The Entrance to the Tautira River, John La Farge, Tahiti, vers 1895, huile sur toile, National Gallery of Art.
TAUTIRA, le 22 février 2017. Légende - Même si elles ont des pouvoirs exceptionnels, il est important de savoir bien manier sa lance. Tahiti Heritage vous raconte deux légendes se rapportant à cette arme au long manche : l’origine de la lance de Pai et la légende des frontières mouvantes de Paea.
Légende de l'origine de la lance de Pai
Cette ancienne légende tahitienne, qui raconte l’origine de la lance du héros Pai, nous est contée par l’écrivain écossais Robert Louis Stevenson, qui la recueillit auprès de Ariie, le chef de Tautira, lors de son séjour à Tahiti en 1888.
UNE MALHEUREUSE ENVIE D’IGNAME
Alors que la mère de Pai portait son enfant en son sein, elle eut une envie irrépressible de manger de l’igname (uhi ou ufi), et elle en fit part à son époux. Cet igname poussait alors à profusion dans la vallée de Vaitepaua (Tautira), aussi l’époux s’y rendit-il. Il commença à creuser dès le point du jour pensant être seul dans la vallée. Hélas, deux sorcières vivaient dans cette forêt ; elles l’épièrent, imaginèrent un stratagème, jurèrent sa mort. L’homme creusait encore et encore mais voilà, la racine de uhi, ensorcelée, s’enfonçait toujours plus.
Il creusa la majeure partie de la journée, retirant avec entrain la terre qu’il jetait par-dessus son épaule car il était très fort ; lorsque le soleil eut atteint son zénith, il avait creusé si profond que, les yeux levés vers le ciel, il voyait à présent des étoiles. C’est alors que les sorcières approchèrent du bord du gouffre et ensevelirent le malheureux sous les rochers.
OU EST MON PERE ?
Devenu jeune garçon, Pai demandait aux autres enfants : "Êtes-vous comme moi ? N’avez-vous que votre mère ?" Ceux-ci répondaient : "Comment ? Nous avons une mère et un père." Il demanda alors à sa mère de lui expliquer pourquoi il se trouvait sans père.
Sa mère lui fit alors la réponse suivante : "Quand tu étais encore dans mon ventre, j’ai eu envie de manger du uhi, c’est pourquoi ton père s’est rendu dans la Vaitepiha où il fut tué par les sorcières." L’enfant ressassa cette histoire et, peu à peu, son cœur s’emplit d’une terrible soif de vengeance. Il retourna voir sa mère et lui demanda : "Où puis-je me procurer une lance ? Quel arbre dois-je utiliser ?" Elle lui répondit : "Dans la Vaitepiha pousse un arbre dont ta lance devra être faite. Va dans la vallée où tu le trouveras aisément, c’est le plus grand de tous les arbres."
UN ARBRE DANS LA VALLEE DE VAITEPIHA
Il partit alors, seul, ou du moins, le pensait-il…
Il trouva l’arbre, s’en saisit, car il était très fort, et essaya alors de l’arracher. Mais cet arbre appartenait aux sorcières qui s’accrochaient à ses racines ; Pai tirait et les sorcières tiraient de plus belle. Ils continuèrent ainsi, à deux contre un, et l'arbre grinçait sous leurs assauts répétés. Cependant Pai était d'une force supérieure ; il réussit donc à arracher l’arbre, mais vit alors, oh surprise, que les sorcières étaient agrippées aux racines.
Pai les tua, les lia comme on le fait avec le poisson, puis les mit à sécher au soleil. Il prit l’arbre pour en faire sa lance, puis déterra un os de son père pour en faire la pointe.
Il essaya sa lance en un jet qui perça une colline du bout de la vallée. Il la ramassa et la lança une nouvelle fois ; elle s’éleva au-dessus de la grande île pour retomber dans le district de Punaauia. Il la suivit, la récupéra et la lança une troisième fois ; elle s’éleva alors au-dessus du chenal, transperça une montagne à Moorea, et continua sa course pour atteindre l’île de Raiatea qui trembla lorsqu’elle s’y planta.
Sources : "Two Tahitian Legends : Of the Making of Pai’s Spear", Robert Louis Stevenson, in Longman’s Magazine vol. 19, London, 1891 , réédité dans le Bulletin de la Société des études océaniennes n°328, janvier-avril 2013.
Légende de l'origine de la lance de Pai
Cette ancienne légende tahitienne, qui raconte l’origine de la lance du héros Pai, nous est contée par l’écrivain écossais Robert Louis Stevenson, qui la recueillit auprès de Ariie, le chef de Tautira, lors de son séjour à Tahiti en 1888.
UNE MALHEUREUSE ENVIE D’IGNAME
Alors que la mère de Pai portait son enfant en son sein, elle eut une envie irrépressible de manger de l’igname (uhi ou ufi), et elle en fit part à son époux. Cet igname poussait alors à profusion dans la vallée de Vaitepaua (Tautira), aussi l’époux s’y rendit-il. Il commença à creuser dès le point du jour pensant être seul dans la vallée. Hélas, deux sorcières vivaient dans cette forêt ; elles l’épièrent, imaginèrent un stratagème, jurèrent sa mort. L’homme creusait encore et encore mais voilà, la racine de uhi, ensorcelée, s’enfonçait toujours plus.
Il creusa la majeure partie de la journée, retirant avec entrain la terre qu’il jetait par-dessus son épaule car il était très fort ; lorsque le soleil eut atteint son zénith, il avait creusé si profond que, les yeux levés vers le ciel, il voyait à présent des étoiles. C’est alors que les sorcières approchèrent du bord du gouffre et ensevelirent le malheureux sous les rochers.
OU EST MON PERE ?
Devenu jeune garçon, Pai demandait aux autres enfants : "Êtes-vous comme moi ? N’avez-vous que votre mère ?" Ceux-ci répondaient : "Comment ? Nous avons une mère et un père." Il demanda alors à sa mère de lui expliquer pourquoi il se trouvait sans père.
Sa mère lui fit alors la réponse suivante : "Quand tu étais encore dans mon ventre, j’ai eu envie de manger du uhi, c’est pourquoi ton père s’est rendu dans la Vaitepiha où il fut tué par les sorcières." L’enfant ressassa cette histoire et, peu à peu, son cœur s’emplit d’une terrible soif de vengeance. Il retourna voir sa mère et lui demanda : "Où puis-je me procurer une lance ? Quel arbre dois-je utiliser ?" Elle lui répondit : "Dans la Vaitepiha pousse un arbre dont ta lance devra être faite. Va dans la vallée où tu le trouveras aisément, c’est le plus grand de tous les arbres."
UN ARBRE DANS LA VALLEE DE VAITEPIHA
Il partit alors, seul, ou du moins, le pensait-il…
Il trouva l’arbre, s’en saisit, car il était très fort, et essaya alors de l’arracher. Mais cet arbre appartenait aux sorcières qui s’accrochaient à ses racines ; Pai tirait et les sorcières tiraient de plus belle. Ils continuèrent ainsi, à deux contre un, et l'arbre grinçait sous leurs assauts répétés. Cependant Pai était d'une force supérieure ; il réussit donc à arracher l’arbre, mais vit alors, oh surprise, que les sorcières étaient agrippées aux racines.
Pai les tua, les lia comme on le fait avec le poisson, puis les mit à sécher au soleil. Il prit l’arbre pour en faire sa lance, puis déterra un os de son père pour en faire la pointe.
Il essaya sa lance en un jet qui perça une colline du bout de la vallée. Il la ramassa et la lança une nouvelle fois ; elle s’éleva au-dessus de la grande île pour retomber dans le district de Punaauia. Il la suivit, la récupéra et la lança une troisième fois ; elle s’éleva alors au-dessus du chenal, transperça une montagne à Moorea, et continua sa course pour atteindre l’île de Raiatea qui trembla lorsqu’elle s’y planta.
Sources : "Two Tahitian Legends : Of the Making of Pai’s Spear", Robert Louis Stevenson, in Longman’s Magazine vol. 19, London, 1891 , réédité dans le Bulletin de la Société des études océaniennes n°328, janvier-avril 2013.
L'igname, ufi ou uhi, est une plante alimentaire à grande valeur nutritive, en raison de sa richesse en glucides, en fibres et en minéraux, dont on utilise uniquement les racines. Il était cultivé dans toute la Polynésie bien avant l'arrivée des navigateurs européens. L'un de ses grands intérêts est que sa production, correspond à celle où le 'uru (l'arbre à pain) ne produit pas de fruits.
La grotte de Maraa en 1933. Cette grotte se situe à côté de la limite entre les communes de Paea et de Papara.
Légende des frontières mouvantes de Paea, dite légende de Teriitaumatatini
Il y a fort longtemps, régnait à Paea un prince de la très fameuse famille des Oropaa qui était adoré par sa population. Ses terres étaient riches et prospères. Mais un jour, son voisin jaloux, le prince Teva de Papara décida de s’emparer de ce royaume où la nature semblait si généreuse.
LE PRINCE TEVA DE PAPARA S’EMPARE DU ROYAUME DE PAEA
Le prince Teva de Papara entraîna secrètement son armée et, traîtreusement, par une nuit sans lune, il envahit le pays sans déclaration de guerre. Ses hommes semèrent ruines et désolation sur leur passage. L’armée du prince Oropaa, malgré sa bravoure et son héroïsme, fut mise en déroute. Le prince fut tué après s’être battu vaillamment pendant toute la nuit.
Il avait un fils, Teriitaumatatini. Les serviteurs lui sauvèrent la vie en le mettant à l’abri dans la vallée d’Orofero, avec les vieillards, les femmes et les enfants.
Quand il apprit la mort de son père, le jeune prince courut rejoindre le champ de bataille. Arrivé sur les lieux du drame, il se planta devant le prince Teva et de sa voix la plus forte, le traita d’assassin, de voleur de terre et l’accusa d’avoir agi comme un lâche, sans déclaration de guerre, comme le voulait la tradition. Teva voyant qu’il avait affaire à un adolescent enflammé se moqua de lui et lui recommanda de montrer du respect à son nouveau maître. Teriitaumatatini loin de calmer son ardeur continua à l’insulter. Quand il aperçut la lance de son père dans la main de son ennemi, il le provoqua en duel.
JE VEUX ME BATTRE AVEC LA LANCE DE MON PERE
Le victorieux chef Teva, pris entre colère et admiration pour la ténacité et la bravoure du si jeune homme, lui dit : "Puisque tu n’as plus d’armée, choisis un de mes guerriers. C’est avec lui que tu te battras en duel avec l’arme de ton choix !"
–"Non Teva, bien qu’il me déplaise de jouer pour reconquérir ma terre, celle de mes valeureux ancêtres, c’est contre toi que je veux me battre, et cela avec la vibrante lance de mon père !"
–"Bien, dit le chef Teva. Nous lancerons nos armes, et si la tienne va plus loin que la mienne, je te rendrai la portion de territoire entre nos deux lances !"
LE COMBAT DES CHEFS
Teriitaumatatini prit la lance des mains de Teva et lui ordonna : "Commence !" Teva, lassé de tant de palabres, prit son élan et d’un geste sûr lança son long javelot. L’arme décrivit une courbe très haut dans le ciel et se planta profondément dans le sol à une grande distance de la ligne de départ. Teriitaumatatini à son tour envoya sa lance et la planta quelques pas plus loin que celle du chef Teva. Ce dernier eut un murmure admiratif en regardant le jeune insolent. Il savait combien cette arme était lourde et difficile à manier. Tous les deux s’avancèrent vers leurs lances et Teriitaumatatini dit : "C’est toi qui a perdu, c’est toi qui recommences !"
Teva se concentra et lança son arme deux fois plus loin que la première fois. Teriitaumatatini connaissait la force de son ennemi et savait que celui-ci ne donnait pas toute sa puissance. Il recula de deux pas et envoya sa lance encore plus loin que celle de Teva. Cette fois, la foule où se mêlaient guerriers vainqueurs et population vaincue, manifesta son émerveillement devant la prouesse du jeune prince. Marchant vers leurs lances, les deux adversaires s’observaient.
Teva dit à Teriitaumatatini : "Reste sur la même ligne que moi ! Alors lance ton javelot avec toute ta force. N’essaie pas de m’épargner ou de m’humilier !" Et Teva envoya sa lance le plus loin qu’il pût, mais à chaque fois, Teriitaumatatini le dépassa. La journée touchait à sa fin, le soleil descendait sur l’horizon, les deux combattants avaient lancé tant de fois leurs javelots que même la légende ne peut le raconter.
SEUL LE PATRIMOINE DE MES AÏEUX M’IMPORTE !
Teriitaumatatini avait presque reconquis la totalité des terres de ses ancêtres. La foule des habitants de Paea les suivait et bientôt leurs cris d’admiration se mêlèrent à ceux des habitants de Papara venus accueillir leur chef victorieux et leurs guerriers couverts de gloire. Quand le soleil fut presque couché, Teva dit à Teriihaumatatini : "Il ne te reste plus qu’un lancer pour récupérer ta terre. Si je lance ma lance plus loin, je te donnerai le bout de terre qui m’appartient. Mais je voudrais voir aujourd’hui ta véritable force."
– "Non", répliqua Teriitaumatatini, "Le moment n’est pas encore venu. Lance ta lance aussi loin que tu peux, je ne peinerai pas ton peuple qui est venu à ta rencontre, ni n’offenserai tes guerriers qui te suivent."
Teva lança son javelot de toutes ses forces sous les acclamations des spectateurs et alla le planter très loin, bien au-delà de la frontière délimitée par les tiki. Un grand silence se fit. Chacun retenait son souffle, attendant l’ultime lancer du prince. Mais Teriitaumatatini marcha droit et fier vers la limite des frontières et planta sa lance aux pieds d’un des tiki-gardiens. Il se retourna et s’adressa à la multitude qui l’acclamait :" Mon intention n’est pas d’aller plus loin. Seul le patrimoine de mes aïeux m’importe !"
JE VOUDRAIS QUE TES DESCENDANTS SOIENT AUSSI LES MIENS
Alors, devant tant de qualités physiques et morales, le chef Teva appela sa fille. Les membres de son clan s’écartèrent pour laisser passer la jeune princesse. "Voici ta femme", dit Teva au jeune prince. "Je voudrais que tes descendants soient aussi les miens. Quant à ma lance, je la laisse pour eux."
C’est ainsi que Teriitaumatatini, prince du clan des Oropaa, de la dynastie des nobles visages, ou prince aux multiples yeux, c’est-à-dire "celui qui ne se laisse pas surprendre", recouvra son territoire sans verser une goutte de sang et se maria avec une fameuse princesse de Paea.
Il y a fort longtemps, régnait à Paea un prince de la très fameuse famille des Oropaa qui était adoré par sa population. Ses terres étaient riches et prospères. Mais un jour, son voisin jaloux, le prince Teva de Papara décida de s’emparer de ce royaume où la nature semblait si généreuse.
LE PRINCE TEVA DE PAPARA S’EMPARE DU ROYAUME DE PAEA
Le prince Teva de Papara entraîna secrètement son armée et, traîtreusement, par une nuit sans lune, il envahit le pays sans déclaration de guerre. Ses hommes semèrent ruines et désolation sur leur passage. L’armée du prince Oropaa, malgré sa bravoure et son héroïsme, fut mise en déroute. Le prince fut tué après s’être battu vaillamment pendant toute la nuit.
Il avait un fils, Teriitaumatatini. Les serviteurs lui sauvèrent la vie en le mettant à l’abri dans la vallée d’Orofero, avec les vieillards, les femmes et les enfants.
Quand il apprit la mort de son père, le jeune prince courut rejoindre le champ de bataille. Arrivé sur les lieux du drame, il se planta devant le prince Teva et de sa voix la plus forte, le traita d’assassin, de voleur de terre et l’accusa d’avoir agi comme un lâche, sans déclaration de guerre, comme le voulait la tradition. Teva voyant qu’il avait affaire à un adolescent enflammé se moqua de lui et lui recommanda de montrer du respect à son nouveau maître. Teriitaumatatini loin de calmer son ardeur continua à l’insulter. Quand il aperçut la lance de son père dans la main de son ennemi, il le provoqua en duel.
JE VEUX ME BATTRE AVEC LA LANCE DE MON PERE
Le victorieux chef Teva, pris entre colère et admiration pour la ténacité et la bravoure du si jeune homme, lui dit : "Puisque tu n’as plus d’armée, choisis un de mes guerriers. C’est avec lui que tu te battras en duel avec l’arme de ton choix !"
–"Non Teva, bien qu’il me déplaise de jouer pour reconquérir ma terre, celle de mes valeureux ancêtres, c’est contre toi que je veux me battre, et cela avec la vibrante lance de mon père !"
–"Bien, dit le chef Teva. Nous lancerons nos armes, et si la tienne va plus loin que la mienne, je te rendrai la portion de territoire entre nos deux lances !"
LE COMBAT DES CHEFS
Teriitaumatatini prit la lance des mains de Teva et lui ordonna : "Commence !" Teva, lassé de tant de palabres, prit son élan et d’un geste sûr lança son long javelot. L’arme décrivit une courbe très haut dans le ciel et se planta profondément dans le sol à une grande distance de la ligne de départ. Teriitaumatatini à son tour envoya sa lance et la planta quelques pas plus loin que celle du chef Teva. Ce dernier eut un murmure admiratif en regardant le jeune insolent. Il savait combien cette arme était lourde et difficile à manier. Tous les deux s’avancèrent vers leurs lances et Teriitaumatatini dit : "C’est toi qui a perdu, c’est toi qui recommences !"
Teva se concentra et lança son arme deux fois plus loin que la première fois. Teriitaumatatini connaissait la force de son ennemi et savait que celui-ci ne donnait pas toute sa puissance. Il recula de deux pas et envoya sa lance encore plus loin que celle de Teva. Cette fois, la foule où se mêlaient guerriers vainqueurs et population vaincue, manifesta son émerveillement devant la prouesse du jeune prince. Marchant vers leurs lances, les deux adversaires s’observaient.
Teva dit à Teriitaumatatini : "Reste sur la même ligne que moi ! Alors lance ton javelot avec toute ta force. N’essaie pas de m’épargner ou de m’humilier !" Et Teva envoya sa lance le plus loin qu’il pût, mais à chaque fois, Teriitaumatatini le dépassa. La journée touchait à sa fin, le soleil descendait sur l’horizon, les deux combattants avaient lancé tant de fois leurs javelots que même la légende ne peut le raconter.
SEUL LE PATRIMOINE DE MES AÏEUX M’IMPORTE !
Teriitaumatatini avait presque reconquis la totalité des terres de ses ancêtres. La foule des habitants de Paea les suivait et bientôt leurs cris d’admiration se mêlèrent à ceux des habitants de Papara venus accueillir leur chef victorieux et leurs guerriers couverts de gloire. Quand le soleil fut presque couché, Teva dit à Teriihaumatatini : "Il ne te reste plus qu’un lancer pour récupérer ta terre. Si je lance ma lance plus loin, je te donnerai le bout de terre qui m’appartient. Mais je voudrais voir aujourd’hui ta véritable force."
– "Non", répliqua Teriitaumatatini, "Le moment n’est pas encore venu. Lance ta lance aussi loin que tu peux, je ne peinerai pas ton peuple qui est venu à ta rencontre, ni n’offenserai tes guerriers qui te suivent."
Teva lança son javelot de toutes ses forces sous les acclamations des spectateurs et alla le planter très loin, bien au-delà de la frontière délimitée par les tiki. Un grand silence se fit. Chacun retenait son souffle, attendant l’ultime lancer du prince. Mais Teriitaumatatini marcha droit et fier vers la limite des frontières et planta sa lance aux pieds d’un des tiki-gardiens. Il se retourna et s’adressa à la multitude qui l’acclamait :" Mon intention n’est pas d’aller plus loin. Seul le patrimoine de mes aïeux m’importe !"
JE VOUDRAIS QUE TES DESCENDANTS SOIENT AUSSI LES MIENS
Alors, devant tant de qualités physiques et morales, le chef Teva appela sa fille. Les membres de son clan s’écartèrent pour laisser passer la jeune princesse. "Voici ta femme", dit Teva au jeune prince. "Je voudrais que tes descendants soient aussi les miens. Quant à ma lance, je la laisse pour eux."
C’est ainsi que Teriitaumatatini, prince du clan des Oropaa, de la dynastie des nobles visages, ou prince aux multiples yeux, c’est-à-dire "celui qui ne se laisse pas surprendre", recouvra son territoire sans verser une goutte de sang et se maria avec une fameuse princesse de Paea.
Anciennes lances tahitiennes