Tahiti, le 24 février 2025 – Avec “À contre-courant”, le biologiste Matthieu Juncker achève une mission scientifique de 240 jours en complète autarcie sur un atoll des Tuamotu. Il en ramène des “milliers de données” sur l’état de santé de cet écosystème où il a pu constater “l’effondrement” de la population de Titi, un oiseau endémique de l’archipel en grand danger d’extinction.
Le projet “À contre-courant”, c’est d’abord un rêve d’enfant pour Matthieu Juncker : huit mois en complète autarcie sur un atoll des Tuamotu pour y documenter des observations sur l’écosystème avec un attention toute particulière portée au Titi, ou kivikivi, de son nom local, un oiseau endémique de l’archipel, classé sur la liste des espèces en danger d’extinction par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). C’est gonflé de cette ambition que le biologiste a quitté l’agitation de Papeete, le 17 avril dernier, pour une parenthèse de solitude qui, sur le papier, devait le mener jusqu’en décembre après huit mois de mission sur place.
> Lire aussi : Huit mois en solitaire et pour la science aux Tuamotu
Mais, pour ce Calédonien, c’était sans compter avec les vicissitudes de l’actualité politique. Fin février 2025, son projet vient finalement de s’achever après 240 jours de mission et une interruption forcée pour raisons personnelles. Il achevait en effet à peine son premier mois sur place que les émeutes éclataient à Nouméa, faisant naître beaucoup de craintes pour la sécurité de sa famille. La décision est donc prise de mettre le projet scientifique en suspens pour regagner le Caillou, où il débarque le 17 juin. Là, il s’organise pour garantir la sécurité de sa femme et sa fille. Et ce n’est finalement qu’en août qu’il se replonge dans son étude, de retour aux Tuamotu. “Et je redémarre. Coup de bol : j’avais une fortune en matériel et tout était là, en parfait état. J’ai pu reprendre mes activités en 24 heures, comme si la parenthèse calédonienne n’était qu’un événement ancien.”
“Effondrement” de la population de Titi
Sur place, le scientifique avait prévu de faire un recueil documentaire précis. Les “milliers de données” qu’il ramène aujourd’hui témoignent de l’état de santé du récif et du phénomène de blanchissement des coraux, de l’érosion des plages, de la faune marine et ornithologique de l’atoll avec un focus sur le Titi, dont il a pu mesurer “l’effondrement” de la population “divisée par trois en 20 ans”. Sur les 42 motu où il a mené ses observations, il n’a pu en dénombrer que 65 spécimens alors qu’on en comptait 183 en 2003.
Les résultats principaux de ces huit mois d’observation ont été rassemblés dans un rapport succinct transmis dès vendredi dernier à la Direction de l’environnement (Diren). Un rapport complet est en préparation pour être transmis en mai prochain à l’Office français de la biodiversité (OFB), qui a financé ce projet, à la Diren, qui a autorisé la mission aux Tuamotu, et à la collectivité humaine qui l’a accueilli aux Tuamotu. “Il apporte des informations nouvelles pour la science et l’état de santé de l’atoll. […] Un atoll est un écosystème en équilibre délicat. C’est un équilibre de longue date, bien sûr, mais la récurrence des pressions liées à l’homme et aux menaces météorologiques laisse craindre un drame écologique.”
Le projet “À contre-courant”, c’est d’abord un rêve d’enfant pour Matthieu Juncker : huit mois en complète autarcie sur un atoll des Tuamotu pour y documenter des observations sur l’écosystème avec un attention toute particulière portée au Titi, ou kivikivi, de son nom local, un oiseau endémique de l’archipel, classé sur la liste des espèces en danger d’extinction par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). C’est gonflé de cette ambition que le biologiste a quitté l’agitation de Papeete, le 17 avril dernier, pour une parenthèse de solitude qui, sur le papier, devait le mener jusqu’en décembre après huit mois de mission sur place.
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Mais, pour ce Calédonien, c’était sans compter avec les vicissitudes de l’actualité politique. Fin février 2025, son projet vient finalement de s’achever après 240 jours de mission et une interruption forcée pour raisons personnelles. Il achevait en effet à peine son premier mois sur place que les émeutes éclataient à Nouméa, faisant naître beaucoup de craintes pour la sécurité de sa famille. La décision est donc prise de mettre le projet scientifique en suspens pour regagner le Caillou, où il débarque le 17 juin. Là, il s’organise pour garantir la sécurité de sa femme et sa fille. Et ce n’est finalement qu’en août qu’il se replonge dans son étude, de retour aux Tuamotu. “Et je redémarre. Coup de bol : j’avais une fortune en matériel et tout était là, en parfait état. J’ai pu reprendre mes activités en 24 heures, comme si la parenthèse calédonienne n’était qu’un événement ancien.”
“Effondrement” de la population de Titi
Sur place, le scientifique avait prévu de faire un recueil documentaire précis. Les “milliers de données” qu’il ramène aujourd’hui témoignent de l’état de santé du récif et du phénomène de blanchissement des coraux, de l’érosion des plages, de la faune marine et ornithologique de l’atoll avec un focus sur le Titi, dont il a pu mesurer “l’effondrement” de la population “divisée par trois en 20 ans”. Sur les 42 motu où il a mené ses observations, il n’a pu en dénombrer que 65 spécimens alors qu’on en comptait 183 en 2003.
Les résultats principaux de ces huit mois d’observation ont été rassemblés dans un rapport succinct transmis dès vendredi dernier à la Direction de l’environnement (Diren). Un rapport complet est en préparation pour être transmis en mai prochain à l’Office français de la biodiversité (OFB), qui a financé ce projet, à la Diren, qui a autorisé la mission aux Tuamotu, et à la collectivité humaine qui l’a accueilli aux Tuamotu. “Il apporte des informations nouvelles pour la science et l’état de santé de l’atoll. […] Un atoll est un écosystème en équilibre délicat. C’est un équilibre de longue date, bien sûr, mais la récurrence des pressions liées à l’homme et aux menaces météorologiques laisse craindre un drame écologique.”
Une quête personnelle
Après 240 jours de “robinsonnade”, Matthieu Juncker quitte la Polynésie transformé. Il y a dix mois, le scientifique est arrivé avec 1,7 tonne d’équipements en tout genre et de matériaux de construction pour installer sa base de vie. Il laisse l’essentiel de ces effets sur place, notamment à la demande des autorités communales. “Dans mon petit ballotin, je rapporte une expérience assez fabuleuse : scientifique d’abord avec l’observation sur le temps long et sans contrainte de la faune sauvage et de l’évolution de l’environnement […]. J’ai pu accomplir pratiquement tous les travaux scientifiques auxquels je m’étais engagé. Mais ce séjour est surtout une expérience de solitude. Elle m’a saisi de manière violente et m’a permis de connaître mes limites. Il y a un caractère initiatique évident. Cette expérience m’a permis d’opérer un immense recentrage personnel : terminées les histoires, les querelles, etc. Toutes ces choses-là n’ont aucune importance.”
Si Matthieu Juncker revient extrêmement changé après huit mois d’isolement volontaire aux Tuamotu, son passage sur place aura motivé les propriétaires terriens de l’atoll à se réunir au sein de l'association Horohaga Vanaga, qui se fait fort aujourd’hui de préserver l’environnement culturel et naturel des 42 fragiles motu encore exempts de prédateurs introduits. Un documentaire de 90 minutes sur l’expérience de cet aventurier-chercheur est en préparation, dont les droits ont été achetés par France 5 et Ushuaïa TV. Un livre est également en projet, sur la base du “carnet de bord” qu’il a tenu sur place. Matthieu Juncker est actuellement en contact avec l’éditeur Actes Sud. Mais il a surtout le sentiment d’être un nouvel homme. Et il l’avoue volontiers : “Ce cheminement m’a dépouillé du matériel et des petits soucis. Et j’espère garder cette hauteur de vue.”
Après 240 jours de “robinsonnade”, Matthieu Juncker quitte la Polynésie transformé. Il y a dix mois, le scientifique est arrivé avec 1,7 tonne d’équipements en tout genre et de matériaux de construction pour installer sa base de vie. Il laisse l’essentiel de ces effets sur place, notamment à la demande des autorités communales. “Dans mon petit ballotin, je rapporte une expérience assez fabuleuse : scientifique d’abord avec l’observation sur le temps long et sans contrainte de la faune sauvage et de l’évolution de l’environnement […]. J’ai pu accomplir pratiquement tous les travaux scientifiques auxquels je m’étais engagé. Mais ce séjour est surtout une expérience de solitude. Elle m’a saisi de manière violente et m’a permis de connaître mes limites. Il y a un caractère initiatique évident. Cette expérience m’a permis d’opérer un immense recentrage personnel : terminées les histoires, les querelles, etc. Toutes ces choses-là n’ont aucune importance.”
Si Matthieu Juncker revient extrêmement changé après huit mois d’isolement volontaire aux Tuamotu, son passage sur place aura motivé les propriétaires terriens de l’atoll à se réunir au sein de l'association Horohaga Vanaga, qui se fait fort aujourd’hui de préserver l’environnement culturel et naturel des 42 fragiles motu encore exempts de prédateurs introduits. Un documentaire de 90 minutes sur l’expérience de cet aventurier-chercheur est en préparation, dont les droits ont été achetés par France 5 et Ushuaïa TV. Un livre est également en projet, sur la base du “carnet de bord” qu’il a tenu sur place. Matthieu Juncker est actuellement en contact avec l’éditeur Actes Sud. Mais il a surtout le sentiment d’être un nouvel homme. Et il l’avoue volontiers : “Ce cheminement m’a dépouillé du matériel et des petits soucis. Et j’espère garder cette hauteur de vue.”