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Le Pays à la rescousse de l'OPH


Avec un stock de factures impayées de 4 milliards de francs, le Pays est obligé de venir à la rescousse de l'OPH pour qu'il puisse honorer une partie de ses dettes aux fournisseurs. photo archives tahiti infos
Avec un stock de factures impayées de 4 milliards de francs, le Pays est obligé de venir à la rescousse de l'OPH pour qu'il puisse honorer une partie de ses dettes aux fournisseurs. photo archives tahiti infos
Tahiti, le 5 novembre 2023 – À quelques semaines de l'examen du budget primitif du Pays pour 2024, le gouvernement présente un collectif budgétaire de 2,2 milliards de francs, dont un milliard pour sauver le soldat OPH. Il s'agit de parer au plus pressé pour honorer un "stock de factures impayées de 4 milliards". En attendant, la commission d'attribution des fare OPH est gelée et la ministre Chantal Galenon annonce "un plan Marshall" du logement.
 
L'Office polynésien de l'habitat (OPH) va mal. Alors que cet établissement public avait déjà un stock de factures impayées de deux milliards de francs à la fin de l'année 2022, la situation s'est aggravée depuis pour doubler en à peine quelques mois et atteindre 4 milliards de francs au 17 octobre 2023. Plus de la moitié de ces impayés concerne les fournisseurs en habitat dispersé (fare OPH) qui, eux aussi, se retrouvent en difficulté au niveau de leur trésorerie, comme l’explique l’exposé des motifs du projet de délibération. 
 
Or, la trésorerie de l'OPH n'est que de 928 millions de francs et les prévisions d'ici la fin de l'année n'annoncent pas d'amélioration. Il fallait donc parer au plus pressé pour pouvoir payer ces entreprises prestataires pour l'OPH. D’où ce collectif budgétaire qui abonde l’Office d’un milliard de francs (500 millions au titre des dettes dues par les locataires et effacées par la commission de surendettement présidée par le Pays et 500 millions de dotation complémentaire). Une seconde dotation de 500 millions sera allouée en 2024, mais on sait d'ores et déjà que cela ne suffira pas et que le budget primitif 2024 devra encore abonder l'Office, comme l'a confirmé à Tahiti Infos la ministre de tutelle, Chantal Galenon, vendredi après la commission.
 
"Ça veut dire que depuis le début de l'année, l'OPH n'a pas payé ses factures. On nous demande d'approuver un plan de sauvetage avec des dysfonctionnements de l'OPH qui sont connus de tous depuis des années. Le rapport de la CTC l'a dit et il date de 2019", a réagi Nuihau Laurey (Ahip) qui trouve "un peu facile" aujourd’hui d’accuser l’OPH de tous les maux alors que "les vrais responsables de tout ça, ce sont les partis politiques qui se sont succédé et qui ont utilisé l'OPH comme outil de distribution de logements, de fare, de matériaux de construction et notamment à l'approche des élections".
 
Une commande à point nommé
 
Une commande de 400 fare pour un montant de cinq milliards de francs passée en mars 2023, soit juste avant les dernières élections territoriales, pose en effet question. Commande passée par le directeur de la maîtrise d’ouvrage de l’OPH, Bruno Marty.  "Je ne le mettrais pas directement en cause puisque ça a été une décision politique au départ. Quand on regarde bien, c’est pendant la période électorale, je préfère le dire. Donc ce n’est pas de sa faute. C’est nous qui décidons si on le veut bien ou non", a expliqué la ministre de tutelle de l’Office, Chantal Galenon.
 
De son côté, le tout nouveau et jeune directeur de l’OPH, Oraihoomana Teururai, ne veut pas s’aventurer sur le terrain politique indiquant qu’il n’a "pas forcément de commentaires à faire sur le calendrier" et confirme qu’avec "une production de 400 fare par an, la commande qui a été réalisée en 2023 est en cohérence avec les objectifs de production annuelle". C’est peut-être le timing qui était mal choisi…
 
La représentante Tepuaraurii Teriitahi (Tapura) tente, quant à elle, d’arrondir les angles en mettant tout le monde dans le même panier : "Comme Nuihau l'a dit en commission, ce n'est pas propre au Tapura. Tous les gouvernements depuis les vingt ou trente dernières années ont joué d'influence parfois pour faire passer des aides au logement plus vite que d'autres, mais je ne dirais pas que 100% des aides attribuées sont des aides politisées. Au contraire, elles répondent à une demande et à un réel besoin."
 
Gel de la commission d’attribution des fare OPH
 
Un besoin énorme auquel il va être de plus en plus difficile de répondre. En effet, sur les 3 000 demandes de fare OPH en souffrance, 2 500 ont déjà été approuvées par la commission d’attribution, mais ils n’ont pas encore été construits. Avec une production moyenne de 400 fare par an, le calcul est vite fait. Il faudra six ans pour apurer ce stock. Alors comment faire droit à toute nouvelle demande ? "L'idée n'est pas de venir rajouter des demandes à ce stock, ça créerait une incompréhension sur les délais de réalisation, des mécontentements et des frustrations de la population", a répondu Oraihoomana Teururai.
 
Autrement dit, et comme sa ministre de tutelle l’a annoncé en commission, la commission d’attribution des logements OPH va être gelée dans un premier temps, histoire de d’abord trier et faire un grand ménage dans les dossiers déjà approuvés pour pouvoir apurer ce chiffre. "Une bonne décision", selon Tepuaraurii Teriitahi qui concède "qu'aujourd'hui, on ne tient pas le rythme".
 
L’assainissement des comptes de l’OPH doit donc passer par une refonte en profondeur qui passera par une convention de "responsabilisation" entre le Pays et l’Office en listant les engagements de chacun. "Avec le directeur, je suis en train de travailler à un plan Marshall du logement au vu de la situation", a précisé la ministre. Nuihau Laurey a confirmé que Ahip voterait en faveur de ce collectif, mais "ce n'est pas en le votant qu'on va changer la situation problématique de l'OPH", analyse-t-il. Il persiste et signe : "Pour nous, ce sujet de l'apurement de la dette de l'OPH n'est pas fondamental. Le vrai sujet, c'est de dépolitiser complètement cet établissement et son conseil d’administration."
 
Reste à savoir s’il sera entendu… alors que le président du Pays Moetai Brotherson vient de se nommer au sein du conseil d’administration de TNTV. 
 

L’OPH paie le téléphone pour 200 agents sur 276

Sur 276 agents, 200 ont leur téléphone et leur abonnement payés par l’OPH, comme nous l’a confirmé la ministre du Logement : "Oui, tout à fait, les trois quarts des agents. Avec le directeur, la première chose que nous avons faite, c’est de réunir tous les agents, chefs de cellule, pour leur expliquer la situation de l’OPH. Tout le monde est au courant et on est en train de préparer un plan de financement et d’apurement de l’OPH". Autrement dit, il va falloir que les agents rendent ces téléphones.
"Ils ont envie de travailler pour l'Office et ils ont envie de pérenniser leur emploi, donc ils sont volontaires pour renoncer, non pas à des avantages, mais en tout cas pour éviter de dépenser de l'argent là où il n'y a pas de priorité", assure de son côté le directeur de l’Office. Même si les économies réalisées seront à la marge au regard du montant des factures à régler, c’est un symbole qui "montre la volonté de l'Office de parvenir à un équilibre financier durable, et cela passe d'abord par des économies en interne avant de solliciter du Pays des aides exceptionnelles".

Rédigé par Stéphanie Delorme le Dimanche 5 Novembre 2023 à 20:00 | Lu 4502 fois