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Les professionnels sèment les graines de la future politique agricole


© Anne-Laure Guffroy
© Anne-Laure Guffroy
Tahiti, le 7 février 2023 – Le premier Comité d’orientation stratégique et de développement agricole (Cosda), chargé de la mise en œuvre du schéma directeur de l'agriculture 2021-2030, s'est réuni ce mardi matin, à la direction de l'agriculture. Prix des intrants, coûts d'exploitation et de la main-d'œuvre, formation, biosécurité... Les professionnels du secteur ont exposé les principales difficultés qu'ils rencontrent afin de définir les priorités d'action pour les deux prochaines années.
 
Le premier Comité d’orientation stratégique et de développement agricole (Cosda) s'est réuni ce mardi matin, à la Direction de l'agriculture. Composé de dix représentants professionnels agricoles des différentes filières de production et de dix institutions du Pays, ce comité est chargé de la mise en œuvre du schéma directeur de l'agriculture jusqu'à 2030, adopté à l'unanimité des groupes par l'assemblée de la Polynésie en 2021. Au cours de la rencontre, mardi, les professionnels étaient invités à exposer la situation des différentes filières de production, les principales difficultés rencontrées et à faire des propositions pour dégager un plan d'actions sur la période 2023-2025. Une opération qui, à seulement deux mois de la fin de la mandature, peut sembler vaine. “On n'est pas à deux mois de la fin de la mandature, on est au démarrage de l'organisation de ce Cosda”, se défend le ministre de l'Agriculture, Tearii Te Moana Alpha. “Le schéma directeur de l'agriculture est un plan sur 10 ans. Je ne dis pas qu'il faut le suivre, mais ce n'est pas le plan de Tearii Alpha, c'est le plan d'un Cosda où l'on retrouve toutes les filières. C'est comme la charte de l'Éducation. Le ministre de l'Éducation a changé dix fois en dix ans. On a toujours la même charte de l'Éducation depuis vingt ans, même si elle a évolué, bien sûr, avec la modernisation de l'Éducation. Donc on a positionné ce Cosda comme le comité de pilotage de l'ambition agricole de notre pays. Il est complètement dépolitisé puisque le rôle de ministre, ce n'est pas d'aller dire comment il faut faire dans l'agriculture, puisque les agriculteurs le font mieux que moi : c'est d'aller chercher les moyens pour réussir l'ambition de ces agriculteurs dans notre pays. Je pense que ce sera le rôle de tous les ministres demain, quels qu'ils soient.”
 
Quinze jours après une première rencontre, la réunion a permis de “reconfirmer les attentes des filières” et d'évoquer les différentes problématiques rencontrées par les professionnels. Parmi les plus récurrentes : l'augmentation des coûts des intrants, comme les engrais, des équipements agricoles ou encore de l'alimentation pour la filière élevage. “Ça pèse énormément sur les charges des professionnels et, dans certaines filières, il y a même des risques de fermeture d'activité”, explique Heimana Ah Min, le secrétaire général de la chambre d'agriculture et de la pêche lagonaire. La filière élevage est particulièrement touchée en raison l'importation de l'alimentation animale. “Aujourd'hui, quand vous achetez un œuf, 70% du prix de l'œuf est l'alimentation”, précise Philippe Couraud, le directeur de l'agriculture. La filière élevage devrait donc constituer l'une des priorités avec la création d'un groupe de travail. “L'idée est de trouver des synergies pour peut-être arriver à faire baisser ces charges auprès des professionnels, soit par le biais de coopératives, soit de sociétés publiques qui peuvent être montées pour les aider à acheter groupé pour faire baisser les prix”, poursuit Heimana Ah Min.
 
Autre problématique abordée : les prix agricoles. Une discussion a lieu autour de la possibilité de mettre en place le double étiquetage, à savoir le prix producteur et le prix de détail que le consommateur va payer. “Aujourd'hui, c'est une demande du monde agricole”, indique Philippe Couraud. “Ainsi, le consommateur sait combien le producteur a vendu son produit et il identifie la marge.”  

Professionnalisation du secteur

La professionnalisation du secteur agricole est également l'un des sujets majeurs évoqués par le Cosda “pour faire en sorte que les agriculteurs arrivent à remplir leur vocation première qui est nourrir la population”, indique Heimana Ah Min. “Aujourd'hui, la qualité des produits locaux est bonne mais il faut encore travailler sur cette qualité et faire en sorte que les agriculteurs puissent maintenir leur activité sur le long terme.” La filière agriculture, qui comptait au dernier recensement 5 200 exploitations et 15 000 actifs, attire également de plus en plus de jeunes. “Aujourd'hui, on voit que de plus en plus de jeunes s'intéressent au monde agricole et se forment, voire même qui quittent d'autres secteurs d'activité pour venir faire des projets agricoles”, souligne Philippe Couraud. “L'agriculture est un secteur d'innovation. Et c'est aussi lié à la crise Covid, où on s'est aperçu de l'importance des ressources locales et l'importance de l'alimentation pour la santé, et le lien fort entre l'agriculture et l'alimentation.” Dans une optique d'allier santé et alimentation, le schéma directeur a fixé “l'objectif ambitieux” d'atteindre 25% de la production agricole en bio à l'horizon 2030. “Aujourd'hui, on est à 3-4% de production et 150 exploitations agricoles certifiées en bio.” Si le chiffre peut sembler peu élevé, il y a tout de même une bonne progression de l'agriculture biologique en Polynésie, "qui se fait avec un fort soutien du Pays”. Le lycée agricole de Opunohu est d'ailleurs certifié en agriculture biologique.
 
Enfin, sur la question de la biosécurité, le ministre de l'Agriculture a annoncé le retour, fin mars, de trois agents partis se former en Nouvelle-Zélande avec leurs chiens renifleurs. “Le travail de biosécurité est un travail essentiel pour soutenir l'agriculture”, indique Tearii Alpha. “Par exemple, si le rhinocéros de cocotier arrive en Polynésie, c'est toute la filière cocotier qui tombe par terre.” Ces agents et leurs chiens seront déployés à l'aéroport et dans le circuit postal pour mieux protéger le pays contre l'introduction non contrôlée de pestes.
 
Le schéma directeur comporte 300 actions dont plus de 68% ont déjà été lancés. Le diagnostic maintenant posé lors de cette réunion du Cosda, chargé de fixer les objectifs à moyen et long termes, les priorités seront actées lors du prochain comité de pilotage.

Rédigé par Anne-Laure Guffroy le Mardi 7 Février 2023 à 19:09 | Lu 1157 fois