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Les ravages du cyberharcèlement à la barre


Tahiti, le 28 août 2023 – Le tribunal correctionnel a condamné mardi deux femmes poursuivies pour avoir diffamé l'ex-compagne de l'homme d'affaires Thierry Barbion. Lors de cette audience, l'auditoire a pu constater l'extrême violence des attaques subies par la plaignante et l'effarante nocivité du cyberharcèlement. 

Le procès de deux femmes poursuivies pour avoir diffamé l'ancienne compagne du promoteur Thierry Barbion sur les réseaux sociaux s'est tenu mardi matin devant le tribunal correctionnel en l'absence de l'une des prévenues. Tel que l'a rappelé le président du tribunal, les deux mises en cause avaient, courant 2021, publié à plusieurs reprises des messages sur le réseau social Facebook dans lesquels elles tenaient des propos injurieux à l'encontre de la plaignante. Elles l'accusaient notamment d'avoir été “témoin ou complice” de l'accident ayant mené à l'anoxie cérébrale de l'ex-femme de Thierry Barbion et ancienne Miss Tahiti, Thérèse Moke. 

Seule à la barre puisque sa coprévenue – créatrice de la nébuleuse page Facebook “appel à témoin” dédiée à la défense de Thérèse Moke – avait décidé de ne pas se présenter devant la justice, la seconde prévenue a mollement reconnu les faits en expliquant qu'elle avait donné son avis bien qu'elle ne connaisse ni l'ancienne compagne de Thierry Barbion, ni Thérèse Moke. “Vous n'avez pas fait que donner votre avis, vous avez proféré des injures blessantes alors que vous ne connaissiez même pas la plaignante”, a tenté le président du tribunal avant que l'intéressée, déjà condamnée à 11 reprises, ne répète qu'elle “assumait” les faits et qu'elle “continuerait à soutenir” Thérèse Moke. Face à la vacuité de ces déclarations, l'avocat de la plaignante, MÉdouard Varrod a rappelé que suite aux publications des deux prévenues, sa cliente avait reçu des messages d'une extrême violence dans lesquels des inconnus menaçaient de la “violer”, la “tuer”. D'autres encore promettaient qu'elle se retrouverait “entre quatre planches six pieds sous terre”.

Génération réseaux sociaux

Appelée à témoigner, l'ex-concubine de Thierry Barbion a tout d'abord tenu à dénoncer l'absence d'une “once de vérité” dans les propos tenus par les prévenues en indiquant qu'elle n'était pas sur le territoire lorsque Thérèse Moke avait été victime d'une anoxie cérébrale. Se disant “affolée” par les déclarations de la prévenue à la barre, elle a fait état des menaces qu'elle et sa famille avaient reçues. “J'ai été soutenue et entourée, ce n'est pas un combat que je mène pour moi mais je me dis que cette affaire peut peut-être changer quelque chose car cette génération des réseaux sociaux fait peur. Les jeunes doivent comprendre que l'on ne peut pas harceler, insulter et menacer impunément.” Interrogée sur les conséquences induites par les messages publiés par les deux prévenues, la plaignante a fait état de crise d'angoisse et de panique. 

Lors de sa plaidoirie, l'avocat de l'ancienne compagne de Thierry Barbion, Me Edouard Varrod, a rappelé le “torrent de commentaires plus haineux les uns que les autres” qui comportaient notamment des “menaces de crime”. “Ces propos peuvent détruire une personne et déclencher une souffrance extrême. Ce ne sont pas que des mots, il y a de vraies personnes derrière cela et l'on n'imagine pas les conséquences que ces posts peuvent avoir sur la vie personnelle des gens”. Alors que le cyberharcèlement est une grande problématique contemporaine qui s'illustre notamment chez les adolescents, l'avocat a insisté sur le fait que ce phénomène revêtait un caractère très “dangereux”.

“Réalité du dossier”

Comme il en est souvent d'usage en matière de diffamation et bien qu'il ait été exhorté à donner son avis par l'avocat de la partie civile, le procureur de la République s'en est rapporté au tribunal en précisant toutefois qu'il lui semblait que les infractions étaient constituées. En défense pour la prévenue présente à l'audience, MeDes Arcis est ensuite longuement revenu sur l'histoire de Thérèse Moke en soutenant que l'on avait oublié la “réalité du dossier”. En venant enfin aux faits du jour, l'avocat a affirmé que ce n'étaient pas les messages publiés par sa cliente qui avaient été injurieux mais bien les commentaires qui en avaient découlé. Il a par ailleurs expliqué qu'en réalité, on en “était loin de l'effondrement décrit par la victime”.

Après en avoir délibéré, le tribunal a condamné la prévenue présente à l'audience à payer une amende de 100 000 francs et à 100 000 francs de dommages et intérêts. L'autre prévenue a écopé d'une amende de 400 000 francs et devra indemniser la victime à hauteur de 150 000 francs. 

 

Rédigé par Garance Colbert le Mardi 29 Août 2023 à 18:39 | Lu 3264 fois