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Le projet du Pays pour placer les prix en liberté surveillée


Tahiti, le 29 mars 2022 – Un projet de loi du Pays examiné mardi au Cesec détaille comment le gouvernement prévoit de renforcer l’encadrement des prix à la faveur d’un texte actualisant la réglementation des Produits de première nécessité (PPN) et des Produits de grande consommation (PGC).
 
À la faveur d’une modernisation de la réglementation des Produits de première nécessité (PPN) et des Produits de grande consommation (PGC), le gouvernement prévoit de se donner une marge de manœuvre plus souple dans la fixation de la liste des produits susceptibles de faire l’objet d’un encadrement des prix. Un projet de loi du Pays examiné mardi par le Conseil économique, social, environnemental et culturel (Cesec) en détaille les dispositions avec plusieurs nouveautés par rapport à la réglementation actuelle.

Si le principe de liberté des prix est rappelé en préambule dans ce projet de loi du Pays sur "l’encadrement des prix de certains produits ou services", le texte précise aussi que le conseil des ministres peut instaurer un régime de "liberté encadrée" des prix soumettant leur évolution à une règle de calcul fixée, lorsque cette mesure est nécessaire à la protection du pouvoir d’achat. Si un tel encadrement est prévu dans les zones "à faible concurrence", notamment dans les îles éloignées, le gouvernement pourra y recourir en cas de hausse exceptionnelle des prix, comme cela avait été le cas pour les masques chirurgicaux durant la crise Covid. Le conseil des ministres se réserve ainsi la possibilité d’encadrer jusqu’à douze mois durant (contre six actuellement) le prix de ces produits, pour éviter une hausse excessive en cas de circonstances exceptionnelles.
 
Une précision à la notion de biens produits ou fabriqués localement est également apportée par ce projet de loi. L’exigence est posée de la création d’une réelle valeur ajoutée en Polynésie. Ce qui exclut notamment les opérations de reconditionnement de marchandise. Pour les biens considérés comme "produits localement", le texte crée le principe d’un "prix fabricant ou producteur" obtenu sur la base du coût de production augmenté d’une marge. Ce prix est voué à servir de base de référence en cas de mesure d’encadrement. Le conseil des ministres se réserve cependant le droit de le geler pour une durée de douze mois éventuellement renouvelable, en cas de risque inflationniste, de calamité naturelle, de crise économique ou sectorielle.
 
PPN et PGC sous surveillance
 
Autre nouveauté : l’obligation pour les importateurs ou les fabricants locaux de déterminer un prix maximal de vente pour les PPN et les PGC. Ce prix plafond devra être précisé à tous les stades de la commercialisation et respecté par les intermédiaires jusqu’au détaillant qui devront en informer leurs clients. Le projet de texte rappelle aussi la capacité du conseil des ministres de fixer le prix maximal de vente des produits et service de première nécessité et de grande consommation. Mais à la différence de la réglementation applicable aujourd’hui aux PPN et PGC, le texte offre la possibilité au gouvernement de fixer la marge commerciale en valeur absolue ou en pourcentage, selon la "modalité la plus pertinente". Si cette pratique est actuellement en vigueur pour les PPN, les PGC ont aujourd’hui des marges exclusivement calculées en pourcentage.
 
Le projet de loi texte intègre en outre les grands principes de fixation du prix des hydrocarbures dans un chapitre réservé au prix maximal de vente des produits considérés comme "essentiels au développement économique", à l’instar "du fret interinsulaire, de la manutention portuaire, du coprah". Un chapitre qui laisse cependant les coudées franches au gouvernement pour élargir cette liste à sa convenance.
 
Ce projet de loi prévoit enfin pour les contrevenants à ce cadre réglementaire un régime de sanctions administratives renforcé avec des amendes pouvant aller jusqu’à 100 000 Fcfp pour une personne physique et 600 000 Fcfp pour une société.
 
Le Cesec timide
 
Examiné mardi en séance plénière par le Cesec, ce projet de loi a été vivement critiqué pour les nouveaux pouvoirs qu’il donne au conseil des ministres. Des pouvoirs jugés "très pénalisants" par l’institution et en "contradiction avec le principe de liberté des prix". Le Cesec qui s’avoue "pas convaincu" par ce texte, ne va cependant pas jusqu’à se prononcer défavorablement en dépit d’une longue liste de recommandations. L’institution rend un avis non qualifié par 32 voix. "Un avis défavorable aurait pu être mal perçu par l’opinion publique, alors que ce texte est censé préserver le pouvoir d’achat", a justifié Edgar Sommers.
 
"On n’est pas là pour faire de la politique", s’est indigné Christophe Plée, le secrétaire général du syndicat patronal CPME à l’issue de la séance, mardi. "On est là pour voir si ce texte est applicable aux commerçants, aux détaillants, aux importateurs. Va-t-il régler le problème de la vie chère ? Je pense que ce texte ne résout rien. Il donne simplement les pleins pouvoirs au gouvernement pour réglementer les prix." La quatrième institution du Pays a été saisie dans le cadre d’une procédure d’urgence, le 15 mars avec deux semaines pour rendre son avis. Une méthode également très critiquée par les représentants de la société civile : "C’est un gros texte qui demande un vrai travail, sur deux ou trois mois, pour parvenir à une vraie réforme. Là, on nous présente un projet en précipitation et sans concertation, pour encadrer les prix parce qu’on a peur de l’inflation."

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mardi 29 Mars 2022 à 18:43 | Lu 1363 fois