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La situation financière de la Polynésie française est «catastrophique»


Le vice-président de Polynésie, Nuihau Laurey présente l'état des finances du Pays.
Le vice-président de Polynésie, Nuihau Laurey présente l'état des finances du Pays.
PAPEETE, mercredi 19 juin 2013. On en saura plus la semaine prochaine avec l’examen par l’assemblée de Polynésie française du compte financier et du compte administratif du Pays pour l’année 2012. Mais ce mercredi, à l’issue du Conseil des ministres, le vice-président Nuihau Laurey a qualifié de catastrophique la situation financière et budgétaire de la Polynésie. Celui qui assume également les fonctions de ministre des finances et du budget base son analyse sur deux indicateurs principaux. Tout d’abord l’endettement passé de 65 milliards de Fcfp en 2004 à 90 milliards de Fcfp en 2012. «Ce ne serait pas si alarmant si la commande publique avait été accentuée par ces emprunts. Or, au contraire il y a eu une baisse de 50% des investissements durant cette période». Premier mauvais point.
Enfin, la trésorerie disponible dans les caisses du Pays souffre considérablement, et un déficit est annoncé jusqu’à 11 milliards de Fcfp. Deuxième très mauvais indicateur, d’autant que dans le même temps les recettes fiscales et douanières récoltées par le Pays baissaient de 23 milliards. Dans le cas présent, cela se traduit déjà par le fait que «le Pays ne peut pas payer ses factures au jour-le-jour et reporte ses paiements» quand des liquidités sont disponibles. Ainsi les paiements du Pays qui étaient effectués à 35 jours précédemment le sont au mieux à plus de 50 jours désormais, quand ce n’est pas 70 jours pour ce qui concerne les investissements. Des retards de paiement de l’ordonnateur public qui pèsent lourds dans une économie à bout de souffle.

L’ex président polynésien Oscar Temaru a du sentir ses oreilles siffler ce mercredi midi, tant son héritage a été décrié par la nouvelle majorité. «La crise économique a bon dos ! En Polynésie française il y a eu une gouvernance particulièrement catastrophique des gouvernements précédents qui n’ont pas eu de projets de développement économique et n’ont pas su négocier avec l’Etat. Le seul projet économique du gouvernement Temaru ? L’inscription du Pays sur la liste des territoires à décoloniser, mais cela ne donne pas du chiffre d’affaire aux entreprises. Nous constatons un gouffre financier qui perdure depuis plusieurs années» détaille Nuihau Laurey, «voilà la situation dont nous héritons (…) Le Pays n’investit, un peu, que grâce à l’endettement. On doit sortir de cette situation dès l’an prochain».

Pour faire face à ses obligations (payer les salaires des fonctionnaires, les factures aux fournisseurs, faire fonctionner les services du Pays etc.), le nouveau gouvernement mettra en œuvre une réforme fiscale dont les grandes lignes seront dévoilées la semaine prochaine, et compte sur le pacte de relance avec l’Etat qui sera discuté lors du déplacement du président Gaston Flosse à Paris début juillet. Mais le vice-président n’a pas voulu en dire davantage sur le fond de ces réformes. On sait seulement que la réforme de la fiscalité «ne devra pas stigmatiser les entreprises, au contraire, elle doit permettre de stimuler l’initiative privée». Toutefois cette nouvelle fiscalité reposera sur «l’effort collectif des Polynésiens» par l’augmentation annoncée d’une augmentation de la CST. Sur quelles tranches ? De combien de points ? Nuihau Laurey sous le contrôle du président Flosse n’a rien lâché de plus car les arbitrages et les simulations ne sont pas encore achevés.


La situation financière de la Polynésie française est «catastrophique»
Gaston Flosse : «on ne sait pas comment rembourser cette dette» !

Sur les questions financières abordées lors du point presse à l’issue du Conseil des ministres, le président Flosse s’est peu exprimé, laissant son vice-président Nuihau Laurey dresser le bilan très déséquilibré du Pays. «Nous savions que la situation était catastrophique, mais nous n’imaginions pas que c’était à ce point-là» lance-t-il néanmoins en évoquant le déficit de 11 milliards de Fcfp qui frapperait le bilan comptable du Pays en 2012 . Déficit qui n’a pas été pris en compte bien entendu dans le budget primitif 2013 adopté en décembre dernier. Le président du Pays rappelle que l’agence de notation internationale Standard & Poor’s avait évalué la Polynésie française à sa note actuelle de BB+ en septembre 2012, ce qui classe la Polynésie «parmi les pays insolvables, les mauvais payeurs. Les crédits ne sont pas faits pour rembourser la dette. On ne sait pas comment rembourser cette dette» admet Gaston Flosse.
Pour ce qui est de l’endettement en cours du Pays, un peu plus de 90 milliards de Fcfp à la fin 2012, le ministre des finances Nuihau Laurey a annoncé avoir demandé d’augmenter la surface d’un emprunt contracté en février dernier avec la Sfil (Société de financement local) par son prédécesseur Pierre Frébault. A l’époque, un emprunt de 2,4 milliards de Fcfp avait été consenti par la banque publique à la Polynésie, le nouveau montant n’a pas été précisé. En ce qui concerne la présence d’emprunts toxiques pesant sur la Polynésie, Nuihau Laurey a évalué leur impact à 15% du montant global de l’endettement du Pays. «Leur importance tombera, après la validation de cet emprunt auprès de la SFIL aux alentours de 7%». Quoi qu’en disait donc l’ex ministre Pierre Frébault au cours des derniers mois, la Polynésie reste bien intoxiquée par certains de ces emprunts structurés. La totalité de ces emprunts dangereux reposant sur des taux évolutifs adossés aux variations des cours des monnaies n'a donc pas été renégociée.



Rédigé par Mireille Loubet le Mercredi 19 Juin 2013 à 15:41 | Lu 6666 fois