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Les 5 milliards pour la CPS passés en force au Sénat


Tahiti, le 1er décembre 2022 – Alors qu'Édouard Fritch est censé négocier la solidarité nationale avec Paris, la sénatrice Lana Tetuanui a fait voter jeudi un amendement au Sénat accordant 5 milliards de Fcfp aux comptes sociaux de la Polynésie française pour 2023 contre l'avis du Gouvernement central à Paris. Teva Rohfritsch tire la sonnette d'alarme contre le “risque” de braquer l'État.
 
C'est un très curieux jeu politique qui s'est déroulé jeudi au Sénat. La semaine dernière, le président du Pays, Édouard Fritch, était revenu de sa mission parisienne sans les 15 milliards de Fcfp de “solidarité nationale” pour le financement de la protection sociale généralisée, mais avec la promesse que le sujet devait être discuté entre Papeete et Paris pour aboutir à une convention établissant des engagements de réforme du Pays d'un côté et des engagements de financement de l'État de l'autre. Sauf que le sujet est revenu –en force– sur le devant de la scène politique nationale lors du vote du budget au Palais du Luxembourg.
 
Lana part “Billon”-tête
 
Au cours de la séance de jeudi, la sénatrice Annick Billon a défendu un amendement au nom de sa collègue polynésienne Lana Tetuanui –absente– pour retirer 5 milliards de Fcfp du programme emploi outre-mer et l'ajouter au programme sanitaire et social à destination de la Polynésie française. Ceci au titre de la fameuse “solidarité nationale” demandée à l'État. L'amendement a été justifié par les difficultés de la CPS “depuis l'arrêt des essais nucléaires” ou encore “l'instabilité politique”, et en raison des “charges liées aux maladies radio-induites” qui ne “font pas l'objet de compensation de l'État”. Paris appréciera, après s'être justement engagé régulièrement ces derniers mois sur son accord pour le remboursement de ces fameuses charges de la CPS liées aux maladies radio-induites.
 
Présent dans l'hémicycle, le sénateur Teva Rohfritsch est intervenu immédiatement après la présentation de cet amendement au nom de la commission des Finances. Le sénateur a recontextualisé cette demande de solidarité nationale de 5 milliards de Fcfp pendant 3 ans, en indiquant qu'elle faisait toujours l'objet de “discussions” entre le gouvernement polynésien d'Édouard Fritch et celui d'Élisabeth Borne à Paris. Mais surtout, le sénateur a précisé que ces discussions n'étaient “pas encore achevées” et estimé que cet amendement “d'appel” –destiné uniquement à attirer l'attention de l'exécutif sur une problématique– n'avait pas vocation à être voté. Il en a donc demandé le retrait.
 
Le ministre délégué aux Outre-mer, Jean-François Carenco, est alors intervenu à son tour pour confirmer les propos du sénateur Teva Rohfritsch. Il a indiqué que le gouvernement central était “bien saisi” de la demande d'Édouard Fritch. Et il a confirmé que des discussions étaient “bien en cours”, au moins pour libérer une première quote-part de 5 milliards de Fcfp dès 2023. Le ministre a conclu, lui-aussi, en demandant le retrait de cet amendement. Mais c'était sans compter sur la sénatrice Annick Billon, qui a maintenu l'amendement de Lana Tetuanui… voté par le Sénat.
 
Rohfritsch “perplexe”
 
Si la sénatrice Lana Tetuanui s'est félicitée jeudi du vote de cet amendement sur les réseaux sociaux, le sénateur Teva Rohfritsch s'est quant à lui interrogé sur la portée de ce coup politique. “Décidément je suis perplexe sur les façons de négocier et de se comporter de la majorité et du gouvernement actuel du fenua et surtout du double langage tenu à Paris”, a tancé l'ex-numéro deux du Tapura. “Cet amendement d’appel –censé juste attirer l’attention– a été voté avec l’appui de l’opposition au Président Macron –celui que notre Président du fenua est pourtant allé voir pour demander de l’aide– et vient donc essayer de contraindre le Gouvernement.”
 
Rien n'assure maintenant que l'Assemblée nationale, qui vote en dernier ressort et qui n'a pas la même majorité, retienne ces 5 milliards. Pour Teva Rohfritsch, toujours membre du bureau exécutif du parti Renaissance d'Emmanuel Macron, le “risque” d'une telle manœuvre politique pourrait même aller jusqu'à valoir au Pays de “perdre l’aide de l’État pour notre PSG” et plus généralement “toute crédibilité sur les autres sujets pourtant attendus des Polynésiens”.
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Jeudi 1 Décembre 2022 à 20:50 | Lu 3979 fois