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Le Pays veut rénover l'OPH


Le ministre du Logement, Jean-Christophe Bouissou, était très satisfait de la feuille de route de l'OPH. Si tout se déroule bien, la promesse du gouvernement de livrer 3 000 logements sociaux entre 2018 et 2020 sera respectée.
Le ministre du Logement, Jean-Christophe Bouissou, était très satisfait de la feuille de route de l'OPH. Si tout se déroule bien, la promesse du gouvernement de livrer 3 000 logements sociaux entre 2018 et 2020 sera respectée.
PAPEETE, le 2 aout 2019 - L'Office Polynésie de l'Habitat a présenté sa feuille de route pour les quatre ans à venir. Une restructuration en profondeur de l'OPH est prévue pour corriger les nombreux problèmes constatés. Une modernisation de l'Office devrait également changer le paysage du logement social polynésien, avec des résidences connectées et autonomes en énergie, des services en ligne complets, une présence dans tous les archipels, des loyers recouvrés à 95%... Et, surtout, 4 000 nouveaux logements sociaux construits dans les quatre ans qui viennent.

Ce vendredi, l'OPH présentait sa feuille de route 2019-2023 à ses partenaires et à son ministre de tutelle. Après des années de problèmes chroniques, l'Office Polynésien de l'Habitat veut rénover toute son organisation pour devenir une administration plus moderne et efficace.

De quoi répondre aux violentes critiques de la Chambre Territoriale des Comptes, exprimées dans deux rapports publiés ces trois derniers mois. Des livraisons de logements sociaux en nombre très insuffisants malgré des moyens importants, des primes d'efficacité versées pour ne rien faire, un manque de vision à long terme, des effectifs pléthoriques pour une efficacité faible, une gestion financière calamiteuse avec 30% de loyers impayés, un manque de transparence et d'outils de gestion moderne...

Pour résoudre ces problèmes, il faudra plus qu'un coup de peinture sur la façade craquelée de l'OPH. C'est donc une rénovation en profondeur de l'office qui est proposée dans les quatre ans qui viennent. Si tout se passe comme prévu, en 2023 l'OPH sera une administration moderne et exemplaire.

RATTRAPER LE RETARD

Pour accomplir son cœur de métier, l'OPH assure dans sa feuille de route que, d'ici 2023, ce sont 4 000 nouveaux logements sociaux qui auront été construits et que le rythme de construction annuel correspondra alors à la demande des familles (avec, chaque année, 200 logements VEFA, 200 logements collectifs et 400 logements dispersés).

Au niveau innovation, l'OPH veut vivre avec son temps, puisque l'Office veut :
- Construire des logements intelligents qui pourront être gérés à distance pour accélérer les interventions des équipes d'entretien
- Des bâtiments durables à faible impact environnemental, autonomes énergétiquement
- Un service en ligne complet qui permettra à tous les locataires OPH de gérer leur compte à distance
- Des gardiens dans tous les habitats groupés
- Rénover le parc ancien

Au niveau financier, l'Office assure que l'argent public sera bien mieux géré avec :
- Des contrats d'objectifs de 5 ans avec le Pays
- Des budgets respectés et des crédits entièrement dépensés
- Des comptes certifiés chaque année
- Une expertise financière et en ressources humaines
- Une comptabilité analytique et une comptabilité commerciale qui permettront de suivre chaque franc dépensé
- Un recouvrement des loyers de 90% (70% aujourd'hui)
- Une "rationalisation" des effectifs, avec 19 agents pour 1 000 logements collectifs, comparable aux effectifs des bailleurs sociaux en métropole (contre 26 agents OPH pour 1 000 logements actuellement)
- Arriver à 30% de cadres dans les effectifs
- Une crédibilité qui lui permettra d'emprunter à des taux attractifs auprès des prêteurs nationaux (Banque des Territoire et Caisse des Dépôts)

Au niveau politique, l'OPH sera bien plus autonome, isolé des pressions politiques et plus proche de ses partenaires avec :
- Des statuts rénovés et une totale indépendance financière
- Un nouveau code des marchés publics plus adapté à l'OPH
- Les communes devront donner leur feu vert à chaque projet de l'OPH sur leur territoire pour qu'il s'intègre dans leurs services municipaux (école, gestion de l'eau et des déchets, etc.)
- Les logements seront offerts en priorité aux habitants des communes dans lesquelles ils ont été construits
- L'OPH sera présent dans tous les archipels
- Les loyers seront adaptés aux revenus des foyers (aujourd'hui, les 21% des foyers logés par l'OPH gagnent plus de 300 000 Fcfp par mois, 7% des foyers gagnent moins de 50 000 Fcfp par mois)
- Accompagner la création d'associations de locataires

Il ne reste plus qu'à attendre pour voir si tous ces ambitieux objectifs seront réalisés en seulement quatre ans.


Jean-Christophe Bouissou, ministre du Logement

"Nous avons comme objectif, d'ici deux ans, d'augmenter la production annuelle à 500 appartements en habitat groupé"

La CTC avait épinglé l'OPH et la gestion du logement social par le gouvernement, en particulier le manque de vision à long terme. Cette feuille de route vient-elle répondre à ces critiques ?

« Oui et, d'ailleurs, j'ai eu l'occasion de le dire : je partage cette critique de la Chambre Territoriale des Comptes sur le fait que la Polynésie a navigué à vue sur le logement social depuis les années 2000, sans qu'il n'y ait véritablement de feuille de route au niveau de notre opérateur, l'OPH, et sans même qu'il n'y ait de politique sectorielle pour le logement. Lorsque je suis revenu [au ministère du Logement, NDLR] en janvier 2017, je me suis tout de suite aperçu que c'était un élément manquant et bloquant dans le processus de production des logements nécessaires aux familles polynésiennes. Donc, tout ce travail, qui est dévoilé aujourd'hui, n'est pas en réaction au rapport de la CTC, puisque c'est un travail qui a été lancé il y a près de 10 mois maintenant. Il aboutit à la présentation de cette feuille de route qui sera ensuite validée par le conseil d'administration de l'OPH et par le conseil des ministres, pour engager l'ensemble des partenaires dans cette démarche de reprise en main de notre politique sociale. »

À quoi pouvons-nous nous attendre dans les années qui viennent en ce qui concerne le logement social ?
« D'abord, nous allons mettre en place tous les outils pour accélérer le mouvement en matière de production. Il nous manque une société d'aménagement et aussi un ensemblier. C'est à dire qu'il nous faut acheter des terrains ou utiliser des terrains qui sont déjà la propriété du Pays ou des communes, puis qu'il y ait une société d'aménagement qui viabilise ces terrains et enfin qu'elle les mette à la disposition, non seulement de l'OPH, mais aussi d'autres opérateurs du logement, et je pense notamment aux opérateurs de logements sociaux privés. Et peut-être, demain, il faudra mettre en place un nouvel organe d'intervention et de financement du logement social pour démultiplier l'outil de production. »

D'ici 2023, les près de 2 700 demandes de logements sociaux seront-elles satisfaites ?
« Notre objectif est de faire en sorte que dans les 12 mois qui viennent, nous aurons tous les opérateurs en place. Une agence de l'urbanisme et du développement, c'est important pour les collectivités. Une société d'aménagement, ça, c'est important pour réaliser nos opérations de logement et nos opérations de PRU (plan de rénovation urbain) dans les communes de Papeete et les communes voisines. Au-delà de cette société d'aménagement, il faut aussi impliquer les communes dans la gouvernance de ces structures. Et là, oui, on pourra, sur les cinq prochaines années, augmenter substantiellement la production. On viendra aussi à faire appel à des opérateurs privés pour construire et vendre, au niveau du public donc de l'OPH, les logements individuels ou les immeubles qui seront construits. Et nous avons comme objectif, d'ici deux ans, d'augmenter la production annuelle à 500 appartements en habitat groupé, ce qui permettrait donc de résorber les 2 500 à 2 700 dossiers de familles qui attendent encore aujourd'hui. »

Après des années de disfonctionnements au sein de l'OPH, comment redresser l'Office ?
« Nous souhaitons sortir maintenant d'une situation d'instabilité, de directeurs qui valsent au fur et à mesure des humeurs politiques, ce qui casse à chaque fois cet outil. Nous souhaitons rendre l'OPH beaucoup plus autonome, avec des contrats d'engagement entre l'OPH et le gouvernement sur des objectifs et des résultats et non pas utiliser cet outil à d'autres fins que pour la production de logements pour des familles en attente. Nous avons aussi besoin de recentrer l'OPH sur son métier de bailleur social, puisque le bailleur social non seulement finance la construction de logements, mais il gère surtout ses ensembles immobiliers. Il y a une proximité avec les familles qui peuvent se retrouver en difficulté. Quand une famille se retrouve en difficulté, il faut aussi un accompagnement. Quand quelqu'un perd son emploi, nous avons toute une batterie d'aides pour leur permettre de se remettre en situation de paiement le plus rapidement possible. C'est ce travail que l'on attend de l'OPH. Sur le restant des opérations, on peut imaginer des structures différentes, ou mener une comptabilité analytique interne à l'OPH pour différencier ce que coûte la mission de bailleur social par rapport aux autres métiers, dont la construction. »


Moana Blanchard, directeur général de l'OPH

"Il y a eu 24 directeurs depuis 2004"

Le ministre semble très positif sur la nouvelle direction de l'OPH, en particulier la fin de la valse des directeurs. Vous entamez votre troisième année à la tête de l'Office, est-ce que ça va permettre à l'OPH de se redresser ?

« C'est un peu une condition sine qua non pour établir une feuille de route digne de ce nom. Avant que j'arrive à l'OPH, il y a eu 24 directeurs depuis 2004. À ce niveau-là, imaginez diriger une équipe quand on sait qu'un nouveau directeur va rester six mois... Vous n'êtes pas très engagé. Mais nous avons engagé cette feuille de route avant même les rapports de la CTC. La feuille de route intègre les recommandations de la CTC, mais aussi d'autres recommandations que nous nous faisons à nous-même. »

La CTC avait noté que le gouvernement n‘avait pas adressé une feuille de route spécifiquement au directeur de l'OPH... En avez-vous reçu une ?
« Non. Mais nous avons donc accompagné le gouvernement dans sa démarche d'établir une feuille de route pour son Office. »

Une autre critique de la CTC concernait des primes de performances versées sur le bénéfice de l'OPH, qui augmentait quand les crédits n'étaient pas dépensés, une sorte de prime aux mauvaises performances donc... Ce détail est réglé ?
« Cette prime existait avant que j'arrive et fait partie d'un accord d'entreprise avec les partenaires sociaux, avec lequel il est délicat de faire machine arrière. Certes, maintenant, il faut peut-être modifier la notion de performance, c'est en réflexion. »

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Vendredi 2 Août 2019 à 19:40 | Lu 4090 fois