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Le Tavini lance sa campagne avec le procès Radio Tefana


© Anne-Laure Guffroy
© Anne-Laure Guffroy
Tahiti, le 22 février 2023 – Alors que le procès en appel de l'affaire Radio Tefana doit s'ouvrir lundi au tribunal de Papeete, le Tavini Huiraatira appelle ses sympathisants à se rassembler devant le palais de justice en soutien au président du parti, Oscar Temaru, principal mis en cause dans ce dossier. Les responsables du parti dénoncent également une obstination de l'État contre le leader indépendantiste ainsi que la date choisie pour le procès, à seulement deux mois des élections territoriales.
 
À quelques jours de l'ouverture du procès en appel de l'affaire Radio Tefana, lundi, le Tavini Huiraatira a tenu une conférence de presse, mercredi, pour soutenir les mis en cause dans cette affaire de “prise illégale d'intérêts”, parmi lesquels le président du parti, Oscar Temaru. À moins de deux mois des élections territoriales, on notera l'absence du leader indépendantiste lors de la conférence, ainsi que du député Moetai Brotherson. C'est le vice-président du Tavini, Antony Géros, qui a mené la rencontre avec les journalistes, entouré deux autres députés indépendantistes, Steve Chailloux et Tematai Le Gayic. À leurs côtés, les représentantes à l'assemblée, Éliane Tevahitua et Minarii Galenon.
 
Dans cette affaire, il est reproché au maire de Faa'a d'avoir organisé, entre 2010 et 2017, le financement sur fonds publics de la radio de l'association communale Te Reo o Tefana afin de “promouvoir” l'idéologie de son parti. Fait qui a valu une condamnation en première instance du leader indépendantiste à six mois de prison avec sursis et 5 millions de Fcfp d'amende, de l'ancien président et de l'actuel président de l'association (3 mois de sursis et un million pour le premier et un mois de sursis et 500 000 Fcfp d'amende pour le second) ainsi que de l'association Te reo o Tefana, qui a écopé d'une amende de 100 millions de Fcfp. Mercredi, le Tavini a dénoncé “l'obstination” de la part du ministère public, “pour ne pas dire de l'État”, à “ternir l'image” du Tavini Huiraatira. Un acharnement dont le point de départ serait, selon le Tavini, la communication faite en 2018 contre l'État pour crime contre l'humanité devant la Cour pénale internationale de La Haye. “On se pose la question de savoir si le président du Tavini a bien fait de porter plainte pour crime contre l'humanité. Parce que c'est ça l'objet de la démarche de l'État", a déclaré Antony Géros. "Ça embête l'État français parce qu'au niveau international, on ne pensait pas que la France puisse être un jour accusée de crime contre l'humanité [en raison des essais nucléaires en Polynésie, NDLR]. Et Oscar Temaru a osé faire ça” Selon le vice-président du parti, l'action en justice qui a suivi a été “très rapide”. Soulignons cependant que l'affaire Radio Tefana avait été initiée par la justice avant la communication devant la CPI.

Appel à la mobilisation

Et encore une fois, le Tavini est allé jusqu'à comparer le traitement qui est fait à Oscar Temaru à celui qu'avait connu auparavant Pouvana'a a Oopa. Selon les responsables du parti, il y a un “mimétisme” entre ces deux personnages politiques, “qui sont des opposants et qui ont été condamnés à tort”. “Est-ce qu'il nous faudra attendre 60 ans pour qu'Oscar Temaru soit réhabilité ? C'est aujourd'hui qu'il faut bouger”, a déclaré devant la presse Steve Chailloux. Le Tavini Huiraatira appelle donc tous ses membres à se mobiliser, lundi matin, dès 8 heures devant le palais de justice, pour soutenir Oscar Temaru. “Parce que cette condamnation, si elle prenait effet, elle impacterait tous les membres du Tavini Huiraatira. C'est l'ensemble du Tavini qui est condamné”, a indiqué Antony Géros, qui dit attendre “un millier” de personnes à ce rassemblement. Mais les responsables du Tavini n'appellent pas seulement les membres du parti, mais l'ensemble des personnes “qui trouvent cette méthodologie injuste” ainsi que les différentes formations politiques. Car pour eux, il est aussi question de liberté de la presse. Steve Chailloux soutient qu'il n'y a aucune preuve matérielle qui démontre que la radio faisait l'apologie exclusive de la politique du Tavini Huiraatira. “Pendant des années, il y a eu des invités sur Radio Tefana de tous bords politiques.” Et Tematai Le Gayic de poursuivre : “Ce n'est pas parce qu'il y a un financement public que ce média est rattaché à son financeur public.” Rappelons que la décision en première instance s'appuie sur des témoignages qui sont venus “mettre en évidence qu'il s'est agi, dès l'origine, d'une radio militante, destinée à promouvoir l'idéologie du parti politique Tavini Huiraatira”, sur la modification de l'objet social de l'association en 2008 ainsi que sur la mise à disposition de la radio de militants du parti.

Mauvais timing ou aubaine politique ?

Les dirigeants du parti bleu dénoncent également le timing de l'ouverture du procès en appel – déjà renvoyé cinq fois à leur demande – juste avant les élections territoriales, s'interrogeant si leurs réponses aux questions relatives au procès vont leur être retirées de leur temps de parole. Mais le timing, justement, peut également représenter une aubaine pour le parti. “Effectivement, si on voit les choses de manière purement politicienne, on peut instrumentaliser ce procès et en faire notre terreau politique”, répond Steve Chailloux. “Ce serait une mauvaise stratégie, parce que notre peuple, aujourd'hui, a soif de travail, de pouvoir se nourrir, se loger. Il est alpagué par les préoccupations de son quotidien. On en parlera, mais dans une proportion moindre que les préoccupations du peuple.”
 
À deux mois des élections territoriales, se pose également la question de savoir si Oscar Temaru – condamné en première instance – figurera sur la liste. Car le Tavini a fait de l'atteinte à la probité son combat. On se souvient de la marche organisée en 2018 pour dénoncer le manque d'intégrité des élus. Et plus récemment, en septembre dernier, alors que l'adhésion au Tavini de Putai Taae, condamné en 2019 pour prise illégale d'intérêt et abus de confiance, avait secoué le parti, Tematai Le Gayic avait déclaré au sujet des territoriales : “Nous ferons en sorte de ne pas mettre sur la prochaine liste des personnes qui ont eu des problèmes aux yeux de la loi”. Mais lorsque la question est posée, mercredi, les leaders du Tavini bottent en touche. “Wait and see”, répond Antony Géros. “Qu'il ne faille pas être condamné, c'est vrai que c'est vite dit”, ajoute-il. “Aujourd'hui, c'est le fait qu'il y ait des gens qui ont détourné de l'argent qui sont élus à l'assemblée sans qu'ils soient inquiétés qu'il faut dénoncer. Ce n'est pas le petit maire d'une commune qui a été condamné pour prise illégale d'intérêts. Il a simplement subventionné une radio communale. Qu'est-ce qu'il y a d'illégal ? Il ne faut pas nous mélanger aux crapules qui ont détourné de l'argent.” La liste du Tavini pour les prochaines élections territoriales devrait être dévoilée lors du congrès du parti, le 18 mars.

Rédigé par Anne-Laure Guffroy le Mercredi 22 Février 2023 à 19:34 | Lu 1882 fois