Tahiti Infos

Le surf ou l'inclusion du genre féminin


Tahiti, le 26 juin 2024 – Ce mercredi, à l'Université de la Polynésie française, dans le cadre du colloque portant sur “Les enjeux des Jeux”, la doctorante Valérie Cruzin-Polycarpe a exposé ses travaux sur l'évolution des représentations de la femme surfeuse. L'occasion pour cette dernière de revenir sur l'histoire tumultueuse du surf féminin, marquée entre autres par la vague mythique de Teahupo'o.
 
Si les femmes ont su prendre toute leur place dans le paysage du surf mondial ces dernières années, l'histoire témoigne aujourd'hui du combat qu'elles ont mené pour en arriver là. C'est en tout cas ce qu'a souhaité démontrer ce mercredi Valérie Cruzin-Polycarpe, doctorante à l'Université de Franche-Comté, lors du colloque portant sur “Les enjeux des Jeux” qui se déroule actuellement à l'Université de la Polynésie française. “J'ai toujours travaillé sur le surf car je suis moi-même surfeuse, j'ai même été juge sur les compétitions, mais lorsque j'ai voulu en parler pour la première fois, dans les années 2000, c'était trop tôt”, assure la doctorante. “Aujourd'hui, c'est plus facile d'en parler, surtout pour une femme.”
 
Une réalité qui n'est pas forcément évidente aux premiers abords mais qui saute aux yeux après seulement quelques minutes d'intervention. À l'appui pour illustrer ses propos, des articles et images du magazine Surf Session durant les années 80-90, véritable bible et testament de l'histoire du surf français, et de ce fait, véritable miroir de la société de l'époque. “À l'époque, si les femmes apparaissaient dans les magazines de surf, elles étaient surtout prises en photo sur la plage et en maillot. Davantage considérées comme un objet du désir plutôt que des surfeuses parmi les autres surfeurs”, explique Valérie Cruzin-Polycarpe. Une vision entretenue par les magazines de surf spécialisés, tenus par des hommes peu enclins à reconnaître les qualités pourtant évidentes de ces femmes. “Entre le moment de la création du magazine Surf Session en 1985 et l'année 1995, les surfeuses ont fait la Une du magazine qu'à seulement deux reprises”, relève avec regret la doctorante.
 
Teahupo'o et Keala Kennely : un changement annoncé
 
Très peu prises au sérieux à l'époque, parfois même moquées, les surfeuses ont dû faire leurs preuves dans des vagues conséquentes afin de se faire voir à leur juste valeur. Et au début des années 2000, deux protagonistes ont su bouleverser les codes : la vague de Teahupo'o et la surfeuse hawaiienne Keala Kennely. Une rencontre, un duo, qui a fait pâlir les surfeurs les plus aguerris. Mais une femme plus courageuse que la majorité des hommes dans son sport ? L'affaire a vite été étouffée, rendant les exploits de l'Hawaiienne isolés par rapport au niveau global et réel des surfeuses professionnelles. “Les Vahinés dégonflées” pouvait-on même lire dans le Surf Session de juillet 2002. Un machisme encore trop présent pour permettre aux surfeuses d'être considérées. L'épreuve de Teahupo'o étant d'ailleurs supprimée du calendrier professionnel féminin à partir de 2006. Toutefois, la voie était désormais ouverte.
 
Un chemin dans lequel se sont engouffrées bon nombre de surfeuses, toutes désireuses de s'affirmer à leur manière. À l'exemple des surfeuses de grosses vagues Maya Gabeira (Brésil) en 2009 et Justine Dupont (France) en 2013. Sur le tour mondial, l'Australienne Stephanie Gilmore et la Hawaiienne Carissa Moore ont dominé le championnat du monde de 2007 à 2015, élevant par la même occasion le surf féminin à celui de leurs homologues masculins. De nouveaux standards étaient nés. Un renouveau accompagné par des marques de surf désireuses de mettre en avant leurs athlètes femmes désormais talentueuses et “bankable”, ce qui a eu pour effet de faire grimper les salaires et les prize money. Au point où en 2019, la World Surf League s'est engagée à payer autant ses athlètes hommes et femmes.
 
“Aujourd'hui, la femme surfeuse est considérée comme une athlète, même si ça a mis du temps”, affirme Valérie Cruzin-Polycarpe, consciente de l'effet positif et indéniable des prochains Jeux olympiques sur les femmes : “Je pense que cela peut donner confiance à toutes les jeunes filles qui n'osent pas surfer parce qu'elles se disent que c'est plutôt pour les hommes, notamment à Teahupo'o car c'est dangereux. Or, ces athlètes femmes seront désormais des exemples. Il faut des modèles auxquels s'identifier si l'on veut devenir quelqu'un soi-même. Ces Jeux permettront aux filles et aux femmes de se dire qu'elles peuvent, tout simplement.”

le Mercredi 26 Juin 2024 à 17:06 | Lu 1695 fois