Managua, Nicaragua | AFP | mercredi 20/02/2018 - Il était annoncé comme le chantier le plus ambitieux d'Amérique latine: le projet de canal du Nicaragua, porté par un groupe chinois mystérieux, semble s'être évanoui, victime de difficultés financières et de l'intérêt diplomatique de Pékin pour le Panama voisin.
D'un budget estimé à 50 milliards de dollars, le projet "a perdu tout financement car il ne réunissait pas les conditions nécessaires de fiabilité", assure à l'AFP l'ex-député de l'opposition et professeur d'université Eliseo Nuñez.
Il y a cinq ans, le magnat chinois Wang Jing, proriétaire de l'entreprise HK Nicaragua Development Investment (HKND), décrochait une concession du gouvernement du président Daniel Ortega pour concevoir, construire et gérer pendant un siècle un canal interocéanique de 276 kilomètres de long.
L'annonce avait reçu un écho international en raison de l'ambition affichée de concurrencer le célèbre canal de Panama, passage incontournable du fret maritime entre océans Pacifique et Atlantique.
En inaugurant les travaux fin 2014, Wang Jing affirmait vouloir faire du Nicaragua le pays le plus riche de la région (alors qu'il en est l'un des plus pauvres). La chance ne lui a pas souri: un an plus tard, il perdait une grande partie de sa fortune, estimée à 10,2 milliards de dollars, selon l'agence Bloomberg. Depuis, il a simplement disparu.
"C'est un fantôme, on ne l'a plus revu", indique l'avocate spécialisée en environnement Monica Lopez, auteure d'un livre sur le canal intitulé "La livraison d'un pays".
Les études de faisabilité financière, réalisées selon HKND par le cabinet McKinsey, n'ont jamais été publiées. Des pays comme l'Iran, qui s'étaient dit intéressés par le projet, n'en parlent plus.
La construction des autoroutes d'accès au canal, sur la côte Pacifique sud, est suspendue et les travaux d'excavation, démarrés en 2016, sont aussi paralysés.
Contactée par l'AFP, l'Autorité du canal du Nicaragua nie tout arrêt du chantier. "C'est vrai qu'il y a eu des retards mais l'entreprise (HKND) est en train de travailler, c'est un projet très grand. Il avance lentement mais normalement", assure Manuel Coronel Kautz, son président.
La plupart des observateurs sont sceptiques: le canal "a perdu de son intérêt au moment où l'investisseur chinois s'est affaibli, et le gouvernement nicaraguayen n'a pas la capacité de faire avancer le projet par lui-même", commente Victor Campos, directeur de l'association écologiste Centro Humboldt.
Autre élément qui a joué en sa défaveur: le rétablissement des relations diplomatiques entre Pékin et le Panama, en juin dernier.
L'Amérique centrale, stratégique en raison de sa proximité des Etats-Unis, est convoitée, diplomatiquement, par la Chine et Taïwan, ce dernier ayant eu longtemps l'avantage avant de se faire rafler les faveurs de Panama.
Mais Managua ne semble pas intéresser Pékin: "la Chine va investir 25 milliards de dollars (par an) dans différents pays d'Amérique latine, mais le Nicaragua n'est pas sur son radar", affirme l'ex-diplomate Mauricio Diaz.
"On a toujours spéculé sur le possible intérêt de l'Etat chinois dans la concession (du canal), mais les 19 accords commerciaux souscrits l'an dernier par la Chine avec le Panama indiquent que son intérêt est concentré" dans ce pays, plus riche et déjà équipé d'un canal récemment agrandi, estime Monica Lopez.
Eliseo Nuñez rappelle qu'il s'agit d'une initiative privée. "Je ne suis pas sûr que la Chine soit derrière le canal, il semble que Wang ait agi seul" et "que le Nicaragua soit tombé dans une sorte d'arnaque internationale", avance-t-il, soulignant les incertitudes légales liées à la concession du canal, très avantageuse pour HKND.
Le Nicaragua n'a ainsi aucun recours possible, au civil comme au pénal, contre l'investisseur en cas de non-respect du contrat. Il faut 60% de votes au Parlement pour annuler la concession.
Cette dernière "est une épée de Damoclès au-dessus des paysans car elle autorise à exproprier les terres, non seulement dans la frange du canal mais dans tout le Nicaragua", affirme Violeta Granera, une dirigeante de l'opposition.
Les habitants restent inquiets face à ce projet qui entraînerait le déplacement de milliers d'entre eux et traverserait le lac Cocibolca, plus grande réserve d'eau douce d'Amérique centrale.
Tant que la loi sera en vigueur, "nous n'arrêterons pas de lutter", promet Francisca Ramirez, leader du mouvement anti-canal, qui a multiplié les manifestations.
D'un budget estimé à 50 milliards de dollars, le projet "a perdu tout financement car il ne réunissait pas les conditions nécessaires de fiabilité", assure à l'AFP l'ex-député de l'opposition et professeur d'université Eliseo Nuñez.
Il y a cinq ans, le magnat chinois Wang Jing, proriétaire de l'entreprise HK Nicaragua Development Investment (HKND), décrochait une concession du gouvernement du président Daniel Ortega pour concevoir, construire et gérer pendant un siècle un canal interocéanique de 276 kilomètres de long.
L'annonce avait reçu un écho international en raison de l'ambition affichée de concurrencer le célèbre canal de Panama, passage incontournable du fret maritime entre océans Pacifique et Atlantique.
En inaugurant les travaux fin 2014, Wang Jing affirmait vouloir faire du Nicaragua le pays le plus riche de la région (alors qu'il en est l'un des plus pauvres). La chance ne lui a pas souri: un an plus tard, il perdait une grande partie de sa fortune, estimée à 10,2 milliards de dollars, selon l'agence Bloomberg. Depuis, il a simplement disparu.
"C'est un fantôme, on ne l'a plus revu", indique l'avocate spécialisée en environnement Monica Lopez, auteure d'un livre sur le canal intitulé "La livraison d'un pays".
Les études de faisabilité financière, réalisées selon HKND par le cabinet McKinsey, n'ont jamais été publiées. Des pays comme l'Iran, qui s'étaient dit intéressés par le projet, n'en parlent plus.
La construction des autoroutes d'accès au canal, sur la côte Pacifique sud, est suspendue et les travaux d'excavation, démarrés en 2016, sont aussi paralysés.
Contactée par l'AFP, l'Autorité du canal du Nicaragua nie tout arrêt du chantier. "C'est vrai qu'il y a eu des retards mais l'entreprise (HKND) est en train de travailler, c'est un projet très grand. Il avance lentement mais normalement", assure Manuel Coronel Kautz, son président.
La plupart des observateurs sont sceptiques: le canal "a perdu de son intérêt au moment où l'investisseur chinois s'est affaibli, et le gouvernement nicaraguayen n'a pas la capacité de faire avancer le projet par lui-même", commente Victor Campos, directeur de l'association écologiste Centro Humboldt.
- La Chine pas intéressée? -
Autre élément qui a joué en sa défaveur: le rétablissement des relations diplomatiques entre Pékin et le Panama, en juin dernier.
L'Amérique centrale, stratégique en raison de sa proximité des Etats-Unis, est convoitée, diplomatiquement, par la Chine et Taïwan, ce dernier ayant eu longtemps l'avantage avant de se faire rafler les faveurs de Panama.
Mais Managua ne semble pas intéresser Pékin: "la Chine va investir 25 milliards de dollars (par an) dans différents pays d'Amérique latine, mais le Nicaragua n'est pas sur son radar", affirme l'ex-diplomate Mauricio Diaz.
"On a toujours spéculé sur le possible intérêt de l'Etat chinois dans la concession (du canal), mais les 19 accords commerciaux souscrits l'an dernier par la Chine avec le Panama indiquent que son intérêt est concentré" dans ce pays, plus riche et déjà équipé d'un canal récemment agrandi, estime Monica Lopez.
Eliseo Nuñez rappelle qu'il s'agit d'une initiative privée. "Je ne suis pas sûr que la Chine soit derrière le canal, il semble que Wang ait agi seul" et "que le Nicaragua soit tombé dans une sorte d'arnaque internationale", avance-t-il, soulignant les incertitudes légales liées à la concession du canal, très avantageuse pour HKND.
Le Nicaragua n'a ainsi aucun recours possible, au civil comme au pénal, contre l'investisseur en cas de non-respect du contrat. Il faut 60% de votes au Parlement pour annuler la concession.
Cette dernière "est une épée de Damoclès au-dessus des paysans car elle autorise à exproprier les terres, non seulement dans la frange du canal mais dans tout le Nicaragua", affirme Violeta Granera, une dirigeante de l'opposition.
Les habitants restent inquiets face à ce projet qui entraînerait le déplacement de milliers d'entre eux et traverserait le lac Cocibolca, plus grande réserve d'eau douce d'Amérique centrale.
Tant que la loi sera en vigueur, "nous n'arrêterons pas de lutter", promet Francisca Ramirez, leader du mouvement anti-canal, qui a multiplié les manifestations.