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Législatives: un premier tour riche d'incertitudes


CHRISTOPHE SIMON / AFP
CHRISTOPHE SIMON / AFP
Paris, France | AFP | dimanche 12/06/2022 - 12:26 UTC-9 | 690 mots

par Gregory DANEL

"La messe n'est pas dite": experts et politologues mettent en garde contre les conclusions hâtives après le premier tour des législatives, loin de présager selon eux le résultat qui, dimanche prochain, donnera le "la" du second quinquennat d'Emmanuel Macron.

Au soir du premier tour, la recomposition toute fraîche de la vie politique française en trois blocs - centre, extrême droite, gauche radicale et écologique — est déjà supplantée par un mano a mano entre les troupes d'Emmanuel Macron (Ensemble!) et l'alliance des gauches et des écologistes emmenées par Jean-Luc Mélenchon.

"Il y a un rapport de forces extrêmement serré entre la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) et la majorité présidentielle qui, à ce stade, ne permet pas à celle-ci d'être assurée d'avoir une majorité absolue" dans une semaine, observe Mathieu Gallard, directeur d'études à Ipsos France. 

"Est-ce que, oui ou non, la majorité présidentielle est en mesure d'obtenir la majorité absolue? Ce qui était acquis au lendemain de la présidentielle l'est moins ce soir. Mais au second tour, le mode de scrutin va mécaniquement favoriser la coalition Ensemble!", avance de son côté Adélaïde Zulfikarpasic, directrice de BVA Opinion.

Avec son audacieuse proposition - "élisez moi Premier ministre" - et son tour de force de réunir LFI, PCF, PS et écologistes sous la bannière de la Nupes, Jean-Luc Mélenchon a réussi à s'imposer comme l'adversaire numéro un d'Emmanuel Macron, lui qui avait échoué à se qualifier pour le second tour de la présidentielle.

"Le second tour n'est pas joué", veut croire l'éco-féministe Sandrine Rousseau.

Mais le bon score de la Nupes est-il pour autant synonyme de véritable dynamique électorale? "Le score de la Nupes est davantage le fruit de l'agrégat versus le choix de l'éclatement", met en avant Mme Zulfikarpasic.

"Les scores au niveau national ne donnent pas l’ordre d’arrivée dans les 577 circonscriptions dimanche prochain", met en garde le politologue Denys Pouillard, directeur de l'observatoire de la vie politique et parlementaire.

"Or, Nupes se retrouve face à un brise-lames: elle n'aura plus de réserves, elle ne peut compter sur des désistements, transformer l'essai va être difficile. L'union de la gauche est certes historique, mais après?" complète-t-il.

- Les électeurs de droite au "bercail" -
De son côté, la majorité sortante est clairement en retrait par rapport à 2017 et au premier tour de la présidentielle de son champion, Emmanuel Macron.

"Il y a un léger recul lié au retour des électeurs de droite au bercail", analyse M. Gallard. "Il sera intéressant de voir ce qu'il va se passer du côté de ces électeurs et des Républicains qui pourraient pouvoir se maintenir dans pas mal de circonscriptions."

"La réélection d'Emmanuel Macron n'a pas été une réélection d'adhésion. On a beaucoup voté pour lui contre l'extrême gauche ou l’extrême droite. Les Français ont envie de le secouer un peu car ils ne sont pas satisfaits de son mandat", note Mme Zulfikarpasic.

Denys Pouillard juge, pour sa part, que "le travail des députés sortants a été jugé et parfois mal jugé par un électorat déçu par ce qu'ils ont pu apporter au niveau local".

Du côté du bloc d'extrême droite, "les résultats du RN sont en demi-teinte et (le parti) a de quoi être déçu. Marine Le Pen n’apparaît plus comme la principale opposante", complète la directrice de BVA Opinion. 

"La période qui s'annonce risque d'être plutôt originale", pronostique Emiliano Grossman, professeur associé à Sciences Po: "Ca se présente mal pour la majorité absolue. Pour gouverner, il va falloir que l'exécutif négocie constamment. Or, ce n'est pas du tout dans l'ADN de la Ve République et de Macron. Il va falloir apprendre et prendre au sérieux le Parlement".

"Les débats à l'Assemblée vont pencher du côté du centre droit, avec les députés Horizons d'Edouard Philippe qui disposeront d'un poids considérable. Dans le même temps, on aura une opposition de gauche très forte", analyse Mme Zulfikarpasic.

De quoi provoquer des étincelles et rallumer l'intérêt pour la démocratie participative, alors que l'abstention a atteint un niveau record (entre 52,1 et 53,2%)?

"Si la participation est aussi faible, c’est qu'il y a le sentiment que le Parlement ne sert à rien", déplore M. Grossman. 

le Dimanche 12 Juin 2022 à 12:35 | Lu 196 fois