers et l’âme de ces cultures aux histoires millénaires.”

L’auteur insiste pour dire que ces textes sont comme des faire-valoir des dessins. “Ce sont les œuvres de Raina qui m’ont fait écrire les textes qui sortent du tableau.” Les pensées rédigées, poèmes et proses poétiques, ne sont pas des commentaires. Ils viennent répondre aux images. L’ensemble serait un dialogue entre “un homme et une femme”, “la vie et la mort”, entre “deux cultures”.

Une auteure novatrice

Raina Chaussoy est auteure d’un ouvrage intitulé Vivre le métissage, construction de soi et fracture identitaire paru aux édition Inpress. Cet ouvrage a été préfacé par Tamatoa Bambridge et Marie Rose Moro. Il réinterroge la difficulté des constructions identitaires quand la société pose certaines appartenances en termes conflictuels. Et ceci est valable pour tous les métissages. Selon Bernard Rigo, les réponses de Raina Chaussoy sont novatrices. Elles montrent que la construction de soi n’est pas une évidence pour les enfants métis, dans une société qui fait caisse de résonnance en demandant à ces enfants à quel camp ils appartiennent. L’ouvrage de Raina Chaussoy permet de mieux comprendre ce qui se passe dans des pays au passé colonial. “Pendant longtemps être métis a été mal vu, il est aujourd’hui à la mode, mais dans un cas comme dans l’autre, cela ne rend pas compte du concept colonial sous-jacent. Si le monde était bien fait, le terme même de métissage n’existerait pas.”

Pratique

Jusqu’au 17 février.
Entrée libre.
Horaires : du lundi au vendredi de 7h30 à 17 heures.

Rédigé par Delphine Barrais le Samedi 14 Janvier 2023 à 14:58 | Lu 2899 fois