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La "tambouille judiciaire" du procès Haddad-Flosse


Gaston Flosse et Hubert Haddad, le 2 octobre 2012 lors du procès en première instance de l'affaire de corruption Haddad-Flosse également dite des annuaires de l'OPT
Gaston Flosse et Hubert Haddad, le 2 octobre 2012 lors du procès en première instance de l'affaire de corruption Haddad-Flosse également dite des annuaires de l'OPT
PAPEETE, 15 janvier 2015 – Le procès en appel de l’affaire Haddad-Flosse est renvoyé au 15 avril prochain, sur citation directe du parquet général de Papeete pour permettre à la chambre des appels correctionnels de vider sa saisine en évoquant et statuant au fond. Décryptage d’une procédure judiciaire qui conditionne l’avenir politique de Gaston Flosse.

On la pensait enterrée après l’arrêt du 24 juin 2014 par lequel la cour d’appel de Papeete avait annulé l’ordonnance renvoyant les prévenus en correctionnelle et le procès en première instance, mais l’affaire Haddad-Flosse resurgit dans le calendrier judiciaire de Gaston Flosse sur citation directe du parquet général de Papeete. Jeudi 15 janvier, la chambre des appels correctionnels de Papeete a fixé un créneau les 15, 16 et 17 avril prochains pour vider sa saisine au fond. Le tribunal sera présidé par le juge Dominique Pannetier, qui prend ses fonctions mercredi 21 janvier en remplacement du président Gérard Thibault-Laurent.

Huit personnes ont fait appel du procès Haddad-Flosse, en janvier 2013 : Gaston Flosse, Hubert Haddad, Geffry Salmon, Melba Ortas, Alphonse Teriierooiterai, Noa Tetuanui, Emile Vernaudon et Simon Benichou. Ils sont cités à comparaître dans trois mois pour permettre à la chambre des appels correctionnels de vider sa saisine en évoquant et statuant au fond, conformément aux dispositions de l’article 520 du code de procédure pénale. Pour le ministère public, l'arrêt rendu sur la forme en appel n'est pas suffisant. La cour doit aller jusqu'au bout et prononcer le droit, après évocation au fond. Mais à l'âge de 83 ans, l’issue de ce rendez-vous d’avril décidera de la suite de la carrière politique de Gaston Flosse. Cette affaire de corruption, également appelée affaire des annuaires de l’OPT, est en 2015 la charnière du sort judiciaire du Vieux Lion.

Les perspectives pour Gaston Flosse

Si la cour d’appel décide en avril prochain qu’elle a valablement statué en juin 2014, le leader autonomiste peut garder espoir : compte tenu du pourvoi que formera le ministère public en cassation, si la haute cour ne décide pas d'un enterrement de première classe pour cette affaire, elle pourrait être jugée en appel sur le fond autour de novembre 2016, auquel cas les dernières voies de recours ne seraient purgées avant février 2019. Dans le cas contraire, dès la fin 2016 Gaston Flosse pourrait se trouver empêché par une nouvelle et fatale peine d’inéligibilité lui interdisant de se présenter devant les électeurs en mai 2018, lors des prochaines territoriales.

Dans ce dossier, le 15 janvier 2013, en première instance, Gaston Flosse avait été condamné à Papeete à 5 ans d’emprisonnement, 10 millions Fcfp d’amende et 5 ans d’inéligibilité pour trafic d’influence passif et corruption active pour des faits commis entre le 1er janvier 1994 et mars 2006. Ce jugement a été annulé en juin 2014 pour une question de procédure ; mais l'appel sur le fond formé en 2013 par le leader autonomiste, persiste. La citation directe du parquet général doit permettre de "vider" cette saisine en avril prochain.

"Pour que la justice soit admise, il faut qu’elle soit lisible", estime cependant Me François Quinquis, l’avocat de Gaston Flosse qui compare sans hésiter les rebondissements de procédure de cette affaire à une "tambouille judiciaire". Il martèle avec un brin d’ironie : "Le parquet général tente de revenir par la fenêtre alors que la cour d’appel a renvoyé le dossier par la porte (…) : si la décision de justice au mois de juin dernier ne donnait pas satisfaction au parquet et que celui-ci estime qu’elle était entachée d’une erreur de droit, eh bien figurez-vous qu’il y a une voie de recours prévue pour le ministère public également : cela s’appelle un pourvoi en cassation".

"Finir le boulot"

Le ministère public reconnait cette possibilité mais affirme qu’ "après avoir interrogé l’ensemble des juristes au plan national, les avis sont absolument concordants pour reconnaître l’obligation pour la cour de vider sa saisine au fond" : "En avril, la cour prendra la décision qu’elle souhaite : soit elle se rend à l’évidence des conclusions du ministère public et évoque le fond ; soit elle estime avoir jugé définitivement cette affaire et le pourvoi en cassation sera ouvert au ministère public".

Quant aux citations directes adressées aux appelants du procès Haddad-Flosse - dont Me Quinquis soutiendra la nullité en avril - , le parquet général de Papeete souligne "qu’elles ont été rédigées après l’analyse juridique des choses, dans le but de permettre à la cour de vider totalement sa saisine : (...) Il faut finir le boulot. En rédigeant des citations très particulières, très fines en termes de rédaction, on permet à la cour si elle l’estime utile, de vider sa saisine, de finir le travail, si vous voulez, afin que l’on dise le droit à un moment donné, ici. Sinon, le droit n’aura pas été dit dans cette affaire".

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Jeudi 15 Janvier 2015 à 15:43 | Lu 2858 fois