Nuku Hiva, le 29 janvier 2025 - La plus grande scierie de Polynésie française est désormais opérationnelle à Nuku Hiva. Elle est aussi le plus grand employeur privé de l’archipel des Marquises. Mais l’entreprise ne pourra pérenniser son activité, les emplois et sa ressource qu’en collaboration avec les autorités publiques.
Planté il y a plus de 40 ans sur les terres domaniales du plateau de Toovii à Nuku Hiva aux Marquises, les 800 hectares de pinus caribaea, constituent le plus important massif de pins du Fenua avec un fort potentiel de production en bois de construction dans un contexte où la Polynésie importe 90% de ce matériau pour les besoins du territoire.
C’est ainsi qu’en 2021, le ministre de l’Agriculture Tearii Alpha et le président de la Société d’exploitation des bois marquisiens (SEBM), Gérard Siu, signaient le bail de location de 25 ans assujetti à l’implantation d’une scierie sur une parcelle de 53.755m2 à Nuku Hiva.
750 millions investis
Aujourd’hui la scierie marquisienne est opérationnelle. C’est la plus importante de ce type en Polynésie française, moyennant un investissement de 750 millions de francs, puis le recrutement et la formation de 25 employés essentiellement originaires de l’archipel.
“Il faut se rendre compte, explique Gérard Siu : créer une entreprise comme celle-ci dans un archipel éloigné comme les Marquises n’est pas une mince affaire. Il y a le souci de trouver des marchés et des personnes ressources hors de Tahiti et Moorea. Puis il faut acheminer tous les équipements sur place par cargo ou par avion avec un coût de transport extrêmement élevé. Réglementairement parlant, chaque année nous devons faire venir des techniciens pour le contrôle électrique, pour le contrôle des moyens de levage, ou encore des médecins du travail et tout cela aussi à un coût, car si à Tahiti ça se règle en un heure, ici il faut que ces agents passent trois jours sur place. Et il faut leur payer l’avion, l’hébergement, les repas. Bref, tout ici est plus compliqué et plus coûteux, surtout si on ajoute à cela que nous sommes installés sur un site isolé, loin de tout puisque la scierie se trouve à 22 kilomètres de Taiohae, à 900 mètres d’altitude. C’était donc une vraie gageure que de d’installer cette scierie aux Marquises et on a tout de même réalisé un outil industriel qui est de très haut niveau.”
Même si certains matériaux doivent encore arriver à bord des prochains cargos de Tahiti (c’est le cas d’éléments de l’autoclave), la scierie fonctionne désormais via un processus en cinq étapes : le débitage du bois sur deux lignes de sciage, pour produire des sections standardisées ; le séchage du bois à l’air libre pour réduire l’humidité, puis au four essentiel afin de garantir les normes de qualité et de durabilité du produit fini ; le rabotage pour obtenir des surfaces et des sections précises adaptées notamment à la demande de lames de parquet, de deck, ou de tasseaux ; le traitement en autoclave pour protéger le bois contre les insectes, les champignons et l’humidité.
La commercialisation des matériaux ainsi obtenus est ensuite confiée à des négociants ou des magasins de bricolage sur l’ensemble du territoire.
Une fois à pleine capacité, la SEBM devrait produire 15.000 m3 de sciages par an (7.500 m3 de bois fini), soit environ 20 à 25% des besoins en bois de construction du pays. Cela devrait permettre de réduire d’autant l’importation de ce matériau depuis les États-Unis ou la Nouvelle Zélande.
Ainsi, en valorisant la ressource locale, en réduisant l’importation de bois, puis en devenant l’entreprise qui crée le plus grand nombre d’emplois directs et indirects aux Marquises, la nouvelle scierie s’inscrit dans une dynamique nécessaire de développement économique des archipels éloignés.
Besoin d’aides pour l’énergie
Cependant pour que l’avenir de l’entreprise soit envisagé sous les meilleurs auspices, Gérard Siu compte sur le soutien des pouvoirs publics et notamment du gouvernement du Pays qui tarde à réagir : “Notre entreprise est fortement consommatrice d’énergie, explique-t-il. Nous devons créer notre propre énergie, et le carburant nous le payons plein pot comme un utilisateur lambda. Nous avons demandé au Pays, dans le cadre de notre entreprise naissante, d’avoir un prix aidé à 35 francs le litre (au lieu de 155 francs) comme c’est le cas pour la filière de pêche ou la perliculture. D’autre part, dans le but de créer une autonomie énergétique nous nous sommes équipés de panneaux solaires et de batteries, et nous souhaitons tripler la capacité solaire de manière à utiliser un maximum d’énergie renouvelable.”
La SEBM travaille également à la production d’énergie biomasse, comme l’explique Gérard Siu : “Nous voulons utiliser les résidus de bois pour produire de l’énergie biomasse qui permettrait de couvrir nos besoins en énergie notamment la nuit lors du séchage du bois. Cela permettrait aussi d’alimenter une partie de l’île de Nuku Hiva. Mais tout ça à un coût non négligeable, pour lequel la Codim est censée nous aider.”
Une politique de reboisement très attendue
Enfin, un des préalables pour que l’entreprise soit durable, est que la ressource soit regénérée, comme le rappelle le chef d’entreprise. Et sur ce point les choses tardent à se mettre en place. En principe, la ressources du plateau de Toovii devait être exploitée à raison d’une parcelle d’un trentième par an, avec replantage systématique de chaque parcelle exploitée de sorte qu’au bout de 30 ans, la ressource fournissent des arbres ayant atteint leur maturité. “Il faut replanter les arbres que nous coupons sans plus tarder, met en garde Gérard Siu. Et le reboisement sur les terres territoriales c’est du ressort de la Direction de l’agriculture, donc du Pays. Celui-ci nous dit qu’il veut lancer un appel d’offres pour qu’une société privée s’en charge. Certes, mais il faut maintenant s’activer et lancer cet appel à candidatures rapidement, cela aurait déjà dû être fait.”
Le dernier point essentiel au fonctionnement de la scierie c’est l’eau, et là encore, la SEBM attend beaucoup des pouvoirs publics, d’autant qu’il s’agit d’un engagement contractuel : “Nous récupérons déjà l’eau de pluie mais c’est insuffisant. Le Pays devait revoir les gisements d’eau pour le captage. Depuis 2 ans il devait nous livrer l’eau et la sécurité incendie, cela fait partie de ses obligations mais ce n’est toujours pas fait et on nous parle maintenant de 2026, c’est trop loin car sans eau on ne peut pas tourner. C’est d’ailleurs notre grande déception que le gouvernement ne soit pas en phase avec ses ambitions. Il nous donne des obligations que nous remplissons, mais que lui-même ne respecte pas et ça n’a pas l’air de le déranger. Au final nous risquons de nous retrouver en grande difficultés, si rien n’avance du côté du Pays.”
La scierie marquisienne est désormais la plus grande de Polynésie française. D’ici quelques semaines le bois de classe 4 produit à Nuku Hiva sera commercialisé. D’après les intervenants de la scierie, il devrait être le meilleur résineux du marché et vendu à un prix très compétitif.
Planté il y a plus de 40 ans sur les terres domaniales du plateau de Toovii à Nuku Hiva aux Marquises, les 800 hectares de pinus caribaea, constituent le plus important massif de pins du Fenua avec un fort potentiel de production en bois de construction dans un contexte où la Polynésie importe 90% de ce matériau pour les besoins du territoire.
C’est ainsi qu’en 2021, le ministre de l’Agriculture Tearii Alpha et le président de la Société d’exploitation des bois marquisiens (SEBM), Gérard Siu, signaient le bail de location de 25 ans assujetti à l’implantation d’une scierie sur une parcelle de 53.755m2 à Nuku Hiva.
750 millions investis
Aujourd’hui la scierie marquisienne est opérationnelle. C’est la plus importante de ce type en Polynésie française, moyennant un investissement de 750 millions de francs, puis le recrutement et la formation de 25 employés essentiellement originaires de l’archipel.
“Il faut se rendre compte, explique Gérard Siu : créer une entreprise comme celle-ci dans un archipel éloigné comme les Marquises n’est pas une mince affaire. Il y a le souci de trouver des marchés et des personnes ressources hors de Tahiti et Moorea. Puis il faut acheminer tous les équipements sur place par cargo ou par avion avec un coût de transport extrêmement élevé. Réglementairement parlant, chaque année nous devons faire venir des techniciens pour le contrôle électrique, pour le contrôle des moyens de levage, ou encore des médecins du travail et tout cela aussi à un coût, car si à Tahiti ça se règle en un heure, ici il faut que ces agents passent trois jours sur place. Et il faut leur payer l’avion, l’hébergement, les repas. Bref, tout ici est plus compliqué et plus coûteux, surtout si on ajoute à cela que nous sommes installés sur un site isolé, loin de tout puisque la scierie se trouve à 22 kilomètres de Taiohae, à 900 mètres d’altitude. C’était donc une vraie gageure que de d’installer cette scierie aux Marquises et on a tout de même réalisé un outil industriel qui est de très haut niveau.”
Même si certains matériaux doivent encore arriver à bord des prochains cargos de Tahiti (c’est le cas d’éléments de l’autoclave), la scierie fonctionne désormais via un processus en cinq étapes : le débitage du bois sur deux lignes de sciage, pour produire des sections standardisées ; le séchage du bois à l’air libre pour réduire l’humidité, puis au four essentiel afin de garantir les normes de qualité et de durabilité du produit fini ; le rabotage pour obtenir des surfaces et des sections précises adaptées notamment à la demande de lames de parquet, de deck, ou de tasseaux ; le traitement en autoclave pour protéger le bois contre les insectes, les champignons et l’humidité.
La commercialisation des matériaux ainsi obtenus est ensuite confiée à des négociants ou des magasins de bricolage sur l’ensemble du territoire.
Une fois à pleine capacité, la SEBM devrait produire 15.000 m3 de sciages par an (7.500 m3 de bois fini), soit environ 20 à 25% des besoins en bois de construction du pays. Cela devrait permettre de réduire d’autant l’importation de ce matériau depuis les États-Unis ou la Nouvelle Zélande.
Ainsi, en valorisant la ressource locale, en réduisant l’importation de bois, puis en devenant l’entreprise qui crée le plus grand nombre d’emplois directs et indirects aux Marquises, la nouvelle scierie s’inscrit dans une dynamique nécessaire de développement économique des archipels éloignés.
Besoin d’aides pour l’énergie
Cependant pour que l’avenir de l’entreprise soit envisagé sous les meilleurs auspices, Gérard Siu compte sur le soutien des pouvoirs publics et notamment du gouvernement du Pays qui tarde à réagir : “Notre entreprise est fortement consommatrice d’énergie, explique-t-il. Nous devons créer notre propre énergie, et le carburant nous le payons plein pot comme un utilisateur lambda. Nous avons demandé au Pays, dans le cadre de notre entreprise naissante, d’avoir un prix aidé à 35 francs le litre (au lieu de 155 francs) comme c’est le cas pour la filière de pêche ou la perliculture. D’autre part, dans le but de créer une autonomie énergétique nous nous sommes équipés de panneaux solaires et de batteries, et nous souhaitons tripler la capacité solaire de manière à utiliser un maximum d’énergie renouvelable.”
La SEBM travaille également à la production d’énergie biomasse, comme l’explique Gérard Siu : “Nous voulons utiliser les résidus de bois pour produire de l’énergie biomasse qui permettrait de couvrir nos besoins en énergie notamment la nuit lors du séchage du bois. Cela permettrait aussi d’alimenter une partie de l’île de Nuku Hiva. Mais tout ça à un coût non négligeable, pour lequel la Codim est censée nous aider.”
Une politique de reboisement très attendue
Enfin, un des préalables pour que l’entreprise soit durable, est que la ressource soit regénérée, comme le rappelle le chef d’entreprise. Et sur ce point les choses tardent à se mettre en place. En principe, la ressources du plateau de Toovii devait être exploitée à raison d’une parcelle d’un trentième par an, avec replantage systématique de chaque parcelle exploitée de sorte qu’au bout de 30 ans, la ressource fournissent des arbres ayant atteint leur maturité. “Il faut replanter les arbres que nous coupons sans plus tarder, met en garde Gérard Siu. Et le reboisement sur les terres territoriales c’est du ressort de la Direction de l’agriculture, donc du Pays. Celui-ci nous dit qu’il veut lancer un appel d’offres pour qu’une société privée s’en charge. Certes, mais il faut maintenant s’activer et lancer cet appel à candidatures rapidement, cela aurait déjà dû être fait.”
Le dernier point essentiel au fonctionnement de la scierie c’est l’eau, et là encore, la SEBM attend beaucoup des pouvoirs publics, d’autant qu’il s’agit d’un engagement contractuel : “Nous récupérons déjà l’eau de pluie mais c’est insuffisant. Le Pays devait revoir les gisements d’eau pour le captage. Depuis 2 ans il devait nous livrer l’eau et la sécurité incendie, cela fait partie de ses obligations mais ce n’est toujours pas fait et on nous parle maintenant de 2026, c’est trop loin car sans eau on ne peut pas tourner. C’est d’ailleurs notre grande déception que le gouvernement ne soit pas en phase avec ses ambitions. Il nous donne des obligations que nous remplissons, mais que lui-même ne respecte pas et ça n’a pas l’air de le déranger. Au final nous risquons de nous retrouver en grande difficultés, si rien n’avance du côté du Pays.”
La scierie marquisienne est désormais la plus grande de Polynésie française. D’ici quelques semaines le bois de classe 4 produit à Nuku Hiva sera commercialisé. D’après les intervenants de la scierie, il devrait être le meilleur résineux du marché et vendu à un prix très compétitif.