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Le procès du « système Flosse » aura bien lieu


Me Quinquis, avocat de Gaston Flosse, et Me Boussier, avocat de la partie civile.
Me Quinquis, avocat de Gaston Flosse, et Me Boussier, avocat de la partie civile.
Toutes les tentatives de Me Quinquis pour repousser le procès des emplois présumés fictifs de la Présidence Flosse auront échoué : mardi, le tribunal a refusé de transmettre à la Cour de Cassation les quatre questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) déposées lundi et mardi par l’avocat de Gaston Flosse. Le procès peut donc commencer. L’audience, levée peu après 17 heures, reprendra mercredi matin par l’audition de Gaston Flosse, le principal prévenu dans ce procès.

Pourtant Me Quinquis n’aura pas ménagé sa peine. Aux deux QPC déposées lundi, et rejetées mardi par les juges à la réouverture de l’audience, l’avocat en ajoute aussitôt deux autres. Pour les développer, il fait un bref rappel historique devant la Cour. Le nouveau Code Pénal, voté par le Parlement en 1992, ne devient applicable en Polynésie qu’à partir du 28 mars 1996, par ordonnance. C’est cette ordonnance qui pose problème à me Quinquis. Car la loi qui la ratifie n’est votée qu’en… février 1997. Or, comme l’avocat le rappelle, une loi pénale ne peut être rétroactive. L’avocat se demande donc devant la Cour : « Quelle loi était applicable à cette période » ? Un point d’autant plus important pour ses clients que la plupart des faits incriminés sont relatifs à l’année 1996, et que le détournement de fond public n’était pas défini de la même façon dans le précédent Code Pénal.

Les deux nouvelles QPC également rejetées

Le procès du « système Flosse » aura bien lieu
Les deux QPC fondées sur ces arguments seront rejetées, elles aussi, après seulement une heure de délibération de la Cour. « Je m’y attendais. Le tribunal s’efforce de ne pas avoir fait toute cette organisation d’audience pour rien », commente Me Quinquis, pour qui « il vaut mieux habiter au bord de la Seine qu’au bord du lagon, où une QPC, posée dans les mêmes termes que celle que j’ai déposée lundi, triomphe. » (allusion au procès des emplois fictifs de la ville de Paris ndlr) Pour l’avocat de la partie civile, Me Boussier, l’explication est plus simple : ces QPC sont simplement « surréalistes », et ne visent qu’à retarder le début du procès. « Ce sont les méthodes qu’on utilise dans les procès de la mafia et du grand banditisme, et je regrette ce tir de barrage qui empêche de rentrer dans la partie dure du dossier ».

Les QPC ayant été toutes rejetées, c’est bien maintenant à cette « partie dure » du dossier que les juges s’attaquent. La présidente du tribunal correctionnel, Marie-Claude Pena, invite alors Gaston Flosse à s’avancer. Elle lui pose les questions d’usage : sa situation maritale, le nombre d’enfants à sa charge, ses revenus mensuels (qu’il estime à 1,9 million par mois). Elle lui demande de donner les dates de ses mandats de président de la Polynésie française. Il répond : de 1984 à 2004, avec une interruption entre 1987 et 1991 (époque où Alexandre Léontieff avait été le président du gouvernement). Sur cette longue période, les emplois cabinets ont été nombreux : plusieurs centaines. C’est de leur légalité et de leur usage que devra répondre le sénateur dès demain matin. Et pour l’avocat de la partie civile, Me Boussier, c’est bien le « système Flosse » qui sera décortiqué.


Des emplois cabinet distribués "à tous les niveaux"

Le Procureur de la République, José Thorel
Le Procureur de la République, José Thorel
« C’était un système structuré, avec des strates : on distribuait des contrats aux Polynésiens pour se créer un électorat, et les explications que pourront donner M. Flosse, et M. Bouissou demain, seront probablement très intéressantes », explique à Tahiti Infos l’avocat, pour qui il s’agissait d’un « système tribal » où le processus électoral avait été « confisqué ». Ces emplois cabinet auraient servi à tous les niveaux, du « polynésien de base » aux grands électeurs, qui auraient aussi ont bénéficié de ces « largesses ». De quoi faire réagir le Tahoeraa Huiraatira, qui dénonce dans un communiqué cet avocat qui « n’a pas compris le contexte local quand il parle de clientélisme ».

Mercredi, Gaston Flosse aura donc à répondre de ces accusations. Malgré les lourdes charges qui pèsent sur lui (détournement de fonds publics, prise illégale d’intérêt) l’homme est plus combatif que jamais. Après avoir répondu aux quelques questions préliminaires du juge, il s’interroge sur l’absence au tribunal de la fille du procureur de la République, M. Thorel, qui aurait, dit-il, bénéficié elle aussi d’un de ces emplois cabinet. Gaston Flosse a refusé d’en dire plus aux journalistes. Quant au procureur, il est resté très évasif, précisant tout juste qu’il ne savait pas de quoi le sénateur voulait parler.
La présidente a répondu que le tribunal n'avait à juger que les prévenus figurant au dossier.

Avec 87 prévenus et 37 avocats, ce procès est le plus important qu’ait connu la Polynésie française.

Doivent comparaître outre Gaston Flosse - l’un des membres fondateurs du RPR, ami de longue date de l’ex président Chirac - les deux députés de Polynésie française, Michel Buillard et Bruno Sandras, mais aussi plusieurs maires, représentants à l’assemblée locale ou syndicalistes.

Rédigé par FK le Mardi 19 Avril 2011 à 17:20 | Lu 1741 fois