Le Fenua en tête d'affiche d'un nouveau rapport sur sa situation institutionnelle, sa sécurité et sa justice. Crédit photo : AFP.
Tahiti, le 9 octobre 2024 - Le modèle autonomiste polynésien, souvent cité en exemple, révèle des failles que le Sénat souligne dans un rapport dévoilé ce jeudi, sur “la situation institutionnelle, administrative et de justice en Polynésie française”. Entre une répartition des compétences floue, un trafic de drogues en plein essor et des ingérences étrangères de plus en plus pressantes, les sénateurs, dressent une liste de recommandations pour renforcer l'autonomie ainsi que l'action de l'État.
“L'exemple le plus abouti de l'autonomie institutionnelle” qu’on peut offrir à une collectivité d'outre-mer, est d'après nos sénateurs, celui de la Polynésie française, à en croire un nouveau rapport sur la situation institutionnelle du Fenua, sa sécurité et sa justice. Cependant, “à certains égards, la Polynésie apparaît comme un modèle inachevé”, note cette analyse qui liste 22 recommandations pour ajuster le tir, consolider ce statut, améliorer la proximité de l’action publique mais aussi lutter contre le trafic de drogue ou les ingérences étrangères.
Redéfinir les compétences
Depuis 2004, la Polynésie peut se targuer d'une autonomie “avancée”, lui permettant de gérer ses affaires tout en restant bien à l’abri du bras protecteur de la République. Un système certes largement développé, mais qui reste bancal. En cause, une répartition des compétences entre l'État et le Pays qu'il serait grand temps de clarifier. Pour le Sénat, il est urgent de penser en termes de “blocs de compétences”, simplifiant l’action publique tout en renforçant l’efficacité de l’administration locale. Car ce manque de clarté provoque régulièrement des conflits de compétences, retardant des décisions sur des sujets parfois critiques.
Le “fléau” de l’ice
Un autre dossier brûlant pour les sénateurs, est celui de l’augmentation dramatique du trafic de drogues. Dans le viseur : l’ice, cette petite métamphétamine aux grands ravages. Selon le rapport sénatorial, 30% des détenus à Tatutu et Nuutania croupissent derrière les barreaux pour trafic d’ice. Au total, plus de 10 000 habitants de la collectivité seraient déjà touchés par ce “véritable fléau”. D'autant que le Fentanyl, cette drogue qui fait des ravages aux États-Unis, pourrait bientôt se joindre à la catastrophe selon le Sénat. Face à ce constat, la chambre haute propose de renforcer les moyens de lutte à tous les échelons. “Les capacités du parquet et des forces de sécurité intérieure doivent être augmentées, notamment pour l’interception en mer”, en raison de l'immensité du territoire maritime polynésien. Par ailleurs, la mise en place du mécanisme d'amende forfaitaire délictuelle et le procès-verbal électronique pourraient se révéler des outils efficaces pour sanctionner rapidement les infractions liées à la drogue selon les rapporteurs du texte.
L’ingérence étrangère, danger à l'horizon
Comme si la drogue ne suffisait pas, le Senat constate aussi les faits d'ingérences étrangères sur le territoire. Si la France a historiquement fait des pieds et des mains pour veiller à maintenir son influence dans le Pacifique, notamment face aux États-Unis et à la Chine, récemment, de petits nouveaux comme l’Azerbaïdjan s'invitent à la table, espérant “détacher la Polynésie de la France” avec des initiatives indépendantistes à peine voilées. Le rapport du Sénat mentionne même le “Groupe d’initiative de Bakou contre le colonialisme français”, un mouvement soutenu par Bakou, qui vise à attiser les braises indépendantistes en Polynésie, à l’instar de ce qu’il a fait en Nouvelle-Calédonie.
Ces tentatives d'influence doivent être prises au sérieux, avertissent les sénateurs, pour qui la situation est “préoccupante”. Il ne s'agit plus d'une menace théorique, mais bien d'une réalité qui risque de déstabiliser le fragile équilibre politique local. L’État est donc appelé à serrer les boulons, à surveiller de très près ses ingérences mais aussi et surtout à ne pas oublier la Polynésie dans sa stratégie indopacifique
Les communes, ces grandes oubliées
Enfin, autre point d'importance soulevé par la chambre haute, et non des moindre, celui du manque d'affirmation des communes polynésienne face aux autorités du Pays. Elles sont 48 à se partager un territoire aussi vaste que désorganisé, où 30 d'entre elles gèrent des communes associées parfois situées sur des îles distinctes. Autant dire que l'organisation administrative est un casse-tête, et les moyens mis à leur disposition trop insuffisants.
Selon le rapport, ces communes manqueraient cruellement d’ingénierie, et de personnel qualifié, notamment dans les catégories A et B de la fonction publique. En conséquence, elles peinent à exercer leurs compétences, notamment dans des domaines aussi essentiels que la gestion des infrastructures d’assainissement ou le traitement des déchets, où les retards sont importants. Le Sénat propose donc deux options. D'abord, renforcer les délégations de compétences du Pays vers les communes, bien que de mannière “pragmatique et progressive”. Ensuite, transférer au Pays certaines compétences que les communes peinent à exercer, comme le traitement des déchets, tout en leur laissant davantage de marge de manœuvre sur des sujets plus locaux comme la culture, l'aide sociale ou le sport.
Le Sénat préconise ainsi d’encourager une meilleure utilisation des mécanismes de coopération intercommunale et de faciliter l’accès aux terrains, souvent propriété du Pays ou de l’État, pour permettre aux communes de développer des équipements publics structurants. Cette révision de la répartition des compétences se veut une réponse au “jacobinisme tahitien” souvent dénoncé par les maires des îles éloignées, qui regrettent que les décisions soient trop centralisées à Tahiti, loin des réalités locales.
En somme, le rapport sénatorial dresse un tableau contrasté regorgeant de belles recommandations. Encore faudra-t-il que celles-ci ne restent pas lettre morte et qu'elles ne soient pas “rangées dans un placard” comme l'a espéré la sénatrice polynésienne, Lana Tetuanui, au micro de nos confrères de Radio 1.
“L'exemple le plus abouti de l'autonomie institutionnelle” qu’on peut offrir à une collectivité d'outre-mer, est d'après nos sénateurs, celui de la Polynésie française, à en croire un nouveau rapport sur la situation institutionnelle du Fenua, sa sécurité et sa justice. Cependant, “à certains égards, la Polynésie apparaît comme un modèle inachevé”, note cette analyse qui liste 22 recommandations pour ajuster le tir, consolider ce statut, améliorer la proximité de l’action publique mais aussi lutter contre le trafic de drogue ou les ingérences étrangères.
Redéfinir les compétences
Depuis 2004, la Polynésie peut se targuer d'une autonomie “avancée”, lui permettant de gérer ses affaires tout en restant bien à l’abri du bras protecteur de la République. Un système certes largement développé, mais qui reste bancal. En cause, une répartition des compétences entre l'État et le Pays qu'il serait grand temps de clarifier. Pour le Sénat, il est urgent de penser en termes de “blocs de compétences”, simplifiant l’action publique tout en renforçant l’efficacité de l’administration locale. Car ce manque de clarté provoque régulièrement des conflits de compétences, retardant des décisions sur des sujets parfois critiques.
Le “fléau” de l’ice
Un autre dossier brûlant pour les sénateurs, est celui de l’augmentation dramatique du trafic de drogues. Dans le viseur : l’ice, cette petite métamphétamine aux grands ravages. Selon le rapport sénatorial, 30% des détenus à Tatutu et Nuutania croupissent derrière les barreaux pour trafic d’ice. Au total, plus de 10 000 habitants de la collectivité seraient déjà touchés par ce “véritable fléau”. D'autant que le Fentanyl, cette drogue qui fait des ravages aux États-Unis, pourrait bientôt se joindre à la catastrophe selon le Sénat. Face à ce constat, la chambre haute propose de renforcer les moyens de lutte à tous les échelons. “Les capacités du parquet et des forces de sécurité intérieure doivent être augmentées, notamment pour l’interception en mer”, en raison de l'immensité du territoire maritime polynésien. Par ailleurs, la mise en place du mécanisme d'amende forfaitaire délictuelle et le procès-verbal électronique pourraient se révéler des outils efficaces pour sanctionner rapidement les infractions liées à la drogue selon les rapporteurs du texte.
L’ingérence étrangère, danger à l'horizon
Comme si la drogue ne suffisait pas, le Senat constate aussi les faits d'ingérences étrangères sur le territoire. Si la France a historiquement fait des pieds et des mains pour veiller à maintenir son influence dans le Pacifique, notamment face aux États-Unis et à la Chine, récemment, de petits nouveaux comme l’Azerbaïdjan s'invitent à la table, espérant “détacher la Polynésie de la France” avec des initiatives indépendantistes à peine voilées. Le rapport du Sénat mentionne même le “Groupe d’initiative de Bakou contre le colonialisme français”, un mouvement soutenu par Bakou, qui vise à attiser les braises indépendantistes en Polynésie, à l’instar de ce qu’il a fait en Nouvelle-Calédonie.
Ces tentatives d'influence doivent être prises au sérieux, avertissent les sénateurs, pour qui la situation est “préoccupante”. Il ne s'agit plus d'une menace théorique, mais bien d'une réalité qui risque de déstabiliser le fragile équilibre politique local. L’État est donc appelé à serrer les boulons, à surveiller de très près ses ingérences mais aussi et surtout à ne pas oublier la Polynésie dans sa stratégie indopacifique
Les communes, ces grandes oubliées
Enfin, autre point d'importance soulevé par la chambre haute, et non des moindre, celui du manque d'affirmation des communes polynésienne face aux autorités du Pays. Elles sont 48 à se partager un territoire aussi vaste que désorganisé, où 30 d'entre elles gèrent des communes associées parfois situées sur des îles distinctes. Autant dire que l'organisation administrative est un casse-tête, et les moyens mis à leur disposition trop insuffisants.
Selon le rapport, ces communes manqueraient cruellement d’ingénierie, et de personnel qualifié, notamment dans les catégories A et B de la fonction publique. En conséquence, elles peinent à exercer leurs compétences, notamment dans des domaines aussi essentiels que la gestion des infrastructures d’assainissement ou le traitement des déchets, où les retards sont importants. Le Sénat propose donc deux options. D'abord, renforcer les délégations de compétences du Pays vers les communes, bien que de mannière “pragmatique et progressive”. Ensuite, transférer au Pays certaines compétences que les communes peinent à exercer, comme le traitement des déchets, tout en leur laissant davantage de marge de manœuvre sur des sujets plus locaux comme la culture, l'aide sociale ou le sport.
Le Sénat préconise ainsi d’encourager une meilleure utilisation des mécanismes de coopération intercommunale et de faciliter l’accès aux terrains, souvent propriété du Pays ou de l’État, pour permettre aux communes de développer des équipements publics structurants. Cette révision de la répartition des compétences se veut une réponse au “jacobinisme tahitien” souvent dénoncé par les maires des îles éloignées, qui regrettent que les décisions soient trop centralisées à Tahiti, loin des réalités locales.
En somme, le rapport sénatorial dresse un tableau contrasté regorgeant de belles recommandations. Encore faudra-t-il que celles-ci ne restent pas lettre morte et qu'elles ne soient pas “rangées dans un placard” comme l'a espéré la sénatrice polynésienne, Lana Tetuanui, au micro de nos confrères de Radio 1.