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Le parcours tumultueux des Polynésiens pour vivre au Canada


Les données biométriques consistent en une photo et la prise des empreintes digitales. Crédit : Immigration et Citoyenneté Canadienne.
Les données biométriques consistent en une photo et la prise des empreintes digitales. Crédit : Immigration et Citoyenneté Canadienne.
Tahiti, le 6 février 2020 - Pour des raisons de sécurité, le Canada oblige depuis 2018 les personnes désireuses de s’installer dans le pays à fournir personnellement leurs données biométriques. Le problème est que cette collecte de données, sauf exception, ne peut pas se faire en Polynésie, obligeant ainsi les Polynésiens à se rendre à l’étranger dans des centres agréés pour les obtenir.

"J’ai dû me rendre à Hawaii pour faire faire mes données biométriques. Une fois que j’ai eu ces données, j’ai pu avoir mon permis d’études", explique le jeune Maui Manavarere, installé au Québec depuis le 15 juillet 2019.
Car effectivement, depuis le 31 décembre 2018, le Canada a étendu sa collecte des données biométriques à la zone Pacifique. Ces données sont désormais obligatoires pour tous les demandeurs de résidence permanente, quel que soit leur pays d’origine, tous les demandeurs de permis de travail, d’études, de séjour temporaire — sauf pour les Américains — et pour les demandeurs de visa de visiteur. A noter que les personnes de moins de 14 ans et celles de plus de 79 ans sont dispensées de collecte de données biométriques.

Prise des empreintes digitales et une photo

La jeune Anaïs Trondle est partie étudier à Montréal.
La jeune Anaïs Trondle est partie étudier à Montréal.
Pour le pays à la feuille d’érable, cette mesure est principalement sécuritaire. "La collecte des données biométriques est judicieuse à de nombreux égards : elle met un frein à ceux qui posent un risque à la sécurité des Canadiens, tout en aidant les agents à mieux gérer l’identité des demandeurs, en facilitant le traitement des demandes et en simplifiant l’entrée des voyageurs ayant une identité légitime" , indique le site internet d’immigration du Canada.
Pour faire faire ses données biométriques, le prétendant doit déjà en faire la demande. Et comme souvent dans ces cas-là, il doit s’acquitter de frais pour un montant de 7 000 Fcfp environ. Ensuite, il reçoit assez rapidement une lettre d’instructions afin d’effectuer ces précieux prélèvements sous 30 jours.
Ces données biométriques consistent en la prise des empreintes digitales et une petite photo. Bref, rien de très compliqué de prime abord, sauf qu’il y a un petit hic… Il n‘est pas possible de collecter ces données en Polynésie française. Elles peuvent l’être dans les centres de soutien aux demandeurs - Application Support Centers (ASC) aux États-Unis et dans ses territoires ; depuis décembre 2019 à un bureau Service Canada (BSC) désigné ou dans les centres de réception des demandes de visa (CRDV). Mais quid d’un tel centre en Polynésie ?
Les jeunes Polynésiens qui décident de poursuivre leurs études au pays des caribous doivent donc se déplacer dans un CRDV à travers le monde, mais il n’y en a pas partout… Les CRDV les plus près dans le Pacifique se situent en Australie (à Sydney et depuis peu à Melbourne), en Nouvelle-Zélande (Auckland) ou à Fidji (Suva).
Ils peuvent également faire prélever leurs données biométriques en se rendant dans un ASC aux Etats-Unis (Los Angeles), à Guam (Barrigada), à Hawaii (Honolulu)…

"260 000 Fcfp pour nous deux"

Bref, pas si simple et surtout plutôt onéreux pour de futurs étudiants ! "J’y suis allé avec mon père, on a réussi à trouver des billets pour Hawaii aux environs de 80 000 Fcfp par personne. Au total avec l’hébergement, la nourriture, etc. cela nous a coûté à peu près 260 000 Fcfp pour nous deux, ça fait un sacré budget. Surtout qu’une fois sur place, le rendez-vous a duré seulement 5 minutes entre la photo et les empreintes", note Maui Manavarere, tout jeune étudiant de 18 ans en administration des affaires à Montréal. Et une fois la collecte de ces données accomplie, le temps de traitement peut être plus ou moins long selon les centres.

Un projet pilote mené par le Canada

Anaïs Trondle, jeune étudiante en criminologie à l’Université de Montréal, a eu beaucoup plus de chance. Cette ancienne du lycée La Mennais a pu, elle, effectuer le prélèvement de ses données en Polynésie en mars dernier. En effet, la jeune fille a bénéficié d’un projet pilote mené par le Canada à Tahiti et à Honiara, aux Îles Salomon. "Nous avons appris que le gouvernement du Canada envoyait faire une collecte de données dans un hôtel à Faa’a. Peu de personnes sont venues, car peu de personnes étaient au courant. Cela nous a vraiment rendu service, car sinon, on avait planifié d’aller avec ma mère un week-end à Auckland exprès pour faire cela. Ça nous a fait faire pas mal d’économies. On a ensuite dû attendre d’avoir les données et j’ai pu demander mon permis pour aller étudier à Montréal. On a encore dû attendre quelques semaines avant de l’obtenir", se réjouit la jeune fille.

Malheureusement pour ceux qui veulent découvrir le froid intense de l’hiver québécois, à l’heure actuelle le Haut-Commissariat de la Polynésie française n’a toujours pas reçu de nouvelle offre de ce type de la part du Canada pour cette année. Pour se consoler, sachez que ces données sont valables dix ans.

le Jeudi 6 Février 2020 à 16:44 | Lu 3616 fois