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Le Heiva profite de l'année blanche pour moderniser son règlement


Tahiti, le 12 novembre 2020 - L’annulation d’abord du Heiva, puis du Hura Tapairu, suivi le 22 octobre de tout événement culturel en présence de public met en suspens les activités de tout un pan artistique. Profitant de "l’année blanche", le ministère de la Culture a engagé une refonte du règlement du Heiva, dont la dernière version datant de 2001, ne répond plus aux attentes des chefs de groupe.
 
En 1995, une prétendante au titre de meilleure danseuse du Heiva entre en scène portant un loup en pae ore. Au bout de 20 secondes de prestation, elle fait tomber le masque, entrant ainsi dans le "monde des vivants". Levée de bouclier à l’annonce du verdict. Une victoire que ses concurrents attribuent au masque, dès lors interdit en compétition. C’est ainsi que le règlement a évolué au fil du temps, souvent du fait des mauvais perdants.
 
"Dans l’absolu il a fait ses preuves et il a permis d’aider un jury de neuf personnes à départager des groupes qui abordent le Heiva comme l’œuvre de leur vie, qui y mettent toute leur tripe" nuance Manouche Lehartel. A la tête d’un petit comité d’experts en chants et en danses traditionnels, - Vaihere Pohue-Cadousteau, Moana’ura Tehei’ura, chorégraphe et metteur en scène indépendant, ou Myrna Tuporo, grande spécialiste du chant - c’est elle qui s’est vu confier le chantier titanesque d’une refonte du règlement, dont la dernière version remonte à 2001. Depuis, il fait chaque année l’objet de nombreuses querelles en marge de la compétition la plus attendue de l’année. Pas de doute pour l’ensemble des acteurs, une "mise à jour" s’impose.
 
"Un patchwork élaboré par les anciens"

Si l’annulation du Heiva - qui peut rassembler jusqu’à 6 000 spectateurs par soir et près de 200 artistes - est un coup dur pour les chefs de groupes, elle doit au moins servir à quelque chose. Pour le ministère de la Culture, l’année blanche doit permettre de répondre à une question qui revient sur le tapis chaque année. Matani Kainuku en 2017, Moanaura Teheiura, Jean Marie Biret en 2019 : les interventions se multiplient en faveur d’une mise à plat d’un règlement jugé poussiéreux par les nouvelles générations.
 
"Le règlement dont on a hérité, c’est un patchwork élaboré par les anciens chefs de groupes, beaucoup de choses ne correspondent plus à notre réalité" confie Taina Tinirauarii. Cheffe de la troupe Tere’Ori elle cite à titre d’exemple le grand costume traditionnel tenu d’être en "more" (fibres du purau). "On dispose ici d’une certaine richesse en végétaux secs, alors que dans les Tuamotu ils n’ont pas autant accès à cette matière qu’aux Australes ou qu’aux îles du Vent." De quoi créer des inégalités selon la chorégraphe, notamment parce que ce grand costume, primé au concours, pèse lourd dans l’investissement financier d’un groupe.
 
Une démarche "participative"
 
Mais on reproche aussi au règlement des lourdeurs et des incohérences. "Personne ne le lisait de la première à la dernière ligne, mais le plus gros travail, ce sont les fiches de notation. Pour une prestation d’une heure, le jury peut se retrouver avec 15 pages de notations" précise Manouche Lehartel. Ce qui, rapporté à une trentaine, voire une quarantaine de groupes, inonde le jury de quelques centaines de papiers à étudier et à remplir. Le cas échéant, difficile pour eux d’apprécier le spectacle en bonne et due forme.
 
Le nouveau règlement a donc vocation à dégrossir leur travail et par la même occasion, préserver le jury de la fureur des perdants. "L’objectif c’est de faire en sorte que tout le monde soit content" résume l’experte. Dans une logique "participative", le comité a lancé une vaste consultation de l’ensemble des chefs de groupe. Une cinquantaine de personnes ont déjà été auditionnées. "On est en train de boucler la partie danse et la partie himene a commencé. Les idées qui nous ont parues intéressantes ont été relevées, maintenant les chefs de troupes devront statuer." La restitution dépendra ensuite du contexte sanitaire.
 

Rédigé par Esther Cunéo le Jeudi 12 Novembre 2020 à 21:36 | Lu 1481 fois