Tahiti, le 27 avril 2021 - Le deuxième opus de notre série d’articles consacrés cette semaine à la 6e édition du Dossier d’archéologie polynésienne s’intéresse aux arbres des Marquises. On les retrouve sur tous les sites sacrés, mais étaient-ils déjà là lorsque ces lieux de culte étaient en activité ? Quel âge ont ces monuments naturels et faisaient-ils vraiment partie du contexte architectural traditionnel ? Trois chercheurs allemands se sont posé la question, proposant l’étude des arbres géants en tant que composants des sites sacrés.
Selon un mythe marquisien, le dieu Tiki aurait planté le premier banian sacré. Sur la Terre des hommes, à 1 500 km au nord-est de Tahiti, “certaines espèces d’arbres faisaient partie de l'architecture rituelle des marae et des me’ae“, jouant ainsi “un rôle important dans les rituels pratiqués sur ces sites religieux“ selon Annette Kühlem, Karl-Uwe Heussner et Christian Hartl-Reiter.
Dans La sacralité, l’âge, et le contexte architectural des arbres aux Marquises, publié dans la 6e édition du Dossier d’archéologie polynésienne, les chercheurs allemands partent du constat que ces colosses aux racines aériennes “apparemment anciens“ poussent sur la plupart des vestiges archéologiques dans les vallées profondes, témoignant d’une certaine densité de l’occupation humaine à l’intérieur des îles par le passé. “Nous avons vite réalisé le lien étroit existant entre les banians et les sites archéologiques. Dans la plupart des cas, un vieux banian de grande taille est toujours associé à des vestiges en pierre“, commente le texte.
Une observation confortée par de nombreuses sources mentionnant la présence de ces géants sur des sites sacrés, à l’instar des tamanu géants répertoriés sur neuf sites. Au même titre que le ma’i’i (Terminalia glabrata, badamier marquisien) ou le tou (Cordia subcordata, noyer d'Océanie), ils étaient parfois utilisés comme arbres funéraires dans un archipel régit par de nombreux tapu :“Des crânes de chefs ou de prêtres de haut rang pouvaient dès lors être déposés dans les entrelacs des racines aériennes“. Les banians auraient notamment servi de marqueurs de tapu et de frontières politiques. Leur taille imposante et leur feuillage vert pomme leur donnant une certaine visibilité de loin.
Selon un mythe marquisien, le dieu Tiki aurait planté le premier banian sacré. Sur la Terre des hommes, à 1 500 km au nord-est de Tahiti, “certaines espèces d’arbres faisaient partie de l'architecture rituelle des marae et des me’ae“, jouant ainsi “un rôle important dans les rituels pratiqués sur ces sites religieux“ selon Annette Kühlem, Karl-Uwe Heussner et Christian Hartl-Reiter.
Dans La sacralité, l’âge, et le contexte architectural des arbres aux Marquises, publié dans la 6e édition du Dossier d’archéologie polynésienne, les chercheurs allemands partent du constat que ces colosses aux racines aériennes “apparemment anciens“ poussent sur la plupart des vestiges archéologiques dans les vallées profondes, témoignant d’une certaine densité de l’occupation humaine à l’intérieur des îles par le passé. “Nous avons vite réalisé le lien étroit existant entre les banians et les sites archéologiques. Dans la plupart des cas, un vieux banian de grande taille est toujours associé à des vestiges en pierre“, commente le texte.
Une observation confortée par de nombreuses sources mentionnant la présence de ces géants sur des sites sacrés, à l’instar des tamanu géants répertoriés sur neuf sites. Au même titre que le ma’i’i (Terminalia glabrata, badamier marquisien) ou le tou (Cordia subcordata, noyer d'Océanie), ils étaient parfois utilisés comme arbres funéraires dans un archipel régit par de nombreux tapu :“Des crânes de chefs ou de prêtres de haut rang pouvaient dès lors être déposés dans les entrelacs des racines aériennes“. Les banians auraient notamment servi de marqueurs de tapu et de frontières politiques. Leur taille imposante et leur feuillage vert pomme leur donnant une certaine visibilité de loin.
Datation au carbone 14
Pour déterminer l’âge, les chercheurs ont prélevé des échantillons à l'aide d’une foreuse permettant de retirer des carottes de 5 mm de diamètre. Il s'agit ensuite de compter les "cernes" d’arbres en laboratoire.
Mais ces arbres faisaient-ils vraiment partie du contexte architectural traditionnel ? C’est la question posée par le trio allemand : “L'objectif était de mieux comprendre le rôle des arbres en tant qu'élément religieux, socio-politique et architectural contribuant ainsi à la monumentalité des sites”.
Car si à Tahiti, les plantes incarnaient des dons des dieux, aux Marquises, les traditions orales sur les arbres et leur importance sont moins bien connues. “Un arbre considéré comme sacré sur les îles de la Société n’avait pas nécessairement la même signification aux Marquises” soulignent les chercheurs. Pour autant, “le fait que certaines espèces d’arbres se trouvent presque exclusivement en association avec des sites rituels témoigne que certains spécimens ont bien été plantés intentionnellement par l’homme”.
Afin d’en avoir le cœur net, des échantillons ont été prélevés au centre des troncs d’arbres pour une datation par le carbone 14. Résultat : “certains arbres identifiés étaient âgés de plusieurs siècles”. Les chercheurs en déduisent donc que ces arbres-là étaient déjà dans les ensembles architecturaux lorsque ceux-ci étaient en activité.
Car si à Tahiti, les plantes incarnaient des dons des dieux, aux Marquises, les traditions orales sur les arbres et leur importance sont moins bien connues. “Un arbre considéré comme sacré sur les îles de la Société n’avait pas nécessairement la même signification aux Marquises” soulignent les chercheurs. Pour autant, “le fait que certaines espèces d’arbres se trouvent presque exclusivement en association avec des sites rituels témoigne que certains spécimens ont bien été plantés intentionnellement par l’homme”.
Afin d’en avoir le cœur net, des échantillons ont été prélevés au centre des troncs d’arbres pour une datation par le carbone 14. Résultat : “certains arbres identifiés étaient âgés de plusieurs siècles”. Les chercheurs en déduisent donc que ces arbres-là étaient déjà dans les ensembles architecturaux lorsque ceux-ci étaient en activité.
Vieux de 300 ans
Une hypothèse accréditée par la “dendrochronologie”. Cette autre méthode de datation qui consiste à étudier la morphologie des anneaux de croissance –formant le tronc– a longtemps été écartée. Les chercheurs partant du constat qu’en Polynésie “les arbres ne forment pas d'anneaux annuels mesurables du fait de saisons moins prononcées”. Dans le cadre de ce projet cependant, les chercheurs ont pu démontrer qu'un “large éventail” d'entre eux forment ces fameuses “cernes”.
Au rang des rares arbres tropicaux à perdre des feuilles chaque année, le banian dont les anneaux sont “très distinctifs”, en fait partie. “Dans un disque d'un diamètre de seulement 30 cm, plus de 90 anneaux annuels ont pu être comptés” découvrent les chercheurs. Voilà qui en dit long sur la vieillesse de ces titans, dont l’âge peut finalement atteindre 300 ans.
“Témoins des changements profonds induits par l’homme sur la végétation locale des îles, (…) la plantation des arbres pour des raisons religieuses ou rituelles a aussi contribué à cette transformation du paysage (…) encore visible dans la végétation des îles, souligne le trio allemand dans ses conclusions. Les arbres n’étaient donc pas seulement l’émanation des dieux ou des réceptacles funéraires, ils étaient aussi des marqueurs de tapu et contribuaient à l’aspect monumental des sites”, avec une “fonction politique et socioculturelle” plus large. Mais leur présence sur les sites lorsque ceux-ci étaient encore en activité montre surtout selon les chercheurs “qu’ils avaient leur place dans l’ensemble architectural et faisaient partie du plan du site”.
Au rang des rares arbres tropicaux à perdre des feuilles chaque année, le banian dont les anneaux sont “très distinctifs”, en fait partie. “Dans un disque d'un diamètre de seulement 30 cm, plus de 90 anneaux annuels ont pu être comptés” découvrent les chercheurs. Voilà qui en dit long sur la vieillesse de ces titans, dont l’âge peut finalement atteindre 300 ans.
“Témoins des changements profonds induits par l’homme sur la végétation locale des îles, (…) la plantation des arbres pour des raisons religieuses ou rituelles a aussi contribué à cette transformation du paysage (…) encore visible dans la végétation des îles, souligne le trio allemand dans ses conclusions. Les arbres n’étaient donc pas seulement l’émanation des dieux ou des réceptacles funéraires, ils étaient aussi des marqueurs de tapu et contribuaient à l’aspect monumental des sites”, avec une “fonction politique et socioculturelle” plus large. Mais leur présence sur les sites lorsque ceux-ci étaient encore en activité montre surtout selon les chercheurs “qu’ils avaient leur place dans l’ensemble architectural et faisaient partie du plan du site”.
A chaque arbre son dieu
L’arbre appelé miro (Thespesia populnea) était vénéré comme l’émanation du dieu Roro'o, inspirant les chants des prêtres lors des cérémonies au marae, et comme l’arbre le plus sacré. L’arbre géant de tāmanu (Calophyllum inophyllum) était dédié à Tane, le dieu de la forêt, alors que le aito dit “bois de fer” (Casuarina equisetifolia) était lié au dieu de la guerre 'Oro. Quant au pua (Fagraea berteroana), celui-ci était associé à Tane et Hiro, les dieux des voleurs selon Teuira Henry. L’historienne rapporte également que le massif banian du Pacifique (Ficus prolixa) était considéré comme un cadeau de Hina. Ainsi en laissant tomber une branche sur terre, la déesse de la lune fit pousser le premier arbre.
Avec DAP
Avec DAP
Fossiles vivants, témoins du passé
Véritables “marqueurs de l’occupation ancienne”, les arbres passionnent désormais les ethnologues qui s’intéressent aux relations entre l’homme et son environnement, ou les archéologues afin de mieux comprendre “la structuration ancienne de l'espace” et les accords qu’il peut y avoir entre le patrimoine végétal et les vestiges cérémoniels des îles Marquises, écrit le consultant en foresterie et botanique polynésienne, Jean-François Butaud. En voici quelques-uns.
L’emblématique badamier marquisien
Espèce endémique peu commune de l’archipel, le badamier marquisien (Terminalia glabrata) n’est pas signalé dans la littérature comme un élément marquant du paysage archéologique marquisien. “Alors qu'il est particulièrement rare en population naturelle” il incarne “un marqueur strict des tohua”. Sur cette place communautaire, il était systématiquement planté dans la cour centrale non pavée. Prédation des graines par les rats, concurrence des plantes envahissantes et hybridation avec le badamier introduit : de nombreuses menaces pèsent sur cette espèce.
Le banian
Le seul banian indigène en Polynésie et aux Marquises est le Ficus prolixa. Parfois qualifié d’étrangleur lorsque ses racines aériennes se développent sur d’autres arbres, il est bien connu des archéologues qui l’observent très souvent sur les vestiges marquisiens.
Il apparait ainsi sur la plus grande partie des me'ae et est également présent sur de nombreux tohua ; on a ainsi retrouvé des ossements enfouis et scellés au sein de ses racines. Mais comme le signalent Handy (1923) et plus récemment Larrue (2008), il est parfois difficile de déterminer si certains banians étaient antérieurs à la construction, s’ils ont été plantés au moment de sa construction, ou s’ils se sont développés après l’abandon de ces structures traditionnelles, dans le courant du 19e siècle.
Le tou et le mi’o, arbres d’altitude
Le noyer du Pacifique (ou le tou) et le bois de rose d’Océanie (soit le mi'o en tahitien) sont deux arbres indigènes se développant sur le littoral et au cœur des forêts sèches jusqu’à 400 mètres d’altitude. Lorsqu’on les croise dans des forêts plus humides, c’est parce qu’on les a plantés là, généralement pour marquer la présence de tohua et de me'ae. “Leur localisation sur ces sites religieux et cérémoniels tient probablement en leurs nombreux usages, à la fois pour leurs bois très durables et pour leurs propriétés médicinales”, note Jean-François Butaud.
Les palmiers
Souvent confondus avec les plus de 190 espèces de palmiers introduits durant les deux derniers siècles en Polynésie, ceux des Marquises n’ont attiré l’attention des chercheurs que récemment. Trois espèces en particulier étaient présentes sur l’archipel dont la plus connue reste le cocotier, une “plante multi-usage”.
Autre palmier qui mérite d’être cité : le vahane ou vahake (Pritchardia tahuatana). Il s'agirait d'une espèce endémique extirpée du milieu naturel avant d’être domestiquée et maintenue en culture par les Marquisiens. Ses palmes étaient réservées à la toiture des maisons de chefs ou de “prêtres”. Aujourd’hui éteint à l’état sauvage, il n’en reste qu’une petite dizaine de pieds anciens.
Une lente disparition
“Aujourd'hui, force est de constater la disparition progressive et inexorable de ces fossiles vivants, déplore le botaniste. Des actions seraient nécessaires afin de les faire connaître à leur juste valeur et de préserver autant que possible ces témoins vivants du passé“. Jean-François Butaud suggère par exemple de replanter ces arbres à proximité des structures restaurées, afin d’assurer “le lien si étroit entre la culture et la nature”.