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Le gouvernement français dévoile un projet de budget en terrain miné


Crédit STEPHANE DE SAKUTIN / POOL / AFP
Crédit STEPHANE DE SAKUTIN / POOL / AFP
Paris, France | AFP | jeudi 10/10/2024 - Le gouvernement français dévoile jeudi son projet de budget pour 2025, un exercice à haut risque tant l'effort prévu pour réduire le vertigineux déficit public est massif et tant l'Assemblée nationale est fragmentée.

"Je veux que cet effort soit juste et qu'il soit équilibré", a affirmé jeudi devant la presse le Premier ministre Michel Barnier en marge d'un déplacement dans la Vienne, ajoutant que "l'attractivité ou la crédibilité de la signature française doit être préservée".

Revalorisation des pensions reportée, postes de fonctionnaires supprimés, exonérations de cotisations sociales des entreprises réduites... L'exécutif détaillera comment il compte trouver "60 milliards d'euros" dans les projets de loi de finances (PLF) et de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour redresser des finances publiques à la dérive. 

Malgré une levée de boucliers jusqu'en son sein sur les économies et les hausses d'impôts envisagées et sur fond de tensions dans l'alliance LR-Macronie, il vise un effort partagé pour éloigner la menace d'une "crise financière" et préserver la crédibilité française auprès des marchés financiers et de l'UE qui a épinglé Paris pour ses déficits publics.  

L'heure est jugée grave, avant le verdict des agences de notation sur la solidité financière de la France dans les prochaines semaines, dont Fitch vendredi. Quoique sa dette reste prisée des investisseurs, elle emprunte à des taux d'intérêt proches de ceux des pays sud-européens réputés plus risqués. 

Préparé "en extrême urgence" et présenté avec un retard inédit, le projet de budget prévoit de réaliser les deux tiers de l'effort, soit quelque 40 milliards d'euros, selon le gouvernement, grâce à des réductions de dépenses.

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L'Etat sera le plus gros contributeur, à hauteur de 20 milliards d'euros, selon Bercy. Les fonctionnaires sont dans le viseur, tandis que les ministères devront fournir 5 milliards d'économies, outre un gel de leurs crédits. Les ministères concernés par une loi de programmation, comme la Défense, seront préservés. 

Les économies s'appuieront également sur des efforts de réorganisation et de modernisation des administrations, notamment le regroupement de structures ayant des activités proches, une simplification du fonctionnement de l'Etat et des normes.

La sécurité sociale doit dégager 15 milliards, notamment via le report décrié de six mois, au 1er juillet, de l'indexation des pensions (pour 4 milliards).  

Les aides à l'embauche d'apprentis subiront un coup de rabot, comme les allègements de charges. Cette hausse du coût du travail est décriée par le Medef, première organisation patronale, qui y voit une menace pour des "centaines de milliers d'emplois". 

Les collectivités locales sont priées de participer à l'effort pour 5 milliards d'euros, accusées par le précédent gouvernement d'avoir laissé s'envoler leurs dépenses. "Indigné" par les demandes d'économies, le maire de Verdun (Meuse) Samuel Hazard a proposé "une démission généralisée des assemblées locales", dans un courrier consulté jeudi par l'AFP et adressé aux présidents de l'Association des maires de France (AMF) et des Intercommunalités de France.

Des hausses d'impôts sont par ailleurs prévues pour 20 milliards d'euros selon le gouvernement au nom de la "justice fiscale", après sept ans de baisse offensive de la fiscalité dans un pays encore champion des prélèvements obligatoires et des dépenses. 

Les 65.000 foyers fiscaux les plus fortunés (soit 0,3% du total) s'acquitteront d'une surtaxe "exceptionnelle" qui porterait leur taux minimal d'imposition à 20%. Et 300 entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse un milliard d'euros paieront plus que le taux de 25% de l'impôt sur les sociétés, pendant un an ou deux.

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Les transports polluants paieront également leur écot, avec un malus écologique durci voire une taxe sur le secteur aérien, tandis qu'après une baisse énorme durant la crise inflationniste, une taxe sur l'électricité (TICFE) serait relevée drastiquement.

Se défendant de tout "choc fiscal", M. Barnier a promis d'épargner "les plus fragiles" et "ceux qui travaillent".

Après un dérapage attendu à 6,1% du PIB cette année, l'objectif est de ramener le déficit public à 5% dès 2025, pour revenir en 2029 sous la limite de 3% tolérée par Bruxelles.  

La dette, de 3.228,4 milliards d'euros fin juin (112% du PIB), a gonflé d'un millier de milliards depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Elysée, lestée par le coût des crises et de recettes fiscales récentes qui ont été décevantes. Elle frôlera 115% du PIB l'an prochain.

Le chemin de croix budgétaire s'avère d'autant plus ardu qu'il se greffe sur une grande instabilité politique.

Le gouvernement se dit ouvert au dialogue avec les parlementaires mais, fragmentés en trois blocs, les députés sont réticents aux concessions. En conséquence, le budget pourrait être adopté sans vote, via l'article 49.3 de la Constitution.

le Jeudi 10 Octobre 2024 à 07:25 | Lu 260 fois