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Le Covid s’attaque aux réserves de produits sanguins


Tahiti, le 28 octobre 2020 - La baisse drastique des réserves de sang, approvisionnées"au jour le jour", a contraint le Centre de transfusion sanguine d’ouvrir un point de collecte au presbytère de la cathédrale. Alors que le Covid provoque la destruction de plusieurs poches, l’association de don du sang rappelle "qu’un seul don peut sauver trois vies".
 
Inédite à l’échelle nationale, la baisse vertigineuse des réserves de sang frappe aussi le fenua. Devant l’urgence, le centre de transfusion sanguine tire bruyamment la sonnette, mobilisant l’association de don du sang pour promouvoir le don et sensibiliser la population sur "l’urgence". Dans un bureau du presbytère de Papeete, en face de la cathédrale, le nouveau point de collecte qui se veut "plus central", est ouvert de 8h30 à 11h30 le mardi et le jeudi, sur deux semaines pour commencer.

"Si ça marche, pourquoi pas continuer" indique Julien-Joseph Broult, responsable du centre. Plus accessible, le nouveau point de collecte semble rassurer les donneurs, bien que le site ne soit pas plus à l’abri de l’épidémie que celui du CHPF. "Le centre de transfusion sanguine est tellement excentré de l’hôpital du Taaone, qu’il n’y a pas de risque, il est en dehors des circuits", insiste le médecin. Aucune raison de ne pas s’y rendre donc.

Contre-indication temporaire de 42 jours

Du côté du presbytère, on enregistre en fin de matinée 15 à 20 poches entreposées au frais dans une petite glacière. "Tout juste de quoi couvrir les besoins du pays sur une journée environ" glisse Julien-Joseph Broult. Désastreux pour l’approvisionnement, le Covid a provoqué la destruction de plusieurs poches de sang. "Beaucoup de donneurs m’ont rappelé dans les jours qui ont suivi la prise de sang pour me dire qu’ils étaient positifs, j’ai dû détruire beaucoup de poches comme ça."Car selon les référentiels nationaux, le prélèvement sanguin ne peut se faire que 42 jours après le test PCR.

"Au-delà de cette contre-indication temporaire, dont les 14 jours de symptômes, on considère qu’il n’y a plus aucune trace du Covid dans les poumons, ni de virémie positive, donc aucun risque pour le prélèvement" développe le médecin. Mais ceux qui ont été en contact avec un Covid+, sont eux aussi exclus pendant un mois. De quoi réduire considérablement le champ des donneurs potentiels, notamment parce que le CTS ne peut plus solliciter ses sources habituelles.

"Je ne peux plus faire de prélèvement à l’UPF, ni dans les écoles, qui sont devenus des clusters. S’il y a un cas Covid dans ma collecte, je suis obligé de tout jeter. Ce n’est pas possible, ça coûte une fortune.Donc mes sources se tarissent, maintenant c’est du sur mesure, du cas par cas" déplore le médecin. Vu le rythme des contaminations, il craint le pire : se retrouver dans l’incapacité de prélever. "Je dois fournir du sang, il n’est pas question que les gens meurent parce qu’il n’y en a pas".

10 000 donneurs potentiels

Alors que le CTS dispose en temps normal de deux à trois semaines de stock, il est aujourd’hui rendu à de l’approvisionnement "au jour le jour". La consommation de produits sanguins pourtant n’a pas particulièrement augmenté. Au contraire. Les blocs opératoires sont à l’arrêt, puisque toutes les opérations ont été déprogrammées alors que l’hôpital s’est mis en configuration Covid. "C’est affreux, la population va souffrir, quand ça va s’arrêter ce sera comme un tsunami, prédit le médecin. La mer se retire, mais un jour la vague va revenir, et ce sont les pathologies standards, celles qui n’ont pas été prises en charge qui vont revenir à la charge. Il faut se préparer à des heures sombres."

Et il ne faut pas compter sur l’extérieur. "Nous avons toujours des femmes enceintes, des cancéreux, des accidentés, des bébés, il faut donner, on ne peut pas compter sur l’extérieur, aimons-nous les uns les autres, donnons notre sang pour les autres"assène Julien-Joseph Broult.

Si l’année dernière, 5 371 Polynésiens ont donné leur sang pour un total de 6 320 dons, le CTS estime à près de 10 000 le potentiel de donneurs. Si chaque don permet de sauver trois personnes, ce vivier pourrait contribuer à sauver 30 000 vies. "Toute l’énergie est captée par le Covid, on est tous sur le pont, on fait des heures, des journées de 24 heures, termine le responsable. L’approvisionnement doit se faire coûte que coûte."
 


Rédigé par Esther Cunéo le Mercredi 28 Octobre 2020 à 20:57 | Lu 3712 fois