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Le tribunal correctionnel prononce la prescription de l'affaire Chanut


Tahiti, le 10 janvier 2023 – Le tribunal correctionnel de Papeete a prononcé mardi matin la prescription dans l'affaire d'escroquerie et d'abus de confiance Chanut. Les avocats de la défense ont en effet souligné que durant la procédure, il n'y a pas eu d'acte interruptif pendant trois ans et ont donc plaidé la prescription. Le tribunal a considéré que les faits datant d'avant 2017, année de promulgation de loi sur la prescription portant celle-ci à 6 ans, c'était toujours le délai de trois ans de prescription qui s'appliquait. Le parquet a décidé de faire appel de cette décision.
 
Quatorze ans après la révélation des faits et huit ans après la fin de l'instruction et de très nombreux renvois, le tribunal correctionnel de Papeete s'est penché, mardi matin, sur l'affaire d'escroquerie et d'abus de confiance dite “Chanut”, du nom du principal prévenu, Pierre Chanut.

Avant de rentrer dans les débats, les quatre avocats de la défense ont plaidé des exceptions de nullité. Me Martin Calmet, le conseil de l'ancien notaire, Dominique Calmet (des homonymes sans lien de parenté), poursuivi pour complicité d'escroquerie, a soulevé la question du délai raisonnable. Rappelant l'historique de la procédure et ses six renvois depuis 2011, pour cause notamment d'irrégularités de procédure, il a estimé que juger l'affaire “douze ans après les faits n'était pas acceptable”. Me Smaïn Bennouar, l'avocat de Pierre Chanut, principal mis en cause, a pour sa part demandé au tribunal de prononcer la prescription dans cette affaire. “La longueur de la procédure procède au dépérissement des preuves”, a-t-il déclaré, indiquant ensuite en parlant de son client, qui était absent à l'audience et dont il a dit ne pas savoir où il se trouvait, que “même sa présence n'aurait pas été pertinente, il aurait été incapable de restituer les faits”.

Désaccord sur l'application de la loi sur la prescription

Les avocats de la défense ont mis en avant le fait qu'après le 14 novembre 2016, date à laquelle une nouvelle ordonnance de renvoi avait été rendue après que la procédure a été régularisée suite à des “erreurs”, “strictement rien ne va se passer pendant trois ans”. Or, la prescription pour les délits est de 3 ans, ont-ils plaidé. “Force est de constater que pendant trois années, aucun acte interruptif n'est intervenu. La conséquence logique, c'est l'extinction des poursuites”, a réagi Me Smaïn Bennouar à la sortie de l'audience. Mais la question de la durée de prescription a fait l'objet d'un désaccord entre les avocats de la défense et des parties civiles, en raison de la loi de 2017 sur la prescription en matière pénale qui est venue allonger sa durée à 6 ans. Les avocats des parties civiles se sont appuyés sur la position de “la cour d'appel de Papeete qui considère que même pour les infractions antérieures à l'entrée en vigueur de la loi, c'est la prescription de 6 ans qui s'applique”, explique Me Robin Quinquis, l'un des avocats de la partie civile. “Alors que le tribunal correctionnel considère que pour ces infractions-là en Polynésie, compte tenu des spécificités de rédaction de la loi, la prescription de 3 ans s'applique”, poursuit-il.
 
Après en avoir longuement délibéré, le tribunal a prononcé, mardi, la prescription de l'affaire. Le contrôle judiciaire de Pierre Chanut a donc été levé. Le parquet a d'ores et déjà indiqué qu'il faisait appel de la décision, auquel devraient se joindre les représentants des parties civiles. “Aujourd'hui, il y a un point d'incertitude juridique pour les justiciables dans des dossiers dont les faits sont anciens”, a réagi Me Robin Quinquis. Rappelons que le 5 janvier, la Cour de cassation avait cassé l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Papeete qui avait prononcé, le 19 novembre 2019, la prescription dans l'affaire Haddad-Flosse.

500 millions de Fcfp de préjudice

Dans l'affaire Chanut, il était reproché à l'homme d'affaires d'avoir proposé des investissements à des personnes vulnérables, leur faisant miroiter des placements fructueux dans des sociétés dont ils n'ont jamais rien touché. Il était poursuivi pour abus de confiance, escroquerie et blanchiment. Autres mis en cause, son ex-femme et ses deux enfants, tous trois accusés de recel, mais aussi, pour son ex-femme, d'aide à la justification de ressources fictives et blanchiment. Enfin, l'ancien notaire Me Dominique Calmet était quant à lui poursuivi pour complicité d'escroquerie. Le montant total du préjudice avait été estimé à plus de 500 millions de Fcfp. Seuls l'ex-femme de Pierre Chanut et ses deux fils étaient présents, mardi, à l'audience.

Rédigé par Anne-Laure Guffroy le Mardi 10 Janvier 2023 à 17:17 | Lu 1478 fois