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Le Parlement adopte définitivement le projet de loi immigration


LUDOVIC MARIN / AFP
LUDOVIC MARIN / AFP
Paris, France | AFP | mardi 19/12/2023 - L'Assemblée nationale a adopté mardi la loi sur l'immigration, déjà largement votée en début de soirée par le Sénat, sans calmer pour autant la crise politique au sein de la majorité d'Emmanuel Macron provoquée par le soutien inattendu apporté à ce texte par le Rassemblement national.

L'Assemblée a voté le projet de loi avec 349 voix pour (la plupart des députés de la majorité présidentielle, LR, RN) et 186 voix contre, sur 573 votants. Dans la majorité, vingt députés Renaissance, cinq députés MoDem et deux députés Horizons ont voté contre. Dix-sept Renaissance et quinze MoDem se sont abstenus.

"La majorité a été unie et a pu adopter des mesures extrêmement fortes sur un texte qui, certes, n'est pas parfait puisqu'il est le fruit d'un accord", a commenté le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, en soulignant que celui-ci aurait été voté même sans les voix du RN.

La Chambre haute, dominée par la droite et le centre, avait adopté le projet de loi par 214 contre 114.

Exécutif et PS ont d'ores et déjà annoncé qu'ils allaient saisir le Conseil constitutionnel.

Mardi soir, les grandes manœuvres étaient de mise à l'Elysée. Lors d'une réunion tenue en urgence, le chef de l'Etat avait dit à ses troupes que la loi ne devait pas être adoptée grâce aux voix du Rassemblement national, envisageant le cas échéant de demander une deuxième délibération parlementaire grâce au mécanisme de l'article 10 de la Constitution.

Cette hypothèse semble s'éloigner. Le texte aurait en effet été adopté même si les parlementaires d'extrême droite s'étaient abstenus. Le résultat aurait en revanche été différent s'ils avaient voté contre.

La fracture de la majorité s'éloigne-t-elle pour autant? Selon une source ministérielle, trois membres du gouvernement, Aurélien Rousseau (Santé), Sylvie Retailleau (Enseignement supérieur), et Patrice Vergriete (Logement), en désaccord avec le texte, avaient "mis leur démission dans la balance" mardi après le ralliement du RN.

Autre figure de l'aile gauche de la macronie, le président (Renaissance) de la Commission des Lois, Sacha Houlié, a voté contre ce projet de loi, issu d'une commission mixte paritaire (CMP) réunissant sénateurs et députés et chargée de dégager un compromis entre les deux chambres.

Allié historique du chef de l'Etat, le président du MoDem, François Bayrou, avait en début de soirée fait savoir qu'il "n'acceptera(it) pas" un texte sur l'immigration "revendiqué" par le RN, selon des sources concordantes. Son groupe s'est finalement divisé lors du vote.

Devant les fissures de son camp, Elisabeth Borne avait dénoncé mardi soir "une grossière manœuvre du RN" visant avant tout à diviser la majorité et avait appelé les siens à voter le texte.

La Première ministre, qui estime que "la majorité a fait bloc", doit s'exprimer mercredi matin sur France Inter, alors qu'Emmanuel Macron doit lui-aussi parler dans la journée, possiblement à la télévision.

Reste que la crise est bel et bien ouverte dans le camp du président. Un ministre, sous couvert d'anonymat, explique à l'AFP n'être "pas du tout" à l'aise avec le dénouement et le vote du RN.

Le soutien du parti d'extrême droite au texte s'apparente au "baiser de la mort" pour la majorité, s'alarme un député Renaissance, macroniste de la première heure.

"On est dans la main du RN, on a perdu sur tous les tableaux" et Marine Le Pen "a tout gagné", s'exaspère une députée du groupe centriste.

Même le mouvement de jeunesse de Renaissance, les "Jeunes avec Macron", avait appelé ministres et parlementaires à ne pas soutenir un texte "inacceptable".

"Avec cette loi immigration, nous allons doubler le nombre de régularisations des étrangers qui travaillent. 10.000 travailleurs étrangers supplémentaires seront régularisés chaque année", a cependant plaidé Gérald Darmanin devant le Sénat. C'est la première fois qu'il avançait un tel chiffre qui semble de nature à apaiser l'aile gauche de la majorité.

 "Déshonneur" 

La foudre s'était abattue sur les macronistes mardi en milieu d'après-midi, lorsque Marine Le Pen a indiqué que les députés RN voteraient finalement pour le texte issu de la CMP, en revendiquant une "victoire idéologique".

Ce cénacle composé de sept députés et sept sénateurs venait d'annoncer être parvenu à un accord sur un texte nettement durci et d'une claire inspiration droitière. Un texte faisant la part belle au concept de "préférence nationale", emblématique du lepénisme, selon ses détracteurs de gauche.

"Un grand moment de déshonneur pour le gouvernement", a dénoncé le chef des députés socialistes, Boris Vallaud. Une loi qui "défigure l'image de la France", selon le leader insoumis Jean-Luc Mélenchon. Au contraire du président du parti Les Républicains (LR) Eric Ciotti qui s'est réjoui d'une "victoire historique pour la droite". 

Particulièrement offensif, le président du groupe communiste André Chassaigne a vertement critiqué les concessions faites aux droites: "Vous êtes sur le point de commettre l'irréparable (...) N'ajoutez pas le déshonneur à la compromission", a-t-il lancé à Élisabeth Borne lors des Questions au gouvernement de l'Assemblée.

"Amalgame" avec l'extrême droite 

"Sortez des slogans, des postures en voulant faire croire, en voulant faire l'amalgame entre notre texte et les positions de l'extrême droite", a répliqué la Première ministre, haussant la voix pour couvrir les protestations de la gauche.

Dans son compromis, la CMP avait réussi à surmonter un obstacle sur le fond entre le camp présidentiel et la droite: instaurer un délai de carence de cinq ans pour que les étrangers puissent accéder aux aides personnalisées au logement (APL).

Un compromis vient réduire à trois mois cette durée pour les étrangers qui travaillent, en exemptant de cette carence les étudiants et les réfugiés.

Le camp présidentiel a validé plusieurs mesures réclamées par la droite, notamment des quotas d'immigration pluriannuels définis au Parlement ou le rétablissement d'un délit de séjour irrégulier puni d'une amende.

Le gouvernement a par ailleurs répondu aux ultimatums des Républicains, avec notamment un engagement écrit à réformer l'aide médicale d'État "en début d’année 2024".

le Mardi 19 Décembre 2023 à 12:59 | Lu 774 fois