Tahiti Infos

Le Président fidjien se positionne clairement pour un État laïc


Ratu Epeli Nailatikau
Ratu Epeli Nailatikau
SUVA, jeudi 11 octobre 2012 (Flash d’Océanie) – Le Président fidjien Ratu Epeli Nailatikau a pris clairement position mercredi en, faveur du maintien d’un État laïc, sur fonds de consultations en vue de rédiger une nouvelle Constitution et d’appels à la proclamation d’un État « chrétien » de la part de plusieurs églises de l’archipel, dont en premier lieu l’influente église méthodiste.
À l’occasion de son discours à la nation prononcé lors de la fête nationale de Fidji, le 10 octobre, le chef de l’État a fait directement référence à ces velléités émanant de groupes religieux, souvent liés à la mouvance indigène de l’archipel.
« Notre nation a déjà enduré suffisamment de divisions, qu’elle soient d’ordre ethnique ou religieux », a lancé M. Nailatikau.
Outre les religions chrétiennes, qui sont majoritaires à Fidji, cet archipel compte aussi de nombreux adeptes de l’Islam et de l’Hindouisme, principalement au sein des populations d’origine indiennes, arrivées à la fin du dix-neuvième siècle pour y travailler dans les plantations de canne à sucre, dans ce qui était alors une colonie britannique.

Le chef de l’État a aussi plaidé en faveur des réformes actuellement envisagées par le gouvernement qui a pris le pouvoir en décembre 2006 et qui visent à supprimer l’ancien système de vote, avec des circonscriptions réservées à l’un ou l’autre des principales ethnies.
La Constitution fidjienne, dont la dernière édition remonte à 1997, a été abrogée par le pouvoir actuel en avril 2009.
Après la levée, le 7 janvier 2012, des mesures exceptionnelles restreignant les libertés individuelles et imposant une censure de la presse, un processus de consultations constitutionnelles et d’enregistrement à nouveau sur les listes électorales a été lancé début 2012.
Jusqu’ici, environ 500.000 se seraient fait enregistrer, selon les statistiques du gouvernement.

« L’ancien système ne servait, s’il servait à quoi que ce soit, à accentuer nos différences, au lieu de mettre en valeur les richesses de notre diversité », a affirmé le Président.
Et la proclamation d’un État chrétien, selon lui, « ne ferait qu’amener plus de visions à Fidji et à son peuple ».
« Il est de mon humble avis que nous devrions marcher avec la plus grande précaution sur ce terrain-là, car je suis moi-même un adepte convaincu du vieil adage de la séparation de l’Église et de l’État », a-t-il poursuivi.

Cette ancienne politique, notamment marquée par la notion de discrimination positive en faveur des Fidjien indigènes, « a amené des traitements préférentiels pour certains groupes et a encore plus divisé le peuple de notre nation. La plupart de ces gens, malheureusement, continuent d’exiger l’application de ce traitement de faveur (…) La corruption s’est installée et est devenue systémique. Nous avons alors pu voir d’énormes disparités entre les riches et les moins favorisés », a estimé le Président à l’occasion des célébrations du 42ème anniversaire de l’indépendance de Fidji.
Depuis son indépendance en 1970, et à partir de 1987, Fidji a été le théâtre de quatre coups d’État.
Le dernier en date, mené le 5 décembre 2006 par le chef des armées, le Contre-amiral Franck Bainimarama, affiche la volonté d’abolir l’ancien système discriminatoire et de lutter contre la corruption, avec comme leitmotiv, au plan d’élections annoncées pour le dernier trimestre 2014, d’appliquer la règle de « une personne, une voix ».
Pour ces cérémonies du 42 ème anniversaire de l’indépendance fidjienne, le gouvernement local, cette année, avait placé un accent fort sur la notion d’unité nationale autour du drapeau et de valeurs identitaires communes.


VIDEO : le Discours du Président fidjien Ratu Epeli Nailatikau (16min21) à l’adresse suivante
http://www.youtube.com/watch?v=inB7KRH5YNQ&feature=share
Le texte intégral dans notre section « Press Release »
accessible à partir de la page d’accueil de notre site

Soutien affiché de l’armée

L’armée fidjienne, ces dernières semaine, s’est elle aussi positionnée clairement en « soutien total » d’un État laïc.
Le parti de l’ancien Premier ministre Laisenia Qarase (renversé par le putsch de décembre 2006), le SDL, considéré comme proche de l’église méthodiste, s’est prononcé en faveur d’un État chrétien, en faisant notamment passer sa position par des soumissions présentées comme individuelles à la Commission Constitutionnelle.
D’autres églises chrétiennes, comme l’église catholique, se sont, elles, prononcées contre une telle notion.
La période de collecte de soumissions publiques à la Commission Constitutionnelle, qui a débuté en juillet 2012, devrait s’achever mi-octobre.
Selon le Président de cette Commission, le Professeur Yash Ghai, une première mouture d’un projet de Constitution devrait être dévoilée avant Noël 2012.
Ce projet devra ensuite être examiné par un Assemblée Constituante, dont les réunions pourraient démarrer début 2013.
Concernant la composition (encore inconnue) de cette Assemblée, le Contre-amiral Bainimarama déclarait mi-septembre 2012 au quotidien Fiji Sun qu’elle inclurait toutes les grandes de la société, sans exclusive.
Le chef de l’exécutif avait alors fermement réfuté les critiques selon lesquelles cette assemblée serait dominée par le gouvernement et exclurait certains partis politiques.
Dans sa soumission à la Commission Constitutionnelle, le dirigeant du parti travailliste, l’ancien Premier ministre Mahendra Chaudhry, affirmait pour sa part que le décret instituant cette Assemblée donnait de fait « un contrôle total » au gouvernement concernant « la taille et la composition » de cette Assemblée.

Ne pas avoir peur

Le Professeur Yash Ghai, ces dernières semaines, a pour sa part regretté un manque de participation de la part de la frange indo-fidjienne de la société dans ce processus consultatif.

« Les gens disent qu’ils ont peur. Ils disent qu’il y a trop de décrets qui restreignent la liberté de parole et qu’ils pourraient dire des choses qui pourraient leur attirer des poursuites. Mais le décret dit en fait que toute déclaration qui nous est faite, soit oralement, soit par écrit, est protégée de toute poursuite civile ou pénale », a rectifié l’universitaire kenyan en appelant de ses vœux une participation de toutes les composantes de la société.
La Commission Constitutionnelle est même allée jusqu’à mettre en place sur son site (www.constitution.org.fj) une procédure de soumission en ligne.

Le Contre-amiral a lui aussi, à plusieurs reprises, encouragé la population, et en particulier les classes jeunes (l’âge du droit de vote a été abaissé de 21 à 18 ans) à se faire enregistrer sur les listes électorales, mais aussi à donner son avis à la Commission Constitutionnelle.
À la différence près qu’il affirme depuis l’entame que dans ce processus de réformes, certains principes seront « non-négociables », comme la notion d’État laïc, le système de vote universel et on discriminatoire et une volonté de lutter contre la corruption.
Dans cet esprit, la décision de son gouvernement de faire appliquer l’usage du mot « Fidjien » pour tous les citoyens se heurte encore à de fortes réticences de la part des Fidjiens indigènes, qui se considéraient jusque là comme les seuls ayant droit à cette appellation.

pad

Rédigé par PAD le Jeudi 11 Octobre 2012 à 05:43 | Lu 439 fois