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Les éoliennes de Makemo pourraient tourner de nouveau


Les éoliennes de Makemo pourraient tourner de nouveau
PAPEETE, mardi 11 décembre 2012. En 2006, la Sem Te Mau Ito Api est créée entre le Pays, actionnaire majoritaire et deux partenaires privés. L’objectif est de fournir de l’électricité sur l'atoll de Makemo dont la centrale électrique a été détruite par un incendie en 2004. «Le projet pilote consiste à installer une centrale hybride éolien/diesel» expliquait le rapport daté du 28 juin 2006, destiné aux élus de l’assemblée. «A terme, à l'horizon 2011, l'objectif est de fournir 70% d'énergie renouvelable dans les îles de cet archipel non alimentée par EDT» précisait le même rapport. Or, depuis deux ans, les six éoliennes de Makemo sont couchées au sol, en position de maintenance. L’électricité continue cependant d’être produite pour les habitants de l’île, via les groupes électrogènes gasoil de cette installation qui n’a plus d’hybride que le nom. Est-ce à dire que ce projet pilote était une mauvaise idée ? Du côté des partenaires privés de cette Sem, on y croit encore au point d’ailleurs d’annoncer qu’une remise en fonctionnement des six éoliennes pourrait se produire dans le courant de l’année 2013. Si les investissements nécessaires, estimés à 40 millions de Fcfp sont réalisés et décidés d’un commun accord entre les partenaires privés et public, à savoir le Pays.


Depuis sa création, la ferme éolienne de Makemo a joué de malchances, de quelques soucis techniques, et de revers politiques successifs. L’un de ces événements est en mai 2010, la chute de l’une des éoliennes. C’est sans doute le fait le plus marquant de ce projet pilote. Mais ce n’est pas le seul, et l’explication de l’échec éolien actuel à Makemo pourrait être aussi plus politique. En effet, si la Sem Te Mau Ito Api est créée en juin 2006, il est aujourd’hui difficile de trouver des informations sur cette société. Et pour cause : pendant plusieurs années le Conseil d’administration de cette société d’économie mixte ne s’est pas réuni pour la simple et bonne raison qu’il n’y avait plus d’administrateurs publics, nommés par le Pays. Il a fallu, aux partenaires privés, batailler ferme pour réussir enfin, en juin 2011, à avoir une nouvelle désignation des représentants de la Polynésie française pour siéger au sein du Conseil d’administration de la Sem ! Jusque-là, sans le nombre d’administrateurs suffisants, pas de réunion de CA et pas de gouvernance non plus, pas de publication des comptes pour cette Sem fantomatique ou moribonde. La société continuait néanmoins de fournir de l’électricité, par les générateurs au gasoil, mais le beau projet pilote avait du plomb dans l’aile, la maintenance des éoliennes étant impossible.

Le retour aux affaires de la Sem, via une procédure d’urgence, des administrateurs du Pays (tous sont des ministres), relance depuis un an l’avenir des éoliennes de Makemo. «Il y avait une carence de la représentation publique au sein de la Sem» reconnait Jean-Louis Chailly, le directeur général de la société. Depuis son arrivée, il s’est empressé de remettre de l’ordre aussi bien sur le plan administratif que juridique. Une fois ces obligations légales effectuées, il a pu s’attaquer au nerf de la guerre : l’argent. En effet, l’un des écueils du projet semble être le non respect des engagements du Pays dans la Sem. Ainsi, il est prévu qu’une subvention de fonctionnement soit attribuée à la société Te Mau Ito Api, ce qui n’a pas toujours été le cas. Sauf très récemment : par arrêté du Conseil des ministres du 22 août 2012, «est approuvée l'attribution d'une subvention de fonctionnement de 15 166 748 Fcfp en faveur de la SEM Te Mau Ito Api, conformément à la convention d'affermage pour le service public de la production, du transport et de la distribution d'énergie électrique, commune de Makemo». Cette subvention correspondrait à celle de l’année 2008. Elle a été payée, en novembre dernier. Dans le même temps, la nouvelle direction générale peut enfin produire les comptes de la Sem pour les années allant de 2008 à 2011.

Sur ces nouvelles bases, l’avenir du projet pilote paraît aujourd’hui plus dégagé. Il faudra néanmoins investir pour redresser les six éoliennes : 40 millions de Fcfp sont nécessaires. Une augmentation de capital de la somme nécessaire pourrait être la solution choisie. Il faudra un Conseil d’administration pour entériner cette résurrection. Maintenant que le gouvernement Temaru a voté l’objectif d’avoir 50% d’électricité produite à partie d’énergie renouvelable pour 2020, avoir les six éoliennes de Makemo en position couchée, n’est plus tolérable.

Les éoliennes de Makemo pourraient tourner de nouveau
Le projet pilote est toujours d’actualité


En dépit de ses déboires, la ferme électrique hybride de Makemo est donc «toujours d’actualité» selon un communiqué de presse rédigé par la direction de la société à l'attention d'EDT. La preuve, le 3 décembre dernier, à l’occasion d’une visite ministérielle en présence des représentants de l’Etat, «les exploitants de la ferme éolienne ont mis en production une machine pour démontrer que le parc n’était pas à l’abandon et pouvait être remis en service dès lors qu’on leur en donnait les moyens». Le versement d’une première subvention de fonctionnement par le Pays en août 2012 est un premier pas. Le plan de restructuration sera finalisé lorsque l’augmentation de capital sera actée, donnant de nouveaux moyens d’investissement. «Pendant les deux années et demi d’exploitation des éoliennes, ces dernières ont fourni en moyenne jusqu’à 40% de l’électricité produite pour l’atoll. Ce projet pilote a donc démontré qu’il pouvait fonctionner : on a validé le concept, le choix des équipements avec des éoliennes canadiennes, mieux adaptées aux faiblesses du vent ici. Cela restera néanmoins un projet hydride avec une autre source d’énergie. C’est le gasoil aujourd’hui, mais ce sera la biomasse dans l’avenir» précise encore le directeur général Jean-Louis Chailly interrogé par Tahiti Infos. A noter que le P-dg de la Sem Te Mau Ito Api est aujourd’hui Bruno Marty, issu de l’autre partenaire privé de la Sem, à savoir la SPRES (sté polynésienne des réseaux d’études et de service). Or, dans le projet initial, il est stipulé : «le président de cette société sera issu du public».

Les éoliennes de Makemo pourraient tourner de nouveau
Comprendre les chiffres

Pour répondre à des interrogations des internautes qui ont lu le communiqué de presse de la Sem Te Mau Ito Api publié hier, la direction générale de la société précise que: "20 millions en capital de participation du Pays + 60 millions en défisc Pays, + 105 millions LODEOM, + 135 millions financement actionnaires privés et bancaire font bien un total financement de 320 millions (...) En ce qui concerne les "recettes" de l'entreprise, elle proviennent comme c'est toujours le cas en matière de délégation de service public de deux postes complémentaires : les recettes perçues directement par le délégataire (en l'occurrence la SEM) auprès des usagers du service, sur la base des tarifs fixés par l'autorité concédante (le Pays) et d'une subvention d'équilibre versée par l'autorité concédante (en effet dès lors qu'elle impose un tarif qui ne permet pas forcément d'équilibrer les charges du service, il est logique que l'autorité concédante apporte au délégataire les moyens d'accomplir sa mission. Ce choix résulte d'une volonté politique d'assurer la péréquation des tarifs de l'électricité dans toute la Polynésie malgré des coûts de production différents suivant les sites. Sinon les usagers paieraient l’électricité jusqu’à deux fois plus chère ou plus dans les autres îles qu’à Tahiti.
Dans le cas de la SEM Te Mau Ito Api, le Pays est à la fois l'autorité concédante mais en même temps le délégataire puisqu'il contrôle la SEM avec 66% du capital (et la majorité des votes du conseil d'administration), il a donc tous les leviers pour exercer au mieux sa politique avec le contrôle direct sur les dépenses correspondantes
".


Rédigé par Mireille Loubet le Lundi 10 Décembre 2012 à 17:08 | Lu 2090 fois