Paris, France | AFP | vendredi 26/03/2020 - Allô... ne coupez pas! Psychologues et analystes recourent massivement au téléphone ou à la visioconférence pour garder le lien avec des patients par définition fragiles, et d'autant plus angoissés par le confinement imposé par le coronavirus.
Susan S., analyste dans le IXe arrondissement parisien, a immédiatement proposé de faire les séances au téléphone. "La moitié des patients ont accepté. Il y a dix ans, c'était impensable".
A Paris, où le logement est souvent petit, difficile de se livrer à son thérapeute sans être à portée de voix du conjoint ou des enfants. Le psychanalyste-psychothérapeute Nicolas Rambourg a fait une première séance téléphonique avec un patient tandis que la petite amie écoutait à côté. Pour la deuxième séance, son patient l'avait envoyée faire les courses, et à la troisième, il s'était calfeutré dans la salle de bains.
Responsable d'un centre médico-psycho-pédagogique dans le Xe arrondissement qui gère 180 rendez-vous avec des enfants et adolescents par semaine, il a dû réorganiser les soins à distance.
"On a appelé toutes les familles pour savoir s'il était possible de continuer les soins avec les enfants dans de bonnes conditions: pas question de faire un entretien avec un enfant au milieu du salon, toute la famille autour et la télé allumée", dit-il. "J'ai un enfant en soins qui n'est pas très bavard, pour lequel la séance se passe souvent autour d'un jeu du pendu, on a procédé avec la vidéo sur le téléphone portable et ça a très bien fonctionné".
Une collègue a préféré recourir aux SMS avec un petit patient d'une famille nombreuse, pour préserver la confidentialité.
"Les enfants sont très demandeurs", note-t-il. Pour les adultes qu'il voit dans son cabinet, c'est parfois plus compliqué. "Un de mes patients a très mal pris que je cesse de lui serrer la main, c'était pour lui un signal de rupture". Le patient a été "très soulagé" de poursuivre les séances au téléphone.
Pour les adolescents, le confinement ravive "les grandes questions philosophiques: c'est quoi la vie qu'on mène?" Une étudiante qui, adolescente, avait vécu un épisode dépressif, "s'est effondrée pendant le confinement, elle m'a dit: +ça me rappelle ma dépression+".
Barbara Goutte, psychologue dans un hôpital psychiatrique pour adolescents de la région parisienne, observe que "le confinement peut réactiver des craintes d'abandon, provoquer des replis dépressifs. Plusieurs adolescents m'ont dit qu'ils n'arrivaient pas à se lever le matin".
Elle effectue ses consultations par téléphone, et "pour les malades les plus graves, je propose par Skype ou WhatsApp pour maintenir un lien visuel, car ça peut être angoissant de se livrer sans voir son thérapeute".
Elle observe que "le confinement peut être mal supporté dans des familles précaires, où parents et adolescents ont du mal à s'exprimer. On craint une montée des violences familiales et des maltraitances", dit-elle.
Lucille, psychologue dans un hôpital de jour de Seine-Saint-Denis, évoque le cas d'adolescents "qui ont du mal avec les figures parentales et sont condamnés à la promiscuité avec leurs parents, sans la ressource de voir leurs amis. Le risque, c'est que l'ado s'enferme dans un monde parallèle, avec les jeux vidéos, les écrans".
"Paradoxalement, nos enfants autistes ne se portent pas si mal, le ralentissement de toute la société, l'immobilisme les rassure, c'est pour les parents que c'est difficile", témoigne-t-elle. D'autant que certains "ont beaucoup besoin de bouger". Ceux-là sont reçus par roulement d'une heure dans l'établissement.
Dans l'hôpital de Colombes où Nicolas Rambourg donne une journée de consultation par semaine, une attention particulière est donnée aux familles endeuillées. "J'ai un petit patient dont le père cancéreux est mort juste avant le confinement. On leur a accordé d'abord dix personnes pour les funérailles, ensuite trois de la famille pendant dix minutes... et après, personne. Ce petit garçon me dit +je sais même pas ce que ça me fait, c'est comme si papa était toujours à l'hôpital, mais comme l'hôpital est fermé, on peut pas le voir+".
"J'ai insisté auprès de la mère pour qu'ils organisent une cérémonie dans quelques temps, c'est très compliqué de vivre un deuil sans rituel", souligne-t-il.
Susan S., analyste dans le IXe arrondissement parisien, a immédiatement proposé de faire les séances au téléphone. "La moitié des patients ont accepté. Il y a dix ans, c'était impensable".
A Paris, où le logement est souvent petit, difficile de se livrer à son thérapeute sans être à portée de voix du conjoint ou des enfants. Le psychanalyste-psychothérapeute Nicolas Rambourg a fait une première séance téléphonique avec un patient tandis que la petite amie écoutait à côté. Pour la deuxième séance, son patient l'avait envoyée faire les courses, et à la troisième, il s'était calfeutré dans la salle de bains.
Responsable d'un centre médico-psycho-pédagogique dans le Xe arrondissement qui gère 180 rendez-vous avec des enfants et adolescents par semaine, il a dû réorganiser les soins à distance.
"On a appelé toutes les familles pour savoir s'il était possible de continuer les soins avec les enfants dans de bonnes conditions: pas question de faire un entretien avec un enfant au milieu du salon, toute la famille autour et la télé allumée", dit-il. "J'ai un enfant en soins qui n'est pas très bavard, pour lequel la séance se passe souvent autour d'un jeu du pendu, on a procédé avec la vidéo sur le téléphone portable et ça a très bien fonctionné".
Une collègue a préféré recourir aux SMS avec un petit patient d'une famille nombreuse, pour préserver la confidentialité.
"Les enfants sont très demandeurs", note-t-il. Pour les adultes qu'il voit dans son cabinet, c'est parfois plus compliqué. "Un de mes patients a très mal pris que je cesse de lui serrer la main, c'était pour lui un signal de rupture". Le patient a été "très soulagé" de poursuivre les séances au téléphone.
- "Replis dépressifs" -
Pour les adolescents, le confinement ravive "les grandes questions philosophiques: c'est quoi la vie qu'on mène?" Une étudiante qui, adolescente, avait vécu un épisode dépressif, "s'est effondrée pendant le confinement, elle m'a dit: +ça me rappelle ma dépression+".
Barbara Goutte, psychologue dans un hôpital psychiatrique pour adolescents de la région parisienne, observe que "le confinement peut réactiver des craintes d'abandon, provoquer des replis dépressifs. Plusieurs adolescents m'ont dit qu'ils n'arrivaient pas à se lever le matin".
Elle effectue ses consultations par téléphone, et "pour les malades les plus graves, je propose par Skype ou WhatsApp pour maintenir un lien visuel, car ça peut être angoissant de se livrer sans voir son thérapeute".
Elle observe que "le confinement peut être mal supporté dans des familles précaires, où parents et adolescents ont du mal à s'exprimer. On craint une montée des violences familiales et des maltraitances", dit-elle.
Lucille, psychologue dans un hôpital de jour de Seine-Saint-Denis, évoque le cas d'adolescents "qui ont du mal avec les figures parentales et sont condamnés à la promiscuité avec leurs parents, sans la ressource de voir leurs amis. Le risque, c'est que l'ado s'enferme dans un monde parallèle, avec les jeux vidéos, les écrans".
"Paradoxalement, nos enfants autistes ne se portent pas si mal, le ralentissement de toute la société, l'immobilisme les rassure, c'est pour les parents que c'est difficile", témoigne-t-elle. D'autant que certains "ont beaucoup besoin de bouger". Ceux-là sont reçus par roulement d'une heure dans l'établissement.
Dans l'hôpital de Colombes où Nicolas Rambourg donne une journée de consultation par semaine, une attention particulière est donnée aux familles endeuillées. "J'ai un petit patient dont le père cancéreux est mort juste avant le confinement. On leur a accordé d'abord dix personnes pour les funérailles, ensuite trois de la famille pendant dix minutes... et après, personne. Ce petit garçon me dit +je sais même pas ce que ça me fait, c'est comme si papa était toujours à l'hôpital, mais comme l'hôpital est fermé, on peut pas le voir+".
"J'ai insisté auprès de la mère pour qu'ils organisent une cérémonie dans quelques temps, c'est très compliqué de vivre un deuil sans rituel", souligne-t-il.