PAPEETE, le 22 février 2018 - Le Projet Coccinelle a été initié par l'association Proscience pour sensibiliser la population polynésienne et les enfants à l'importance de la biodiversité et réintroduire les coccinelles dans la zone urbaine. En observant la bête à bon dieu, un prédateur naturel de toute une série d'insectes ravageurs, on comprend pourquoi un traitement massif à base d'insecticides peut être particulièrement néfaste pour nos jardins et notre environnement.
Ces dernières années n'ont pas été de tout repos pour les coccinelles polynésiennes. Les épidémies de zika et de dengue de type 1 de 2013-2014, suivies de l'épidémie de chikungunya de 2014-2015, et aujourd'hui la crainte de l'arrivée de la dengue de type 2, ont conduit à des pulvérisations massives d'insecticides dans la zone urbaine.
Le but était de tuer les moustiques-tigres, qui transmettent toutes ces arboviroses. Mais le traitement n'est pas sélectif : il a tué tous les insectes dans les zones traitées, même ceux qui sont très utiles, comme les insectes pollinisateurs et ceux qui luttent contre les ravageurs, en particulier les coccinelles.
Les scientifiques bénévoles de l'association Proscience ont bien observé, dans leurs propres jardins, les effets de cette hécatombe d'arthropodes. Elodie Cinquin-Beigbeder, biologiste de formation et vice-présidente de l'association de sensibilisation scientifique, nous raconte ainsi que "avec la disparition des insectes pollinisateurs, certaines plantes étaient devenues comme stériles. Je me souviens de devoir polliniser mes fruits de la passion à la main ! Comme beaucoup de gens, j'ai aussi vu les arbres fruitiers et les plants de Tiare Tahiti se couvrir de fumagine, cette couche noire créée par un champignon."
Régis Plichart, président de l'association Proscience, nous explique comment on passe d'une couche noire sur les feuilles à la coccinelle : "cette couche noire est la fumagine, elle est causée par la prolifération de champignons sur le miellat sécrété par les pucerons et les cochenilles. Ces insectes sucent la sève de la plante, et leur pipi sucré, le miellat, se dépose sur les feuilles et nourrit les champignons. Le prédateur naturel des pucerons et des cochenilles est la coccinelle. Donc en son absence, la maladie continue de s'étendre."
Le message qu'ils entendent tous deux faire passer est donc l'effet pervers des traitements insecticides. Pulvériser son jardin d'insecticide pour se débarrasser des moustiques, des cafards ou des cent-pieds provoquera un immense vide écologique. Les premiers insectes à revenir seront les fourmis, bien cachées dans le sol, puis les ravageurs à la reproduction très rapide. Sans abeilles ou bourdons pour les polliniser, sans coccinelles pour les protéger des pucerons et des cochenilles, les plantes souffrent. D'autant que les fourmis, en particulier des espèces de fourmis rouges présentes sur Tahiti, élèvent les pucerons pour leur miellat... Ce qui aggrave le problème.
A LA RECHERCHE DES COCCINELLES
Ces dernières années n'ont pas été de tout repos pour les coccinelles polynésiennes. Les épidémies de zika et de dengue de type 1 de 2013-2014, suivies de l'épidémie de chikungunya de 2014-2015, et aujourd'hui la crainte de l'arrivée de la dengue de type 2, ont conduit à des pulvérisations massives d'insecticides dans la zone urbaine.
Le but était de tuer les moustiques-tigres, qui transmettent toutes ces arboviroses. Mais le traitement n'est pas sélectif : il a tué tous les insectes dans les zones traitées, même ceux qui sont très utiles, comme les insectes pollinisateurs et ceux qui luttent contre les ravageurs, en particulier les coccinelles.
Les scientifiques bénévoles de l'association Proscience ont bien observé, dans leurs propres jardins, les effets de cette hécatombe d'arthropodes. Elodie Cinquin-Beigbeder, biologiste de formation et vice-présidente de l'association de sensibilisation scientifique, nous raconte ainsi que "avec la disparition des insectes pollinisateurs, certaines plantes étaient devenues comme stériles. Je me souviens de devoir polliniser mes fruits de la passion à la main ! Comme beaucoup de gens, j'ai aussi vu les arbres fruitiers et les plants de Tiare Tahiti se couvrir de fumagine, cette couche noire créée par un champignon."
Régis Plichart, président de l'association Proscience, nous explique comment on passe d'une couche noire sur les feuilles à la coccinelle : "cette couche noire est la fumagine, elle est causée par la prolifération de champignons sur le miellat sécrété par les pucerons et les cochenilles. Ces insectes sucent la sève de la plante, et leur pipi sucré, le miellat, se dépose sur les feuilles et nourrit les champignons. Le prédateur naturel des pucerons et des cochenilles est la coccinelle. Donc en son absence, la maladie continue de s'étendre."
Le message qu'ils entendent tous deux faire passer est donc l'effet pervers des traitements insecticides. Pulvériser son jardin d'insecticide pour se débarrasser des moustiques, des cafards ou des cent-pieds provoquera un immense vide écologique. Les premiers insectes à revenir seront les fourmis, bien cachées dans le sol, puis les ravageurs à la reproduction très rapide. Sans abeilles ou bourdons pour les polliniser, sans coccinelles pour les protéger des pucerons et des cochenilles, les plantes souffrent. D'autant que les fourmis, en particulier des espèces de fourmis rouges présentes sur Tahiti, élèvent les pucerons pour leur miellat... Ce qui aggrave le problème.
A LA RECHERCHE DES COCCINELLES
Elodie Cinqin-Beigbeder, vice-présidente de l'association Proscience et responsable du Projet Coccinelle, accompagnée de Régis Plichart, président de Proscience.
Les deux scientifiques ont donc monté le "Projet Coccinelles" pour étudier la situation et donner à la population les connaissances nécessaires pour remédier aux problèmes. En mobilisant les écoles et les internautes sur Facebook, un réseau d'observation a été monté en 2015 pour recenser les espèces de coccinelles présentes partout sur Tahiti, en particulier la zone urbaine. Les volontaires sont invités à prendre des photos des coccinelles qu'ils observent dans leurs jardins ou les lieux publics, et les partager sur la page Facebook "La coccinelle Proscience" avec les coordonnées GPS de l'observation. Une carte interactive sur www.proscience.pf regroupe tous les signalements, une soixantaine depuis deux ans et demi.
En plus du réseau d'observation et de la page Facebook du projet, une dizaine d'actions de sensibilisation dans les écoles a été menée par les bénévoles de Proscience. En engageant ces jeunes observateurs et en leur permettant d'élever leurs propres colonies de coccinelles dans des vivariums, ils ont enseigné l'importance de la biodiversité à des centaines d'enfants. La spectaculaire efficacité de la réintroduction de coccinelles dans des jardins envahis par les cochenilles et des potagers dévastés par les pucerons leur ont prouvé l'efficacité de la nature pour s'équilibrer toute seule, tant que la biodiversité est préservée. Ces enfants sont aujourd'hui devenus des experts pour reconnaitre les coccinelles, leurs larves, et leurs repas préférés...
Leur dernier message à la population : "Si vous voulez protéger votre jardin et votre potager des ravageurs, oubliez les insecticides. Si vous n'avez pas de coccinelles, récupérez-en chez un ami ou un voisin. Les larves sont particulièrement voraces, vous trouverez une fiche pratique pour les reconnaitre sur notre site, ce qui n'est pas toujours évident car certaine se déguisent en larves de cochenille ! Et pour ne pas utiliser d'insecticides, n'hésitez pas à faire la chasse aux gîtes à moustiques. Enfin les poules sont très efficaces contre les cent-pieds et les cafards..."
En plus du réseau d'observation et de la page Facebook du projet, une dizaine d'actions de sensibilisation dans les écoles a été menée par les bénévoles de Proscience. En engageant ces jeunes observateurs et en leur permettant d'élever leurs propres colonies de coccinelles dans des vivariums, ils ont enseigné l'importance de la biodiversité à des centaines d'enfants. La spectaculaire efficacité de la réintroduction de coccinelles dans des jardins envahis par les cochenilles et des potagers dévastés par les pucerons leur ont prouvé l'efficacité de la nature pour s'équilibrer toute seule, tant que la biodiversité est préservée. Ces enfants sont aujourd'hui devenus des experts pour reconnaitre les coccinelles, leurs larves, et leurs repas préférés...
Leur dernier message à la population : "Si vous voulez protéger votre jardin et votre potager des ravageurs, oubliez les insecticides. Si vous n'avez pas de coccinelles, récupérez-en chez un ami ou un voisin. Les larves sont particulièrement voraces, vous trouverez une fiche pratique pour les reconnaitre sur notre site, ce qui n'est pas toujours évident car certaine se déguisent en larves de cochenille ! Et pour ne pas utiliser d'insecticides, n'hésitez pas à faire la chasse aux gîtes à moustiques. Enfin les poules sont très efficaces contre les cent-pieds et les cafards..."
Des premières conclusions ?
Une invasion de pucerons jaunes nourrit une coccinelle Coelophora inaequalis et sa larve, particulièrement vorace
L'association espérait recevoir des subventions européennes pour lancer une vraie étude scientifique à l'aide d'un entomologiste. Il aurait effectué un vrai recensement de la biodiversité chez les insectes dans différents lieux de Tahiti et aurait mesuré son évolution dans la durée. Mais d'autres dossiers ont emporté les subventions et il n'y aura pas d'étude rigoureuse. Du coup nos deux scientifiques hésitent à tirer des conclusions générales à partir des observations de la communauté.
Ces relevés amateurs sont tout de même plutôt rassurants. Ils semblent montrer que les coccinelles n'ont jamais totalement disparu de la zone urbaine. Une maison apparemment dénuée de coccinelles peut avoir un voisin dans le même quartier où plusieurs espèces sont présentes. Et la communauté a observé que les coccinelles finissent généralement par revenir au bout de quelques semaines ou quelques mois dans les jardins non traités, l'abondance de pucerons et de cochenilles alimentant une explosion démographique chez la bête à bon dieu.
Ces relevés amateurs sont tout de même plutôt rassurants. Ils semblent montrer que les coccinelles n'ont jamais totalement disparu de la zone urbaine. Une maison apparemment dénuée de coccinelles peut avoir un voisin dans le même quartier où plusieurs espèces sont présentes. Et la communauté a observé que les coccinelles finissent généralement par revenir au bout de quelques semaines ou quelques mois dans les jardins non traités, l'abondance de pucerons et de cochenilles alimentant une explosion démographique chez la bête à bon dieu.
D'où viennent nos coccinelles ?
Il y a un siècle, il n'y avait pas de coccinelles en Polynésie. Elles ont été introduites à partir de 1902 (à commencer par la petite coccinelle toute noire, Rodolia cardinalis). De nouvelles espèces ont été ajoutées tout au long du vingtième siècle, que ce soit par les autorités, par la population ou des introductions accidentelles. Aujourd'hui une vingtaine d'espèces sont présentes, dont une dizaine sont communes. Vous les reconnaîtrez avec la fiche partagée par Proscience sur son site, mais elles sont noires, rouges, roses ou jaunes, avec des dessins très différents sur le dos, allant d'une couleur uniforme noire ou rouge, à des points noirs, blancs ou jaunes, voire même des bandes ou des formes plus élaborées. Toutes chassent les pucerons, les cochenilles ou les psylles, des insectes ravageurs des cultures. Toutes sauf une, la Henosepilachna ou coccinelle à 28 points, qui fait l'inverse de toutes les autres et mange les feuilles des plantes potagères...