Tahiti Infos

La situation "intrigante" du fils de Moetai Brotherson


Crédit photo : Archives TI.
Crédit photo : Archives TI.
Tahiti, le 15 mars 2024 - Un chef de cabinet peut en cacher un autre. C'est notamment le cas au ministère de la Jeunesse et des Sports, où Christian Wang Sang, le fils ainé du président du Pays, Moetai Brotherson continuerait à percevoir un salaire de chef de cabinet alors qu'il a été replacé, depuis plus de sept mois, en tant que chargé de mission à la cellule Tū'aro Nui, en charge de Jeux olympiques. Un poste bien moins rémunérateur.
 
Il s'agit d'un secret de polichinelle qui plane depuis quelques mois dans la sphère politique locale et qui a suscité l'intérêt de Tahiti Infos. Des indiscrétions qui mettent en lumière des soupçons d'“emploi fictif” au sein du ministère de la Jeunesse et des Sports (MJP). En effet, Tahiti Infos a pu se procurer des documents attestant que depuis août 2023, la personne qui occupait le poste de chef de cabinet de la ministre Nahema Temarii n'était pas celle nommée expressément à ce titre.
 
En effet, sur le papier, c'est bien Christian Wang Sang, le fils aîné du président du Pays, Moetai Brotherson, qui est nommé en tant que chef de cabinet depuis mai dernier et qui occupe toujours cette fonction à ce jour. L'intéressé nous l'a même confirmé au téléphone ce jeudi, assurant qu'il occupait ces fonctions “encore aujourd'hui”, avant de prétexter de devoir raccrocher. Puis de ne plus répondre à nos sollicitations, sentant probablement avoir gaffé...
 
Cependant, contrairement à ses affirmations, une autre personne a assumé les fonctions de chef de cabinet du ministère des Sports depuis août dernier. En effet, Christian Wang Sang avait été nommé à ce poste avant même la nomination de la ministre, et était le seul membre de son cabinet à ne pas avoir été choisi expressément par Nahema Temarii. Il s'est avéré qu'en août dernier, la ministre a décidé de changer de chef de cabinet, estimant, selon nos sources, que celui-ci ne “faisait pas l'affaire”. Elle s'est alors tournée vers l'un de ses conseillers techniques à la jeunesse, James Pauwels, qui a assumé le poste de chef de cabinet jusqu'à sa démission, il y a deux semaines. Contacté par Tahiti Infos également, il n'a pas souhaité répondre à nos questions, mais selon nos sources, sa démission serait liée au fait qu'il était lassé d'occuper le poste du fils du président, sans en avoir ni le salaire ni le titre administratif. Salaire et titre qui étaient réservés à Christian Wang Sang, qui nous affirmait être bel et bien le chef de cabinet du MJP.
 
Mails et carte de visite
 
Mais alors, si Christian Wang Sang affirme toujours être le chef de cabinet du ministère de la jeunesse et des sports, pourquoi remettre en doute sa parole ? Eh bien, depuis son éviction du ministère – qu'il semble avoir omis de nous mentionner –, il s'avère qu'il a été placé à un poste de chargé de mission au sein de la cellule Tū'aro Nui, qui s'occupe des travaux et de la sécurité pour les épreuves de surf des Jeux olympiques, en juillet prochain. Un emploi bien moins rémunérateur que le précédent. Il a d'ailleurs accordé une interview à nos confrères de La Dépêche de Tahiti le 15 février dernier, se présentant ainsi.
 
Tahiti Infos a également pu se procurer des documents attestant que c'était bien James Pauwels qui, de septembre jusqu'à sa démission, a œuvré en tant que chef de cabinet. En effet, de nombreux mails provenant du MJP nomment directement le conseiller technique comme étant chef de cabinet de Nahema Temarii. James Pauwels a même prononcé un discours lors des jeux intervilles de Pirae en septembre dernier et a accompagné la ministre dans tous ses déplacements jusqu'à il y a deux semaines. Nous avons également mis la main sur une carte de visite au nom de James Pauwels, le désignant formellement comme “chef de cabinet”. Des preuves qui démontrent que malgré l'affirmation de Christian Wang Sang, c'est bien l'ancien conseiller technique qui s'occupait du cabinet du MJP pendant sept mois.
 
“C'est vrai qu'on a tardé dans les procédures de changements... ”, reconnait de son côté Nahema Temarii. “En effet, James a pris la place de Christian en août dernier. Je l'ai mis sur le dossier des Jeux olympiques, car ça nous a demandé beaucoup de travail. À ce moment-là, j'ai demandé à James de m'accompagner sur le dossier des relations publiques, ce qui correspond effectivement à la fonction de chef de cabinet.”
 
Emploi fictif ou non ?
 
S'il n'existe pas de définition juridique exacte, plusieurs sources d'informations judiciaires concordent sur la définition d'un emploi fictif : “Un emploi permettant de percevoir une rémunération sans pour autant effectuer les tâches associées au travail. Il s’agit d’un emploi fantôme à proprement parler, car formellement, l’emploi existe, mais le présumé salarié n’effectue aucune tâche. De ce fait, il touche une rémunération pour un travail qu’il ne réalise pas.”
 
Et si l'on se base sur cette définition et sur les informations transmises par nos sources, Christian Wang Sang occuperait donc un emploi fictif depuis septembre. Comme mentionné précédemment, le poste de chargé de mission est moins rémunérateur que celui de chef de cabinet. Une différence de salaire notable, puisqu'elle s'élève à environ 300 000 francs par mois. Sur les sept mois où James Pauwels a occupé ce poste, Christian Wang Sang aurait donc empoché un surplus salarial de 2,1 millions, de quoi mettre du beurre dans ses épinards...
 
Également questionnée sur cette hypothèse d'emploi fictif et de rémunération surévaluée, la ministre des Sports botte en touche : “On a mis du temps sur les procédures, mais à aucun moment il était question de justifier les modifications. Je suis consciente que de l'extérieur la situation peut paraître intrigante ; mais selon ma façon de voir les choses, il n'y a pas d'emploi fictif, car il n'y a pas de travail sans salaire. Christian travaille au ministère en tant que chargé de mission. Chacun son interprétation”, s'est défendue la ministre, qui avoue à demi-mots la situation, puisque si Christian Wang Sang, travaille bien en tant que chargé de mission en percevant un salaire de chef de cabinet, cela correspondrait bien à un emploi fictif. “Le dossier est passé sur mon bureau et j'ai demandé à mes équipes de régulariser la situation”, a-t-elle rajouté. D'ailleurs, souhaitant mettre la main sur les arrêtés de nomination de chef de cabinet du MJP, des données pourtant censées être publiques, bien que non publiées au Journal Officiel de Polynésie française, Tahiti Infos s'est vu opposer un refus ferme du Secrétariat général du gouvernement.
 
Reste à savoir désormais, puisque Nahema Temarii affirme avoir demandé la régularisation du dossier, qui est le responsable de ce “retard de procédure” de tout de même sept mois et qui a coûté un surplus de plus de deux millions de francs en rémunération au Pays, à destination de Christian Wang Sang, le fils de Moetai Brotherson.

 

Rédigé par Thibault Segalard le Vendredi 15 Mars 2024 à 07:00 | Lu 20446 fois